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sur 778 notes
Blessure de guerre.
L'annonce de la publication imminente de plusieurs inédits de Celine m'a excité comme la veille d'un premier rendez-vous ou comme ce jour inoubliable, les larmes perlent mes yeux à la surface de ce souvenir, où j'avais trouvé par hasard un vieux Bounty comestible dans ma boîte à gants. On peut être romantique et goinfre.
J'ai donc entamé la lecture de Guerre dans le métro, à la sortie de ma librairie. Je ne vais pas blâmer la curiosité de mes voisins de rame qui ramaient pour deviner le titre du roman que je lisais. Je fais pareil. Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es. Quelle horreur. En revanche, devant certaines mines déconfites et moues hostiles, formules toutes faites pour désigner des gens qui font la gueule, j'ai pu me rendre compte que Celine, même mort depuis un demi-siècle, ne laissait pas indifférent.
Comme j'assume mes mauvaises fréquentations, j'ai poursuivi ma lecture et j'ai même réussi à glisser assez fort à la personne qui m'accompagnait que j'avais adoré le dernier film de Polanski pour aggraver mon cas auprès de mes congénères.
Je ne vais pas descendre à la station des lieux communs pour dire qu'il faut distinguer les pamphlets antisémites impardonnables des romans vertigineux ou qu'il y a eu un avant et un après Céline en matière de littérature. Ah, je l'ai fait, bon tant pis. Mentions sanitaires.
Autant le dire tout de suite, ce roman est un premier jet qui n'est pas du niveau de Voyage au bout de la nuit ou de Mort à Crédit.
Céline n'est pas un génie imaginatif. Il fictionne sa vie et frictionne la langue pour la rapprocher le plus possible de l'oralité, avec tout ce qu'elle contient de répétitions, d'imperfections et parfois de vulgarités. Il a le don des expressions qui claquent dans une « mauvaise » langue populaire.
En 1914, le soldat Destouches est blessé gravement au bras droit à Poelkapelle, dans les Flandres, ce qui lui vaudra la croix de guerre. La même mésaventure arrive au soldat du roman qui va être hospitalisé et il va être pris en main dans tous les sens du terme par l'infirmière l'Espinasse. Sur place, il va se lier à un autre blessé, Cascade, à la fois petit ami et souteneur d'une Angèle bien mal prénommée. Ils vont faire le mur et l'amour, comme ils ont fait la guerre. Cette dernière en prend pour son galon.
Je sais que les phrases de Céline rebutent beaucoup de monde mais je fais partie de ceux que cette langue parlée, volontairement outrancière, fascine. Je trouve que les mots de Céline sont carnés, les scènes de bataille incarnées, les vies décharnées, le sexe acharné et j'arrête car je n'ai plus d'idées : écharné.
J'ai terminé cette lecture il y a près d'un mois et je sais que je n'oublierai pas certains passages malgré une structure inaboutie.
Je ne m'excuserai pas de lire le prochain.
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Embarras au magasin : comment demander où se trouve le "nouveau" livre de Céline ? Ou plutôt son "dernier" ? Son "deuxième" ? "L'inédit", voilà !
C'est avec un bonheur inouï que j'ai ouvert ce roman, écrit en 1934, jamais publié et disparu pendant près de 80 ans. Et même s'il s'agit d'un premier jet non finalisé, je me suis sentie heureuse d'être en vie pour pouvoir le lire.

Ca débute comme ça. Par un boucan assourdissant qui n'en finit pas de résonner dans les oreilles, la tête et le corps de Ferdinand, troufion de 20 ans fiché dans la boue et le sang d'une plaine flamande. S'ensuit alors le récit de son hospitalisation et de sa convalescence à Peurdu-sur-la-Lys, entre un médecin zinzin, une infirmière lubrique, et des blessés roublards.

