AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Histoire de la lecture dans le monde occidental (35)

(...), il faut identifier les dispositions spécifiques qui distinguent les communautés de lecteurs, les traditions de lecture, les façons de lire. (...)
Tous ceux qui peuvent lire les textes ne les lisent pas de la même façon, et, à chaque époque, l'écart est grand entre les lettrés virtuoses et les moins habiles des lecteurs.
Commenter  J’apprécie          70
(...) un texte n'existe que parce qu'il est un lecteur pour lui donner une signification : "Qu'il s'agisse du journal ou de Proust, le texte n'a de sens que par ses lecteurs ; il change avec eux ; il s'ordonne selon des codes de perception qui lui échappent. Il ne devient texte que dans sa relation à l'extériorité du lecteur, par un jeu d'implications et de ruses entre deux sortes d' "attente" combinées : celle qui organise un espace lisible (une littéralité), et celle qui organise une démarche nécessaire à l'effectuation de l'oeuvre (une lecture).
Michel de Certeau, L'invention du quotidien, vol 1, Arts de faire
Commenter  J’apprécie          70
Entre la fin du XIe siècle et le XIVe intervient une nouvelle étape de l'histoire de la lecture. Les villes renaissent, et avec elles les écoles, qui sont des lieux du livre. L'alphabétisation se développe, l'écrit progresse à tous les niveaux, usages du livre et objets du livre se diversifient. (...)
On commence à lire beaucoup et d'une manière différente. Il ne s'agit plus simplement de comprendre la lettre de l'écrit(littera) : ce n'est que la première étape, à partir de laquelle il faut passer au sens (sensus) du texte pour atteindre à la sententia, la doctrine dans toute sa profondeur. (...)
En somme, comme le montre l'étude de Jacqueline Hamesse, c'est le livre comme instrument de travail intellectuel qui vient de naître. Le livre est devenu la fontaine où l'on va puiser le savoir, ou plutôt les savoirs, il n'est plus le dépositaire d'une connaissance à ruminer ou simplement à conserver.
Commenter  J’apprécie          50
Pour compliquer encore les choses, on voit apparaître en différents lieux des symptômes de refus déclaré du "canon" dans des secteurs de plus en plus vastes du public, refus qui ne semble pas conditionné par le marché mais par des orientations idéologiques précises. C'est ce qui se passe par exemple en Allemagne de l'Est, jadis paradis du marché du livre avec un très grand nombre de lecteurs assidus, formés à la consommation du livres et à l'observance d'un "canon" traditionnel épuré par la censure, car, comme dans tous les pays de l'Est avant 1989, la lecture comme pratique culturelle de masse avait la faveur du régime. Aujourd'hui, ces lecteurs refusent catégoriquement les produits de l'édition locale, les classiques, les romans, les auteurs du sous-canon marxiste, et se jettent avec une avidité désordonnée sur tout ce qu'offre le marché du livre de l'Allemagne de l'Ouest : la Trivialliteratur, les livres sur les hobbies, les romans policiers, la science-fiction, les livres sur le tourisme, etc. Les maisons d'éditions de l'ancienne Allemagne de l'Est connaissent une grave crise, l'Union des écrivains a été dissoute, et on a vu se créer aux environs de Leipzig les premières décharges de livres du monde, une nouveauté du paysage urbain (...) qui constitue peut-être le premier signal d'un rejet plus étendu, même s'il est encore souterrain.
Commenter  J’apprécie          50
chapitre Lire pour lire : un avenir de la lecture p 405

