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Citations sur Lune de miel (16)

Tant que je pourrai écrire une ligne, je serai présent parmi les vivants.
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Mais il y avait Lafontaine.Aussi peu classique que possible, d’ailleurs. On se demande bien ce qu’il fout là. Les autres, les Racine, les Boileau, La Bruyère et compagnie se foutaient de sa gueule.....
« Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un coche «
A déclarer au lever et au coucher.
Le gars qui a écrit ça peut aller se coucher. Il a travaillé pour sa vie entière.

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Derrière tout ça perce la trouille, non pas d'être un jour alzheimer soi-même, mais d'hériter d'un légume, et de sa petite voiture, et du caca qu'il faut nettoyer après avoir forcé le légume à l'ingurgiter par l'autre bout. « Ils ont bien du courage. Moi, je sais pas ce que je ferais à leur place.» Tu ferais comme eux, Ducon, si t'as pas les moyens de payer une aide ou un placement en maison « médicalisée ».
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"POUR LA FRANCE"

Je devais avoir pas plus de dix ans quand ils se sont mis à nous emmerder vraiment. Les Pouvoirs Publics. Nous, les Ritals. Voyez-vous, c’était la Crise. Il y a toujours une crise. Plus ou moins. Celle-là, c’était la Crise avec la majuscule. Partout. La planète s’était arrêtée de tourner. Faute aux Ricains, paraît. Ils avaient encore joué aux cons. Total… Les usines débauchaient, les chantiers restaient une patte en l’air, les grues rouillaient, ramollissaient et finissaient par se casser la gueule en s’affaissant comme des merdes, avec le petit bonhomme qui roupillait là-haut dans la cabine.

Plus de travail. Seuls les bistrots tenaient le coup. Fallait bien qu’il y ait un endroit pour se réunir et gémir sur la vacherie des temps. À croum, bien sûr. Les ardoises s’allongeaient sur la glace derrière le comptoir. On paierait quand les beaux jours à se crever le cul seraient revenus. Remarquez, il y en a qui y ont tout paumé et ont mangé le rideau de fer. Plus par vengeance que par malhonnêteté. L’ouvrier ne peut pas s’en prendre au patron, encore moins au gouvernement, alors il se venge sur ce qu’il a à portée, sur le gentil troquet qui lui a fait confiance, le con.

Quand on a des ouvriers étrangers et des français, et qu’il faut en mettre la moitié dehors, qu’est-ce qui reste? Pince-moi! T’as tout compris. Et quand un étranger pauvre se trouve sans travail sur le sol de France, on lui fi le un permis provisoire et on lui dit: «Quinze jours. T’as quinze jours pour retourner dans ton bled de merde, et crois pas qu’on va te payer le train.»

Ça s’arrangeait pas. Même, ça empirait. Il paraît qu’à New York on balançait les banquiers par les fenêtres. Du centième étage, si ça se trouve. À Paris, c’est les maçons qu’on voulait foutre à l’eau. À cette époque, tout ce qui était dans le bâtiment était étranger, et tout ce qui était étranger était rital. Valait mieux pas trop se montrer, vu qu’une gueule de Rital, ça fait peut-être moins tache qu’une tronche de Banania, mais ça se repère quand même au premier coup d’œil malveillant. Tous les coups d’œil étaient malveillants, il y a des époques comme ça.

*

Les deux Dominique, les patrons, avaient maintenu vaille que vaille l’entreprise. Arriva quand même le samedi noir où papa ramena sa dernière paye. Suivit le lundi, le premier lundi depuis qu’il tenait sur ses jambes où il n’alla pas au boulot. Et ce fut le chômage. La honte du chômage. J’ai vu papa, perdu dans la queue des sans-travail, baissant le nez, ne sachant où se cacher.

Le bureau du chômage se trouvait dans le commissariat. La queue tournait tout autour de la cour et continuait sur le trottoir de la Grande-Rue, ça gênait l’abord des boutiques, les commerçants faisaient la gueule mais n’osaient pas trop gronder, le journal leur avait expliqué que c’était partout pareil, que c’était vraiment très triste, une espèce de malheur national. Certains ajoutaient «Pas pour tout le monde» et parlaient de Juifs. Je comprenais pas tout.

Là-dessus, on reçoit une lettre avec «République Française» sur l’enveloppe et la tête de Marianne. Maman n’osait pas l’ouvrir. Elle disait: «Je sens que c’est du pas bon.» Et en effet.

C’est moi qui l’ai lue, la lettre. Maman n’osait pas. Papa ne savait pas. «Vous êtes prié de vous présenter à la Préfecture de Police, service des travailleurs étrangers, bureau tant et tant.» Il y avait en plus un coup de tampon tout de travers, à moitié mal tamponné, qui ordonnait: «Muni de votre carte d’identité.»

J’ai prévenu à l’école que je viendrais pas ce jour-là, j’ai pris papa par la main, sa grosse main qu’on aurait crue toujours encroûtée de ciment, et nous voilà partis. Maman pleurait comme si on partait pour la guerre.