Une fois encore, Céline s'inspire de sa propre expérience (sa blessure, en Octobre 1914, et son séjour à l'hôpital d'Hazebrouck), en distordant et exagérant les faits avec sa morgue habituelle et son humour ravageur, et en ne reculant devant aucune vacherie : "Jamais j'ai vu ou entendu quelque chose d'aussi dégueulasse que mon père et ma mère."
Ce faisant, il dénonce une nouvelle fois l'immense stupidité de la guerre, et de tous ceux qui la provoquent, l'entretiennent, l'encouragent, ou la relativisent. J'ai adoré cette plongée au coeur de la folie des hommes, sans cesse rythmée par le bruit des canons et des troupes, ce manège dément tournoyant autour de Ferdinand qui, seul contre tous, isolé par sa semi-surdité et ses acouphènes, vomit sur la médiocrité et la mesquinerie de ce qui l'entoure -tout en n'hésitant pas à se montrer chafouin à son tour.
Et donc, je ne peux qu'admirer ce côté punk désinvolte ("Je devais plus rien à l'humanité"), bien entretenu cependant par une langue française savamment torturée et ponctuée de gros mots de sale gosse. de la puissance à l'état pur, mais traversée de brefs et bouleversants accès de tendresse à l'encontre de cette même humanité. C'est tout le paradoxe de Céline, et c'est ce qui fait que je l'aime tant.

Vivement la sortie des autres inédits !
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Céline raconte à travers le personnage de Ferdinand et de façon romancée, ses blessures lors de la grande guerre, son hospitalisation et son départ pour l'Angleterre.
Ce qui frappe dans ces quelques feuillets retrouvés de Céline, c'est la trivialité, la vulgarité du langage, le « parler de la rue ». Rien d'étonnant car il se veut un styliste avant d'être un conteur. Il est un coloriste. Il concentre tout son labeur d'écrivain sur la phrase, l'histoire n'étant que bien secondaire à ses yeux. Aussi rien d'étonnant à ce qu'il brise les conventions et tel un Picasso de la littérature française, il s'invente une facture.
Il profite de son expérience de soldat alors qu'il n'avait qu'une vingtaine d'années pour témoigner de toute l'horreur que lui inspire la guerre. le traumatisme d'une telle expérience le poursuivra longtemps, aussi longtemps que les céphalées dont il sera victime jusqu'à la fin de ses jours.
Il retranscrit cette haine contre ces conflits par un vocabulaire de la rue, un français du caniveau, une construction grammaticale apocalyptique. Ce roman est un véritable charnier de la langue de Molière.
Tout son récit suinte la mort, les plaies putrides, les odeurs d'urine et de matières fécales. Ça sent les odeurs acres de transpiration, les écoeurantes vapeurs de vomi, les relents de stupre et de fornication. La guerre, selon Céline, a un parfum qui pue, tant il la déteste. Elle distille les fragrances de sa propre image : les plus insupportables, les plus abominables.
La lecture de « Guerre » de Céline est une expérience peu commune dont l'originalité linguistique peut faire dresser le poil mais qui mérite amplement d'être tentée car elle ne laisse pas indifférent.
Editions Gallimard, collection blanche, 175 pages.
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Céline disait donc vrai quand il évoquait ses manuscrits volés, car pas d'histoire, c'est bien de cela qu'il s'agit : un vol, les manuscrits perdus ne l'étaient pas pour tout le monde, ils étaient mis de côté, et ressortiraient un jour, longtemps après la disparition de l'auteur, Céline avait vu juste...
Bref...

Voici donc, le premier inédit : "Guerre", aucun doute c'est bien du Céline, c'est frontal, direct, sale, pas de faux sentiments, pas d'artifices, la vie, la mort, la peur, le sexe.
"Guerre" est un très court roman, ce qui n'est pas la marque de fabrique de l'auteur de" Mort à crédit", c'est qu'il s'agit d'un premier jet, d'une ébauche, mais que cette ébauche semble déjà aboutie !
Prenez des leçons, écrivains dans le goût du jour ! Les "cafouilleux" comme vous appelait Ferdine !

D'autres publications d'inédits sont annoncées, dont la très intrigante "Légende du roi Krogold", un conte médiéval évoqué dans "Mort à crédit" notamment.

