La description précise, qui va dans les plus petits détails matériels, de la pratique culturelle de lecture dans l'Empire Romain d'Orient, aussi appelé empire byzantin, ne lasse jamais et ne perd jamais de son profond intérêt pour le lecteur moderne, qui découvre grâce à ce livre une culture classique originale, érudite, créative, oubliée au profit de la mythologie de la transmission islamique des savoirs grecs. Voilà donc un livre sérieux, sans la moindre intention polémique, qui ruine calmement, par sa seule force scientifique, toutes les fureurs médiatiques, et toutes les attaques de mauvaise foi, qui ont entouré "Aristote au Mont Saint-Michel", sottes machinations dont Sylvain Gougenheim a été la victime de la part des associations antiracistes. On y apprend, documents à l'appui, comment on lit, ce que l'on lit, et ce que l'on fait de ses lectures, dans le monde byzantin, qui n'a pas vécu en vase clos mais s'est trouvé en fréquents contacts avec l'Europe occidentale, qu'il a irriguée de sa connaissance vivante de la culture grecque, sans la médiation plus ou moins imaginaire des traductions syriaques du grec, puis de l'arabe sur le syriaque, puis du latin sur l'arabe. Toute discussion sur la part de l'islam dans notre civilisation doit tenir compte de Byzance, la grande oubliée (et pour cause) des journalistes et intellectuels aux ordres.
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A Byzance les lettrés avaient l'habitude - comme déjà à l'époque gréco-romaine - de soumettre leurs propres oeuvres au jugement d'un "cercle de savants" (théatron sophôn), comme le rapporte Nicéphore Grégoras, qui invite justement à une réunion de ce genre un certain Jean Basilikos, qui avait critiqué ses écrits. Le plus souvent, cependant, le cercle des auteurs coïncide avec celui des lecteurs, si bien que le succès des lectures faites en commun est assuré.
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