Citations sur Henri Cazalis. Le Livre du néant. Pensées douloureuses ou.. (10)
LE CIEL D’ORIENT
AU milieu du désert, je sais une eau bleue : ce sont tes regards, mon amour. Mes désirs sont les flamants roses, qui s’y viennent désaltérer.
p.104
PENSÉES DOULOUREUSES OU BOUFFONNES
DANS UNE FORET, LA NUIT.
ARBRES, silencieux géants, spectres sans voix, qui apparaissez devant mes yeux ; fils aînés de la Nature, rochers noirs, endormis immobiles sous les claires étoiles ; lune, témoin éternel, qui êtes-vous, et qui suis-je ? Et pourquoi nous rencontrer ainsi dans l’immensité de l’abîme, moi, vous interrogeant, et vous, pleins de silence ?
COMME ces nuées d’oiseaux voyageurs, qui par-dessus nos têtes traversent le ciel et se perdent au loin, sans que nous puissions savoir ni d’où ils viennent, ni où s’enfuit leur vol, ainsi devant nos yeux passent les choses créées ; et nous ne connaissons ni le royaume impénétrable de la formation des êtres, ni le royaume sombre de leur transformation.
p.16-17
L’ILLUSION
LA Pensée est l’atmosphère des choses. Elle est l’Infini où se meuvent les mondes, l’Éternité où se meut le temps. La Pensée est la grande Aïeule, la demeure des êtres, la source profonde de la vie, la Force, d’où sortent toutes les forces, les puissants orages électriques, comme les éclairs de nos passions.
Et la Matière même n’est qu’une des mille apparences, une des formes par elle revêtues.
LE moindre atome contient une force : et cette force n’est, elle aussi, qu’un des modes de la Pensée.
« Fendez un atome, vous y trouverez le Soleil, » dit un poëte persan.
p.154
PENSÉES DOULOUREUSES OU BOUFFONNES
LE fond des choses est inquiétant ; mais la surface nous rassure, et nous nous laissons prendre aux éclats de rire du Soleil.
p.15
PENSÉES DOULOUREUSES OU BOUFFONNES
LA création est-elle comme ce livre que feuilletait Hamlet, vide de sens ? Des mots, des mots, des mots !…
p.67
PENSÉES DOULOUREUSES OU BOUFFONNES
SANS cet orgueil humain, par lequel l’homme se considère si souvent comme un point central, en cet infini, « dont le centre est partout et dont la circonférence n’est nulle part, » comment, impuissant et débile, oserait-il donc quelque chose, et l’Infini ne l’écraserait-il pas de toute son immensité ?
p.71
L’ILLUSION
RIEN n’est simple, tout est complexe, tout est étrange ici-bas. Si l’on avait quelque profondeur dans l’analyse, on verrait que le moindre atome sort de l’éternité et de l’infini, et a fait pour arriver jusqu’à moi, dans ma main qui écrit ou mon cerveau qui pense, un chemin plus long que d’ici au Soleil ou à la plus reculée des étoiles. On ne voit guère aujourd’hui que la surface des choses ; on ne voit pas l’abîme qui est sous elles, l’abîme de causes et d’effets, de mouvements, de courants sans fin, de flux et de reflux qui les ont fait un jour s’élever à la surface.
p.150-151
L’ILLUSION
J’ETAIS avant ma naissance, et j’étais avant la naissance des choses ; j’étais avec la matière infinie ; chaque atome de mon corps errait à travers l’infini ; et ma pensée flottait dans l’abîme de la Pensée divine, aspirant à la vie, à la liberté, à la solitude, — comme ces êtres plongés dans le fond de la mer, et qui lentement tendent vers la surface lumineuse…
p.158
PENSÉES DOULOUREUSES OU BOUFFONNES
CE monde t’ennuie : crée-toi ton monde.
p-81
PENSÉES DOULOUREUSES OU BOUFFONNES
L’INFINI sur ma tête ; au-dessous, l’Infini encore ; et au milieu, ce bruit des rues, ces hommes et ces femmes, toutes ces fanges : quel rêve ! Et qui le fait donc ? — moi, mon cerveau malade, ou, à la fois, le cerveau malade de l’Infini, et le mien !
p.5