Contrôle et limites

Presque toutes les campagnes d'alphabétisation de masse entreprise au XXème siècle au niveau national ou mondial (par l'UNESCO par exemple) que ce soit dans les pays développés ou dans les anciennes colonies, ont porté avant tout sur le développement de la lecture et non de l'écriture. Selon toute évidence ce choix est le résultat conscient de la vocation pédagogique des institutions qui, partout, ont élaboré les idéologies et les méthodologies de l'apprentissage : l'école dans les sociétés bourgeoise et l'Eglise (concurrente mais d'accord sur ce point), le monde des bibliothécaires (en particulier dans les pays anglo-sanxons), qui a élaboré l'idéologie démocratique de la lecture publique, l'industrie éditoriale, intéressée à la création d'un lectorat toujours plus large et non pas aux progrès à la capacité à écrire. Et il y a quelque chose de plus à la base de ce choix universel, commun à toutes les autorités et à tous les pouvoirs : l'idée que la lecture était, avant l'âge de la télévision, le meilleur véhicule de la diffusion des valeurs et des idéologies, et donc le plus facilement régulable une fois qu'on aurait réussi à contrôler les processus de production, et surtout de distribution et conservation des textes. Au contraire, l'écriture est une capacité individuelle et complètement libre, qui peut s'exercer n'importe où, pour produire ce que l'on veut, hors de tout contrôle et, à la limite, de toute censure.
Il est vrai qu'aux niveaux les plus élevés et dans la culture officielle, la production écrite est contrôlable, avec brutalité ou en douceur. Michel Foucault l'a parfaitement démontré dans "L'Ordre du discours" (...) Comparativement pourtant, le contrôle de la lecture est plus direct et plus facile, et certainement plus indolore. Pour qu'il fonctionne il suffit que les lectures du public à alphabétiser à éduquer (donc à endoctriner) soient autoritairement dirigées vers un corpus d'oeuvre déterminées et non vers d'autres, donc vers un canon, plus ou moins large, libéral ou restrictif, mais qui reste un canon imposé, c'est à dire une valeur indiscutable, à prendre comme tel.
Selon la définition courante, un canon est une "liste d'oeuvres ou d'auteurs proposée comme norme, comme modèle". Toute culture écrite en a compté un ou plusieurs, considérés comme valides soit dans l'absolu soit dans des milieux particuliers (religieux, littéraire, etc). Notre tradition littéraire occidentale a élaboré le sien, suffisamment vaste pour satisfaire l'industrie éditoriale, mais aussi assez rigide pour assurer la reproduction des valeurs idéologiques, culturelles et politiques qui sont à la base de la vision du monde occidental depuis deux siècles, et qui va des oeuvres d'Homère à celles des "maîtres à penser" du Collège de France.
Commenter  J’apprécie          50
En France aussi, les lecteurs populaires refusaient de se plier aux prescriptions des bibliothécaires. Dans les années 1880 et 1890, les romans représentaient plus de la moitié des prêts des bibliothèques municipales de Paris. Les bibliothécaires soutenus par la société "Franklin" déploraient régulièrement que leurs clients préfèrent aux ouvrages sérieux les livres d'Alexandre Dumas ou "Notre Dame de Paris".
Il y avait pourtant une strate de la classe ouvrière qui cherchait vaillamment à s'émanciper de l'ignorance et de la dépendance. Webb estime que les deux tiers des ouvriers anglais savaient lire avant 1870.
Leur soif d'apprendre n'était que partiellement satisfaite par les "Mechanics' Institutes" qui dispensaient une formation professionnelle et morale à une élite d'artisans.
(extrait de "Les classes laborieuses : lectures imposées, lectures dérobées", chapitre du volume paru aux éditions "Points" en 2001)
Commenter  J’apprécie          50
Scandée par les trois révolutions qui ont transformé les pratiques entre Moyen Age et XXe siècle, l'histoire de la lecture met en évidence quelques modèles majeurs qui furent successivement dominants. Le premier d'entre eux, analysé dans ce livre, peut être qualifié d' "humaniste". Il caractérise les lectures savantes du temps de la Renaissance à partir d'une technique intellectuelle spécifique : celle des "lieux communs".