A titre personnel, je suis bien content que ces manuscrits voient enfin le jour et je les attend de pied ferme !
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« J'ai bien dû rester là encore une partie de la nuit suivante. Toute l'oreille à gauche était collée par terre avec du sang, la bouche aussi. Entre les deux y avait un bruit immense. (…) J'ai toujours dormi ainsi dans le bruit atroce depuis décembre 14. J'ai attrapé la guerre dans ma tête. »

Les premiers feuillets du manuscrit sont manquants, j'ignore donc par quoi aurait dû commencer Guerre, mais ce qui est sûr, c'est que cette entrée en matière est saisissante. D'emblée, on est sur le champ de bataille « au milieu de la boue d'obus bien triturée », au milieu de ce qui fut une compagnie, un régiment, un convoi avec hommes, chevaux, fourgons qui désormais ne sont plus que « des petits monticules sur la pente puis dans le verger où fumaient, grésillaient et brûlochaient comme ci comme ça nos voitures. » On est donc là, dans cette mélasse d'obus, de cadavres et de cendre avec Ferdinand qui souffre atrocement de la tête, de l'épaule, du genou, de la faim, de la soif, mais qui parvient à se mettre debout et à faire quelques pas. Il n'est pas dans l'état de trop réfléchir, mais il est dans l'état de comprendre « qu'il a plus l'air de rester que [lui] en fin de compte dans cette saloperie d'aventure. »

Claude Simon disait à propos de la guerre à laquelle il prit part, vingt-cinq ans après Céline : « Dans la réalité, cette guerre peut se résumer en trois mots: meurtrière, bouffonne, scandaleuse. »
Céline n'aurait pas renié cette phrase. Je crois même qu'elle s'applique à la perfection à ce qu'il pensait de la guerre, à ce qu'il en a toujours pensé : une bouffonnerie sanglante, obscène et révoltante.

Ce roman dont on a retrouvé miraculeusement le manuscrit qu'on croyait à jamais perdu, dont on pense qu'il a été écrit entre la publication du Voyage au bout de la nuit en 1932 et celle de Mort à crédit en 1936, est à l'image de la guerre, de toutes les guerres : le tragique l'y dispute au comique, la terreur au grotesque, l'horreur à la grâce. S'il fallait lui trouver un équivalent en peinture, je dirais La guerre, tableau peint par le douanier Rousseau à la fin du XIXème siècle. de même que le trait faussement naïf du peintre met en valeur, si j'ose dire, l'horreur de ce qu'il nous donne à voir, Céline met en scène son double romancé, jeune homme tout juste sorti de l'enfance oscillant entre candeur et ardeur, entre peur et bravoure, dégoût et curiosité qui, au contact de la guerre, de rencontres fortuites et essentielles, va accéder en mode accéléré à une forme de savoir cynique et désabusé :

«Le coup qui m'avait tant sonné si profondément ça m'avait comme déchargé d'un énorme poids de conscience, celui de l'éducation comme on dit, ça j'avais au moins gagné. (…) Je devais plus rien à l'humanité, du moins celle qu'on croit quand on a vingt ans avec des scrupules gros comme des cafards qui rôdent entre tous les esprits et les choses. »

Et quand la chance se présente enfin, sous la forme d'une médaille décernée au grand blessé pour son courage sur le champ de bataille, une distinction aussi absurde que la guerre elle-même, Ferdinand la saisit — « j'ai pas cédé à la surprise qu'aurait voulu que je reste aussi con qu'avant à manger du malheur et seulement du malheur ». Il sera dit qu'il ne sera pas aussi con qu'avant ni surtout aussi con que ses parents, eux dont il vomit la bêtise, la soumission et les bons sentiments de livre en livre.
Je me suis longtemps interrogée sur les raisons de la haine, du dégoût exprimés par les doubles littéraires de Céline à l'égard des doubles littéraires de ses parents. J'ai trouvé des éléments de réponse dans Guerre venus conforter mes intuitions à la lecture de Mort à crédit.

Il y a d'abord que ses parents sont des perdants, des petites gens que la vie a malmenés et qui jamais ne se rebellent. Il y a bien les colères explosives du père, récurrentes dans Mort à crédit, mais elles se retournent contre lui-même, contre son fils et contre sa femme, pas contre l'ordre établi. Ils sont bien trop respectueux, bien trop craintifs pour avoir ne serait-ce que l'idée de renverser la table. Leur souci des convenances l'emporte sur leur droit à la plus élémentaire justice, le paraître l'emporte sur l'être. Et ça, ça le rend absolument dingue, Ferdinand, comme en témoigne l'épisode de son réveil après une intervention chirurgicale particulièrement longue, douloureuse et risquée :

