En ces temps reculés, lorsqu’un roi mourait, selon la loi franque, le territoire était partagé entre ses enfants mâles… ce qui ne favorisait guère l’amour fraternel, chacun des fils ayant pour but de reconstituer le royaume de papa. Pour cela, un seul moyen : assassiner ses frères, voire ses neveux. Le voilà, le sang de Clovis, versé dans les luttes fratricides de sa descendance.
Poursuivant l’épopée mérovingienne, Cavanna nous fait faire un bond dans le temps et nous transporte à l’époque des petits-fils de Clovis. À la mort de Clotaire, le royaume franc est partagé entre ses fils : la Neustrie va à Chilpéric, l’Austrasie à Sigebert.
La rivalité entre frères se complique de la haine farouche que se vouent les deux reines, Frédégonde, femme vénéneuse, servante ayant réussi à se faire épouser du premier et Brunehaut, princesse wisigothe, épouse du second. Et quand Brunehaut, après l’assassinat de Sigebert par les soins du couple ennemi, épouse Mérovée, le fils-même de Chilpéric, le désordre politique est à son comble…
C’est une époque d’une grande âpreté où meurtres, enlèvements, machinations, trahisons, séquestrations, rivalité et haine entre les deux reines, faits historiques avérés, forment une trame propice à un roman d’aventures captivant auquel Cavanna ajoute des détails de son cru, comblant les vides, redonnant vie aux personnages historiques, créant des héros imaginaires interférant dans l’Histoire, le tout avec des touches d’humour et même de tendresse humanisant un peu l’épopée sanglante et cruelle des Mérovingiens.
Je suis très surprise (et fort marrie) du petit nombre de personnes ayant lu cette fresque mérovingienne, pourtant très réussie. Le thème n’a-t-il pas attiré le lecteur ? La personnalité de Cavanna a-t-elle joué en sa défaveur ? Ah, si vous saviez, vous qui ne lisez pas cet auteur, comme vous manquez quelque chose de rare, une belle écriture, puissante, imagée, un style original pétri d’humour et d’intelligence… Si vous saviez comme vous passez à côté d’un grand écrivain !
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- Tu es donc ce Gontramn Bose qu'on dit presque aussi habile que moi-même?
- Ce "presque" est encore beaucoup trop, dame reine.
- La modestie te sied mal. Ce n'était d'ailleurs pas de ma part un compliment. Une simple constatation. J'ai besoin de savoir.
- Dame reine, l'habileté vantée n'est déjà plus l'habileté. L'homme vraiment habile est celui dont on ignore l'habileté.
- On finit toujours par la connaître, ne serait-ce que par ses résultats. Puisque tu sembles goûter les aphorismes, disons que l'homme supérieurement habile est celui qui réussit à l'être bien que soit connue son habileté.
- Je demande grâce, dame reine ! Aux jeux de l'esprit, je ne suis pas de force contre toi. En accord avec ta définition, n'es-tu pas toi-même l'habileté suprême, puisque ta réputation si flatteuse ne te gêne en rien dans l'accomplissement de tes desseins, et même t'aide par la conviction qu'ont tes victimes d'êtres vaincues avant même d'engager le fer?
- Tu sais parler aux reines, seigneur Bose.
L'an 561 de la naissance du Seigneur Christ Jésus, le roi Clotaire, seul souverain de la totalité des Gaules et d'un bon morceau de la Germanie, abondamment pourvu de richesses, de puissance, de femmes et, hélas pour eux, d'enfants dont quatre mâles, rend à Dieu son âme chargée du sang de ses frères et de ses neveux mais nimbée de la pure lumière des dons et avantages qu'il fit pleuvoir en ses dernières années sur les évêques et les monastères.
Debout sont la reine Brunehaut dans tout l’éclat de ses vingt-huit printemps et aussi le duc Gondobald. Agenouillé est Petit Loup. Petit Loup qui, en tant qu’homme libre et de bonne race, n’a jamais ployé le genou devant quiconque, et surtout pas, en tant que jeune mâle fier des attributs qui se balancent entre ses jambes, devant une femme, Petit Loup, à sa propre stupéfaction, est tombé à genoux dès que parut la reine. « Encore un ! » a pensé le duc.
c'est ainsi que ,ayant appris a contrôler son pouvoir et à le doser suivant besoin, la petite Frédégonde s'éleva du rang de souillon de cuisine à celui de reine de Neustrie.
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1/5 François Cavanna : À voix nue (1994 / France Culture). La semaine du 23 juin 2014, France Culture rediffusait une série de cinq entretiens enregistrés avec François Cavanna en 1994 pour l'émission “À voix nue”. Par Ludovic Sellier. Réalisation : Christine Robert. Rediffusion de l'émission du 17/01/1994. Avec la collaboration de Claire Poinsignon. 1) La mémoire de la ville : de la "folie patrimoniale" au "tout progrès"
François Cavanna est né en février 1923 (et décédé le 29 janvier 2014) d'un père italien et maçon et d'une mère morvandiode, et si l'usage de son prénom s'est un peu perdu, il a conservé son accent des faubourgs. Ecrivain, après avoir débuté dans la presse comme dessinateur, Cavanna est devenu rédacteur en chef de "Charlie Hebdo" et le fondateur de "Hara Kiri", il a conservé le goût de la formule et les saveurs d'une langue truffée d'onomatopées.
Invité :
François Cavanna
Thèmes : Littérature| Littérature Contemporaine| Mémoires| Presse Ecrite| François Cavanna| Charlie Hebdo
Source : France Culture
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