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Critique de Dixie39


« Partie de neige » de Paul Celan a été publié après la mort de l'auteur. Les poèmes qui composent ce recueil ont été écrits entre décembre 1967 et octobre 1968.
L'esprit du poète est accaparé par les évènements politiques : le printemps de Prague, l'assassinat de Martin Luther King, les manifestations étudiantes en Allemagne suite à l'attentat contre un dirigeant étudiant d'extrême gauche, les manifestations et revendications de mai 68...
Paul Celan est entre l'effervescence de voir cet espoir d'une « révolution sociale et antiautoritaire » qui pourrait transformer le monde, se réaliser sous ses yeux et la crainte de voir l'histoire « bégayer » et ses démons ressurgir.
« Les problèmes de la poésie se posent à moi avec une grande acuité, les évènements – tu imagines combien je suis affecté par ceux de Tchécoslovaquie – me sollicitent au milieu de ce que j'écris, de ce que j'essaie d'écrire », confie t-il en 1968.

« A TON OMBRE, A TON
ombre toute mal-sonnée aussi,
j'ai donné sa chance,

elle, elle aussi
je l'ai lapidée à coups de moi-même,
moi le droit-ombré, droit-
sonné -
étoile à six branches
à laquelle tu as
adonné ton silence,

Aujourd'hui
adonne ce silence où tu veux,

catapultant du sous-sacralisé par l'époque,
depuis longtemps, moi aussi, dans la rue,
je sors, pour n'accueillir aucun coeur,
jusque chez moi dans le pierreux-
multiple. »

Pour Paul Celan, la poésie est « datée » : elle est de l'Histoire, mais non ancrée dans un temps.
Elle est de ce lieu daté d'où parle le poète. Toute la création poétique à l'oeuvre a pour but d'atteindre cet autre lieu de la parole, ce non-lieu, universel et libertaire, guidée par cet imperceptible « fil d'espérance » qui, contre toute logique, ne rompt pas.

« OBSCUR-SURGIE, une fois encore,
ta parole s'en vient
jusqu'à la pousse pré-ombragée
du hêtre.

Il n'y a rien
à faire et tirer de vous autres,
tu tiens pour fief une étrangeté.

Infiniment
j'entends la pierre tenir en toi, droite. »

On ressent cette fébrilité de la création dans les poèmes, la quête et la tension du choix des justes mots, toujours ramassés, condensés, à vif chez Paul Celan. Les précieuses notes de Jean-Pierre Lefebvre nous éclairent et nous accompagnent tout en nous permettant de nous éloigner de la traduction qu'il nous propose. Il ne fige pas l'interprétation, il permet au lecteur, dont je suis, qui ne maîtrise pas toute la subtilité de l'alchimie linguistique mise en oeuvre par Paul Celan dans la langue allemande, de pouvoir entrevoir ce foisonnement de sens et se l'approprier.

« PARLER AVEC LES IMPASSES
de l'En-face,
de sa
signification
expatriée - ;

mâcher ce
pain avec
des dents d'écriture. »
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