Deux objets sont, tout à la fois, les supports et les symboles de cette manière de lire. Le premier est la roue à livres. Son existence est ancienne, mais les ingénieurs de la Renaissance se sont efforcés de la perfectionner grâce aux progrès de la mécanique. Mue par une série d'engrenages, la roue à livres permet au lecteur de faire apparaître simultanément devant lui plusieurs livres ouverts, disposés sur chacun des pupitres que comporte l'appareil. La lecture qu'autorise un tel instrument est une lecture de plusieurs livres à la fois. Le lecteur qui la pratique est un lecteur qui confronte, compare, collationne les textes, qui les lit pour en extraire citations et exemples, et qui les annote de façon à repérer et indexer plus facilement les passages qui ont retenu son attention.
Commenter  J’apprécie          40
La tâche des historiens qui ont contribué à cet ouvrage a donc été de reconstruire, dans leurs différences et leurs singularités, les diverses manières de lire qui ont caractérisé les sociétés occidentales depuis l'Antiquité.
Mener à bien une telle enquête suppose de porter l'attention sur la manière dont s'opère la rencontre entre "le monde du texte" et "le monde du lecteur" -pour reprendre les termes de Paul Ricoeur.
Commenter  J’apprécie          30
Ce n'est pas la première fois qu'un "canon" de textes écrits sanctionné par la tradition est contesté en totalité ou en partie. Dans l'histoire qui est la nôtre et que nous connaissons donc le mieux, le fait s'est déjà produit au moins deux fois : la première fois entre le IIIème et le IVème siècle quand la culture chrétienne est entrée en rébellion contre celle de la tradition païenne et a substitué son "canon" à celui des auteurs grecs et latins; et la seconde entre le XIVème et XVIème siècle, quand les humanistes italiens récusèrent le canons de la culture scolastique et proposèrent de le remplacer par un autre ensemble d'oeuvres, avant tout les classiques latins et grecs. Dans les deux cas le refus n'aura jamais été complet : les chrétiens ne renoncèrent pas à Virgile, les humanistes ne renoncèrent pas aux Pères de l'Eglise, et avec le temps une partie du canon précédent fut réabsorbée par le nouveau canon. Mais ce qui est sûr c'est que dans l'un et l'autre cas, le changement de "canon" s'est accompagné de nouvelles manières de produire l'écrit, de nouveaux modèles de livres et de nouvelles pratiques de lecture.
Commenter  J’apprécie          30
Au IXe siècle, Rabanus Maurus écrivit un manuel pour la formation des clercs, le De Clericorum institutione. Dans le troisième livre, il expliquait comment étudier et enseigner ce qui est écrit dans les ouvrages de théologie en même temps que ce qu'il y a d'utile dans les oeuvres savantes et littéraires des paiens (gentilium) qu'un homme d'Eglise se devait de connaître. Ses principaux arguments étaient directement puisés dans le De doctrina christina de saint Augustin, mais sous une forme ramassée qui leur donnait plus de vigueur. (...)
La tradition de l'interprétation allégorique n'était pas limitée aux textes bibliques. Des gloses du IXe siècle au poème d'Orphée sur des exemplaires du De consolatione philosophiae de Boèce (livre III, 12) voyaient dans Orphée une allégorie de l'âme humaine, dans Hadès celle de la cupidité du monde et dans l'empyrée la réalisation du bien suprême. L'une des oeuvres étudiées dans les écoles de la seconde moitié du IXe siècle était le De nuptiis Mercurii et Philologiae de Martianus Capella, une allégorie des sept art libéraux. ceux qui étudiaient les textes classiques s'appuyaient sur les interprétations allégoriques des mythes paiens des Mythologiae de Fulgence, un chrétien du Ve siècle, et, vers la fin du IXe siècle, un nouveau manuel fut rédigé par un compilateur anonyme que les chercheurs modernes appellent Mythographus II.

Chapitre 3. Lire, écrire, interpréter le texte § Interprétation et exégèse chrétienne
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (67) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Quelle guerre ?

    Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

    la guerre hispano américaine
    la guerre d'indépendance américaine
    la guerre de sécession
    la guerre des pâtissiers

    12 questions
    3173 lecteurs ont répondu
    Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

    {* *}