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Critique de Poljack


Mon avis :
En mai 1968, un mouvement social sans précédent secouait la France gaullienne et ébranlait les piliers du pouvoir. Cinquante ans après, selon qu'on regarde cet événement sous un angle politique, idéologique ou psychologique, les avis divergent sur ce qu'il fut réellement et sa portée sur les décennies suivantes.
J'étais trop jeune, à l'époque, pour en avoir gardé d'autres souvenirs qu'une école fermée et quelques images volées, à la télévision, de manifestants envahissant les rues et d'affrontements noyés sous le gaz lacrymogène. C'est donc sans réel a priori sur cette période trouble que j'ai abordé le roman de Patrick F. Cavenair, et avec un certain soulagement que j'ai découvert qu'elle ne constituait pas le thème principal de celui-ci.
Pourquoi un soulagement ? Parce que lorsqu'on m'a proposé de lire un roman sur mai 68, j'ai immédiatement pensé qu'il devait être bien difficile d'en parler sans parti pris, sans tomber dans le piège d'une vision unilatérale ou déformée par des prismes de valeur personnelle ou de courant de pensée…
L'auteur a magistralement évité cet écueil. Armand, le personnage central, est un garçon qu'une enfance difficile a rendu peu social, renfermé, timide. de plus, il n'est ni étudiant ni ouvrier et son travail autant que sa personnalité le tiennent éloigné des premiers frémissements de ce mouvement. Et si, par la suite, il y prend part, c'est avant tout pour suivre la jeune fille dont il est tombé amoureux. le récit commence d'ailleurs en avril, par l'intrusion de la magie dans la vie du jeune homme, et instaure une mise en place assez lente de principaux ingrédients de cette histoire. Armand, grâce au secret qu'un vieil homme lui a confié, entame sa reconstruction, un peu à tâtons, et c'est dans cet état d'esprit qu'il traverse cette période mouvementée, sans vraiment comprendre ce qui se passe, mais en parcourant inconsciemment un chemin parallèle à celui de cette jeunesse en révolte. Son aventure ne s'arrête d'ailleurs pas là, puisque le roman s'achève juste après une autre date importante, un autre événement majeur de cette décennie : les premiers pas de l'homme sur la lune, en juillet 1969.
À ses côtés, le lecteur devient donc simple témoin, ou plutôt spectateur de ce mai 68 aujourd'hui fantasmé, et bien qu'Armand participe à quelques manifestations, à des réunions avec des étudiants, son engagement ne se fait jamais militant, porté par d'autres intérêts. Cela ne l'empêche d'ailleurs pas de surfer sur la vague de renouveau engendrée par le mouvement et de participer à une petite révolution dans son travail. Cette même vague qu'il lui fait voir la vie autrement ?
Armand croise une jeune fille et en tombe amoureux… Cet amour devient son moteur. À travers son histoire, c'est celle de toute une génération − celle qui avait l'âge d'être acteur en mai 68 −, qui nous interroge. La société encore empreinte des principes moraux du siècle précédent était en pleine mutation technologique et sociale. Ces événements qui ont marqué durablement les esprits n'étaient-ils pas inévitables ? Aux États-Unis, la jeunesse se levait contre la guerre au Vietnam, en Angleterre, les Beatles et les Rolling Stones bousculaient les esprits et faisaient frémir la Cité…
La tentation du présent raconte le passage à l'âge d'homme d'un jeune de son temps, reflet à la dimension d'un individu de l'évolution d'une société en train de changer d'époque. Si l'histoire est un peu longue à se mettre en place, on est assez vite capté par ce jeune homme qui se débat entre ses ressentiments et ses espoirs, à l'image de toute une jeunesse qui rêve d'un monde nouveau, débarrassé du carcan d'une morale passéiste étouffante. Mais Armand est déjà trop « en dehors », trop asocial pour se préoccuper du monde, tant qu'il ne se sent pas directement concerné, aussi traverse-t-il cette période troublée sans se laisser entraîner par le mouvement de masse. Ce qui ne l'empêche pas d'apporter sa pierre à la barricade, mais c'est sur un chemin bien personnel qui se réalisera en apprenant, entre autres, qu'aucun choix ne doit se faire à la légère.
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