AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MarcoKerma


Lu à la suite de Guerre, Casse-Pipe, contrairement au précédent a été publié du vivant de Céline au début des années 1930. . Ce n'est donc pas un "1er jet" , un brouillon, c'est un texte qui paraît travaillé -peut-être trop - dans un registre que j'ai trouvé étrange et finalement désagréable, celui des jurons et insultes militaires.. Mais une fois la lecture faite, quand je repense à ce qu'il se passe lors de cette nuit "lamentable", je me dis que c'est assez bien vu, un avant-goût dégueulasse de ce que sera la guerre de 14-18..
Casse-Pipe a son origine dans l'expérience du tout jeune Louis-Ferdinand Destouches qui s'était engagé dans la cavalerie en 1912 à l'âge de 16 ans. le "bleu" dans le texte c'est lui. le texte vient de là mais Céline y ajoute, comme dans ses autres textes de guerre, ses ressentis personnels et, sans que cela se voit trop, un message quant à ce qu'il pense de tout cela ( les idées de Céline viennent sans doute d'abord des expériences traumatisantes qui l'ont bien secoué à l'armée puis dans le début de la guerre 14-18).
L'action est difficile à saisir car le langage y est en partie incompréhensible pour un lecteur d'aujourd'hui ne connaissant pas l'argot militaire du début du XXe s (on doit être quelques-uns). On comprend néanmoins que des soldats, épuisés physiquement et mentalement, doivent en relever d'autres, la nuit, sous une pluie battante et un froid mordant et que leur chef (Maréchal-des-Logis) éructe à peu près autant que l'instructeur de Full Métal Jacket (Kubrick) car "le mot" (de passe) a été perdu, les mettant potentiellement en danger, en ce temps pourtant encore, de paix. Les mots, Céline, lui, les trouvent, les puisent dans un sac bien étrange, les invente aussi, les triture déjà et tord les phrases en un langage parlé bien différent de celui auquel on peut s'attendre.
A cause de cette langue quasi incompréhensible et de cette violence (et ce mépris) verbale, j'ai trouvé les premiers 3/4 pénibles à lire - sorte de riche catalogue d'insultes argotiques - redondants, mais vers la fin (l'acclimatation peut-être..) a été plus facile et je dois dire que cette originalité du langage donne quand même une certaine force évocatrice au récit de cette nuit rendue quasiment apocalyptique - proche du Guernica de Picasso - avec ces déchainements des éléments, l'énervement panique des chevaux et les vociférations de quelques-uns à l'endroit de quelques soldats épuisés, trempés de pluie et de pisse chevaline, tentant de se faire oubliés dans un renfoncement plein de crottin fumant.. (pour donner une toute petite idée de l'ambiance..) le long d'une écurie gardée par un personnage haut en couleurs chargé de les nettoyer, défi insurmontable car il n'est pas Hercule inondant les écuries d'Augias pour les nettoyer..
S'ajoute à Casse-Pipe un "chapitre" explicitant un peu les circonstances réelles à l'origine du texte, puis des bribes d'un bref journal intime où le jeune Louis-Ferdinand apparaît assez fragile, sensible, souffrant de son engagement dans cette micro société violente (les Cuirassiers militaires), supportant d'autant plus mal ce que certains dans le système militaire infligent aux nouveaux arrivés qu'il se dit lucidement lui-même orgueilleux.
Dans la parfaite description qui s'y trouve, de la démonstration de saut faite par un cavalier officier, j'ai songé au portrait d'un autre officier de cavalerie que Claude Simon a fait, à l'occasion de la guerre suivant celle de 14, dans la Route des Flandres.
En conclusion, à mon avis, Casse-Pipe peut être à lire, mais après le Voyage au bout de la Nuit et quelques autres (Guerre aussi, malgré son caractère de manuscrit), pour les amateurs de Céline, car le degré difficilement compréhensible du sens des mots y est poussé à un niveau assez élevé..
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}