AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,51

sur 370 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
SBN : 9702070366668

De "Casse-Pipe", Roger Nimier, trop tôt disparu dans un accident stupide (comme tous les accidents, soit dit en passant), disait qu'il s'agissait d'un livre primordial dans l'oeuvre célinienne. Je n'ai pas la connaissance approfondie qu'avait Nimier de Céline mais ce "Casse-Pipe" d'une centaine de pages a, incontestablement et malgré sa brièveté, quelque chose d'homérique. Est-ce l'hérédité célinienne - mi-normand par le père, mi-breton par la mère ? Toujours est-il qu'on y est cerné par la pluie. Nous aussi, nous sommes détrempés par les trombes d'eau de cette espèce de tempête absolument folle qui s'arrête, en dégouttant bien soigneusement, lorsque le jour s'apprête à poindre, au bout de l'une des nuits les plus longues et les plus effarantes que nous ayons jamais lues.

Si encore il n'y avait que la pluie pour arroser les pauvres troufions - où l'on remarquera d'ailleurs le grand nombre de noms bretons ! Mais, à un certain moment, voilà nos militaires dans les écuries - normal pour des cuirassiers, me direz-vous - et toute l'urine des chevaux et cavales, mêlée à cette noble matière qu'est le purin et entraînée, je suppose par l'eau du ciel qui transperce le plafond , vient se déverser gracieusement en supplément

Au milieu de tout ça, un Louis-Ferdinand Destouches dont c'est le premier jour et qui n'a pas encore reçu son uniforme. Il est donc en habit de civil - un "demi-saison" refilé par le toujours providentiel Oncle Edouard - mais, s'il a jamais porté un chapeau dans cette aventure, en tous cas, on peut dire qu'il a oublié le détail dès le début. Les premières pages s'ouvrent en effet sur la présentation du futur Céline au brigadier le Meheu, dans un minuscule bureau dont ce serait un euphémisme des plus polis de souligner que ça y schlingue comme c'est pas permis.

Vous connaissez Céline ? En tous cas, depuis que vous venez régulièrement lire ici les fiches concernant ses livres, ça commence à vous entrer dans la cervelle, son goût probablement congénital pour les descriptions virulentes, odorantes et flatulentes ? Bon, alors, promis, juré, je vous mettrai l'extrait dans la rubrique adéquate : "la bonne et saine gaieté rabelaisienne", comme disait le très britannique Lawrence Durrell de notre plus célèbre docteur en médecine montpelliérois ...

L'intrigue de "Casse-Pipe" devrait être simple à raconter mais, si tel était le cas, ce ne serait plus du Céline. Disons, grosso modo, que notre héros (en costume demi-saison), toute une troupe de cuirassiers démontés, une écurie entière de chevaux rendus obsessionnels par la présence de juments, les foudres d'un Jupiter qui teste ses armes en prévision du conflit qui va éclater un an plus tard à peu près et ce génie véritable qu'avait déjà le dénommé Destouches pour tomber sur des excentriques, des originaux, des cinglés, des dingues, des inconscients finis, des imbéciles d'une rare sottise ... s'unissent pour former une espèce de monôme nocturne, où les entonnoirs retournés remplaceraient avec honneur sur les crânes les shakos traditionnels et que domine, aussi omniprésente mais beaucoup moins musicale que dans "Singin' in the Rain", une pluie quasi impériale. Elle est partout, dans tous les coins : elle assomme en tombant des nuages, elle éclabousse avec rage en flagellant de malheureuses flaques qui s'élargissent au sol devant elle, elle fait grelotter tous les membres de ce défilé surréaliste qui, galopant, trébuchant, glissant, tombant parfois carrément dans la boue, ont pour mission de rejoindre la Poudrière (ordre du major Rancotte, un beau spécimen célinien, lui aussi, avec qui on rigole pas tous les jours ), sous la conduite du brigadier le Meheu, lequel, quand il aura pris sa retraite de l'armée, pourra se reconvertir dans la profession d'aboyeur de cirque. Mais - et voilà où l'affaire se corse - tous ces malheureux trempés, détrempés, dégoulinant d'eau, de purin, d'urine de cheval et prêts à attraper la crève en brûlant la politesse à celle qui les attendra bientôt dans les tranchées, ont oublié le mot de passe du jour ou plutôt de la nuit, le seul qui leur permettrait de présenter patte blanche (si l'on ose écrire) au gardien de l'Arsenal. le pire sans doute étant que le seul qui ne DEVAIT PAS l'oublier, le dénommé le Meheu, "le Chef" comme il n'a cessé de le répéter sur tous les tons à un Céline qu'on sent sceptique et rebelle dès le premier échange, ne se rappelle plus qu'une chose à ce sujet : il s'agirait d'un nom de fleur.

Et tout ça gueule, éructe, proteste, s'insulte, sans oublier les trépignements rageurs du Major Rancotte pour qui un mot de passe militaire évoque toujours une bataille mais JAMAIS une fleur !

