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Critique de michel.carlier15


That is the question : pourquoi donc les baleines (et les cétacés en général , les mysticètes mis à part ) sautent-elles ?
Les hypothèses et les explications sont aussi nombreuses que saugrenues . On dit "qu'elles bondissent dans les airs pour déglutir , se débarrasser de leurs parasites , pour communiquer , séduire en vue d'un accouplement , pêcher en gobant , chasser en catapultant , fuir des prédateurs sous-marins comme l'espadon et le requin , s'étirer , s'amuser , en imposer , ou encore ponctuer un message , une attitude" . Aucune de ces explications n'est satisfaisante .
Et si elles sautaient pour le plaisir de sauter , simplement pour s'élever dans les airs de façon majestueuse pour retomber plus lourdement ensuite , uniquement parce qu'elles peuvent le faire ?
Non , elles ne sautent pas pour nous faire plaisir (quoique ) , elles sautent avant tout pour se faire plaisir : "le saut fournirait à la baleine son ivresse , une fête solitaire , un peu suicidaire peut-être , une sortie , une libération exaspérée , si brève soit-elle , une expérience totale soulevant le monstre de sa tête jusqu'à sa nageoire caudale , une secousse monumentale pour se soustraire un instant à la tautologie sous-marine" .
L'auteur rejette d'ailleurs d'emblée l'accusation d'anthropomorphisme : "l'humain n'a pas inventé l'ivresse , l'éréthisme , le suicide ni la transcendance" .
Les baleines ne sautent pas par-dessus quelque chose comme les humains , ni pour aller quelque part , ni pour aller plus loin . Elles sautent pour retomber . Plus le saut est majestueux , et hélas , plus dure est la chute .
Le léviathan des mers , si l'on en croit la Bible , aurait été créé "pour jouer dans l'eau" . Explication vaseuse , il n'y a pas de dimension de jeu dans ce mouvement de bas en haut .
Cet essai ne cherche pas à expliquer le comportement des baleines , ni le pourquoi de leurs sauts : il n'y a pas d'explication . Ce sont nous , les humains , qui cherchons à tout prix à tout expliquer , à tout mettre en équation . Avant d'être un "essai cétologique" , c'est avant tout une prouesse littéraire , de la même façon que le saut de la baleine est une prouesse contre la gravité et la résistance de l'eau (800 fois plus résistante que l'air ) .
Je cite à nouveau l'auteur : "le saut marque un trop-plein d'énergie et d'oisiveté , une surexcitation sans objet , dont l'angoisse éruptive est paradoxale : à sa source , l'innocence métaphysique et le sentiment funèbre du vide" .
Ou encore , page 63 : "Englué là depuis de longues heures , dans la prison silencieuse et glacée d'une immensité d'eaux calmes où il flotte médiocrement , le mégaptère (…) finit à un moment donné , excédé , par devoir monter avec précipitation vers la lumière ) , vers un au-delà , vers quelque échappatoire , et soudain , sa queue s'emballe , il s'élance vivement à travers les flots , transperce la surface de l'océan , et surgit , explose dans les airs tel un ilot noir ou quelque rocher de cendrepétrifiée , polie et lubrifiée , tout en se contorsionnant , les ailes tendues , les sillons gulaires étincelants , le dos renversé par-dessus la péninsule du Kamtchaka tout entière et les îles du Commandeur en prime , par-dessus les geysers et les cimes enneigées"(…) .
Tout est dit , on peut philosopher sur le comportement des cétacés et en faire un long poème , bravo à l'auteur !
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