On a pris le métro au château de Vincennes. Je lâchais pas la main de papa, je la tenais serrée-serrée, pas que je le perde. Dans le métro sans savoir lire, sans connaître Paris, sans presque savoir parler… la terreur. Déjà la bousculade pour monter… Nous étions debout, peur qu’arrivés à Châtelet on ne parvienne pas à se lever assez vite et à descendre à temps. Je vis que papa marmonnait en comptant sur les doigts de sa main, celle que je ne tenais pas. Je lui ai demandé. Il m’a dit: « Je le sais qu’il est dix stations jusqu’à c’te Châtelet où qu’on descende nous. Allora, je fas le compte. Ecco.»

Au Châtelet, il y avait la correspondance pour Cité. Mais j’ai regardé la carte et j’ai vu que c’est tout près, juste à côté. On a trouvé la sortie et on est allés à la préfecture à pied.

La queue faisait tout le tour de la cour de la préfecture, qui est une cour vraiment immense, et puis elle passait sous le porche et continuait en s’enroulant autour de la place devant Notre-Dame, qui s’appelle le parvis. À l’école on m’avait expliqué que Notre-Dame avait été reconstruite presque à partir de zéro par un nommé Viollet-le-Duc, qu’il fallait beaucoup admirer cette merveille, surtout les sculptures du Moyen Âge, et moi, justement, je venais à peine de lire Notre-Dame de Paris, qui est de Victor Hugo, je regardais de tous mes yeux, je voyais très bien les gargouilles, tout là-haut, j’imaginais Quasimodo, et la belle fille, j’ai oublié son nom, amoureuse d’un con comme souvent les filles, et j’aurais voulu raconter tout ça à papa, juste là devant Notre-Dame, mais papa n’avait pas la tête à ça, je le voyais bien.

On y a passé la journée. À six heures du soir, on avait tout juste atteint l’entrée du porche. Des flics sont venus, ils ont dit: «On ferme. Vous reviendrez demain.»

Bon. On a fini par se retrouver devant un comptoir, papa et moi, avec derrière un mec pas commode. Il portait des espèces de manchons noirs pour pas user ses manches de veste sur le bois de la table. Il posait des questions, je voyais bien qu’il cherchait à nous baiser, mais je faisais gaffe. «Oui», «Non», «Je sais pas.» Il regardait papa, l’air de dire: «Vous êtes d’accord?»,

papa faisait: «Vi, Messieur.» Le type a fini par donner son coup de tampon, comme à regret. On s’en était sortis. Pour cette fois…

Papa avait un atout: son fils né français. J’avais le droit d’opter à vingt et un ans. Ça jouait. Mais où maman l’a trouvée mauvaise, c’est quand elle a appris qu’elle était devenue italienne par son mariage. Elle aurait pu rester française, elle ne savait pas…

*

[...]

Enfin, il est arrivé, le décret ! Il faisait de papa un Français de plein droit, rétablissait maman «dans la nationalité française» et me confirmait dans la mienne. [...]

Entre-temps, la guerre avait éclaté.

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Quand on est dans le manque, autant rêver dans le déraisonnable.
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Ce qui fut n'est plus que souvenir, et rien ne nous garantit que le souvenir est l'image fidèle de ce qui fut.
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La culture vraie consiste à se rappeler les vers et à oublier le nom de l'auteur.
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Petit bilan
Parvenu à l'heure des bilans, certaines évidences s'imposent, auxquelles on n'avait jamais pensé.
Exemple. C'est pas pour me vanter, mais je n'ai jamais rendu une femme heureuse. Je veux dire heureuse par moi, par ma ferveur, par ma présence, par ma simple existence...
C'était pourtant mon voeu le plus cher. Leur bonheur m'importait plus que le mien, beaucoup plus. Mais voilà, je n'avais pas la manière. Ou peut-être aimais-je trop fort, trop dans l'idéal. Trop attentif à l'amour même et pas assez à son objet, l'aimée? Amour trop nourri de littérature,donc exigeant, donc maladroit ? Je n'ai jamais eu les pieds tout à fait sur terre, bien solidement crochés au sol. En tout cas, pas les deux pieds à la fois.
Ma seule excuse, c'est que je ne l'ai pas fait exprès. D'ailleurs, je ne me posais pas la question. J'aimais____ je peux aimer très fort, vous savez____, je faisais ce qu'on fait quand on aime, quand on aime très fort. Je ne me souciais pas de savoir si le message était reçu, et agréé, s'il existait une réciprocité à mon élan.
Je vois bien maintenant, je vivais mon amour en égoïste. J'étais sûr qu'elle était heureuse, plus qu'heureuse, puisque je l'étais. Cela allait de soi. J'aurais dû être plus attentif à leur visage, dans les moments d'abandon où elles baissent la garde.
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Se taire et laisser parler, là est tout l'art de plaire à ceux qui ont quelque chose à dire.
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Tant que tu n'es pas mort, tu es immortel.
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