Tous, sauf pour une fois Céline, qui, prudent et ayant apparemment autant de mal que son lecteur à dévider le fil de l'histoire, préfère se taire et enregistrer tout ça dans sa tête, pour plus tard ...

On ne sait jamais ...

Le chapitre "final" fut édité en 1959, dans "Entretiens Familiers avec L. F. Céline" de Robert Poulet, constitue une sorte d'apothéose, où l'écrivain raconte que, par la suite, il se retrouva affecté à l'escouade de Meheu. C'est court mais c'est épique : des silhouettes entrevues réapparaissent, les gueulement énormes reprennent et là, on est en pleine guerre et on est complètement déboussolé. La Guerre, le plus sûr, le plus horrible des suicides ...

Le livre se termine sur un certain nombre de notes révélatrices prises par Céline durant cette période avec cette phrase sublime : " - en un mot, je suis orgueilleux - est-ce un défaut ? je ne le crois pas et il me créera des déboires ou peut-être la Réussite."

Somptueux et visionnaire : Céline a eu les déboires ... et la Réussite.

Je tenterai de résumer en vous affirmant que "Casse-Pipe", c'est comme le petit Pimousse de l'ancienne publicité : "Petit ... Mais costaud !" Lisez-le : mais faites attention aux coups de poing dans le sternum ... ou en pleine gueule et souvent alors que ce n'était pas vous qu'on visait. Oui, lisez-le : de toutes façons, si vous êtes un vrai célinien, vous ne pouvez pas ne pas le faire. :o)
Commenter  J’apprécie          250
Les deux extrémités de l'oeuvre de Céline, les voici : Voyage au bout de la nuit et la Trilogie allemande. Toujours en évolution, sans cesse se mouvant en crête de vagues de style qui éternellement se transforment, le style du Docteur Destouches fascine.
Or, dans Casse-pipe, le lecteur est plongé dans cette quête stylistique : la poésie est présente, elle n'est pas encore le décousu génial de Nord et Rigodon mais elle n'est déjà plus le contre-pied d'un récit linéaire comme dans le Voyage. C'est pourquoi ce livre est une étape cruciale pour comprendre l'écriture de Céline.

Ensuite le thème militaire, martial, implacable, donne un cadre propice aux exubérances, aux foisonnements et à l'à-quoi-bon face au misérabilisme de l'homme : l'humanité y est basse, petite, calculatrice, peureuse, lâche mais aussi foisonnante, lumineuse dans ces instants de grâce, révélatrice dans la petitesse. Bouleversant.
Commenter  J’apprécie          120
Casse-pipe ou les premières heures d'affectation dans un campement militaire en 1912.
Céline nous projette a la gueule ce qu'est le monde humain en 1912. Mon grand-père un paysan d'auvergne a été incorporé pour son service dans la cavalerie en 1912, pour un service qui le libérerait en mai 1914. Et puis retour dans cet armée pour 4 ans ensuite.
J'avais presque 6 ans quand mon grand père est décédé, et je suis tombé sur ce roman de Celine à 17 ans. Mon grand-père était de retour.
L'Écriture me restituer quelque chose que je n'avais pas connu. Il me rendait mon pépé me parlant de sa vie.

Et je sais ce que fit Céline et mon grand-père n'a pas pris le même chemin. Mais je ne sais pas qui EST Céline !
Commenter  J’apprécie          120
Vais je commettre le seul péché irrémissible ! Défendre le monstre Céline !
Il est partis en 14 avec la certitude absolue de remporter la der des der.
Comme les Communistes pensent au paradis terrestre pour demain.
Depuis ce ne sont que des simagrées ridicules, ignobles, des rhabillages de cadavres.
Chacal bien abject, avec son rire ignoble. D'où cette gesticulation absurde, cette infirmité épileptoïde...l'ordure. Et mon avorton au surplus ! il râle dans la crotte....il m'écœure.Tu parles d'une terminologie riche ? Mais c'est incompréhensible...lassant bafouillage confusionniste !
Il relève du coup de pied au cul, de la trique !
L'art des intellectuels c'est de tourner autour du pot, esquiver l'essentiel, branler l'accessoire.
Ce n'est foutre pas si peu de choses qui m'eût donné l'idée de quitter Céline.
Commenter  J’apprécie          60
Incroyable ! Une sorte de "Grand Combat" de Michaux célinisé, furieux et endiablé ! L'utilisation permanente de l'argot rend le récit incompréhensible mais on s'en moque ! Il suffit de se laisser porter par le flot de la rage de l'auteur !
Commenter  J’apprécie          31
Vivant documentaire sur l'armée française du XXème siècle.............
Commenter  J’apprécie          10



Lecteurs (923) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz Voyage au bout de la nuit

Comment s'appelle le héros qui raconte son expérience de la 1ère guerre mondiale

Bardamu
Bardamur
Barudamurad
Barudabadumarad
Rudaba Abarmadabudabar

9 questions
1300 lecteurs ont répondu
Thème : Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand CélineCréer un quiz sur ce livre

{* *}