« Ma mère au pied du lit continuait à être horriblement gênée par mon dégueulage, et mes insultes, et mes ordures, et mon père me trouvait bien indécent encore dans l'occasion. (…) Je disais plus rien. Jamais j'ai vu ou entendu quelque chose d'aussi dégueulasse que mon père et ma mère. J'ai eu l'air de m'endormir. Ils sont partis, pleurnichant vers la gare. »

Il y a aussi que ses parents ne nomment pas les choses, préférant taire ce qui les indispose ou les terrorise plutôt que les voir en face. Sourds et aveugles volontaires, ils nient le réel :

« De mon oreille on ne parlait jamais, c'était comme l'atrocité allemande, des choses pas acceptables, pas solubles, douteuses, pas convenables en somme (…) Je sentais ça sur moi à chaque geste, comme une pieuvre bien gluante et lourde comme la merde, leur énorme optimiste, niaise, pourrie connerie, qu'ils rafistolaient envers et contre toutes les évidences à travers les hontes et les supplices intenses, extrêmes, saignants, hurlants sous les fenêtres mêmes de la pièce où nous bouffions, dans mon drame à moi dont ils n'acceptaient même pas toutes les déchéances puisque les reconnaître c'était désespérer un peu du monde et de la vie et qu'ils ne voulaient désespérer de rien envers et contre tout. »

Et bien sûr, cette négation du réel passe par la langue, on en revient toujours à la langue avec Céline. le père de Ferdinand, dont on sait qu'il a reçu de l'instruction, écrit à son fils convalescent « des lettres parfaitement écrites en parfait style », dans lesquelles il l'exhorte à la patience et le loue pour sa bravoure, une bravoure que Ferdinand prétend ne pas connaître, préférant insister sur ses peurs. Mais de cela il ne peut parler à personne, à son père moins qu'un autre :

« Le plus cruel de toute cette dégueulasserie c'est que je l'aimais pas la musique des phrases à mon père. Mort, je me serais relevé je crois pour lui dégueuler sur ses phrases. »

Céline s'efforce d'être au plus près du vécu brut, du ressenti brut. Son père, lui, ne cherche pas à faire juste, mais à faire beau, à faire élégant. Cela donne une belle langue, une langue fleurie mais jamais vraie. C'est cela que vomit Céline. Lui, il dépouille la langue de ses ornements, il la met à nu, à vif, particulièrement dans ce roman-ci, roman à l'écriture rapide, de premiet jet, plus cru et moins travaillé que les romans publiés de son vivant, et dont la plume triture, malmène la langue française comme jamais. C'est un acharné, dans son genre. Il est dur, on pourrait presque dire cruel dans sa façon de maltraiter la langue.

Moi, je l'admire immensément pour cela, pour ce courage-là.
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Guerre est la publication d'un manuscrit dérobé à la libération de Paris dans l'appartement de Céline, alors que celui-ci a fui avec sa femme Lucette et leur chat Bébert au Danemark.

Céline, avec la force et la fureur d'une langue qui est la sienne, revient sur ses mois de guerre, la première mondiale, quand il fut grièvement blessé au bras et victime de graves acouphènes à la suite d'un acte héroïque qui lui valut la médaille militaire et la Croix de guerre. le ton est à l'ironie pour décrire l'horreur et l'absurdité d'un conflit où les hommes ne sont plus que souffrance et viande en décomposition, fantômes qui apparaissent et disparaissent au regard de plus en plus halluciné du brigadier Ferdinand. Transporté à l'arrière, comme nombre de ses camarades plus morts que vifs, Ferdinand opéré qui divague et souffre, mais est soulagé par l'infirmière l'Espinasse...

Avant son embarquement pour Londres, un séjour à l'hôpital de plusieurs semaines qui occupe un grande partie du présent récit de Céline, qui n'est pas celui de la réalité mais sa version romanesque dont on retrouve des éléments dans Mort à crédit et Guignol's band et dont Londres est à l'évidence la suite. Premier jet corrigé par son éditeur d'aujourd'hui, un écrit qui sans avoir la puissance des oeuvres majeures de Céline en possède déjà le génie en gestation.
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C'est toujours difficile de chroniquer les livres de Céline (et je ne parle que des livres, pas du personnage), celui-là encore plus puisqu'il est entouré de mystère et pas complètement finalisé par l'auteur.
Ce qui frappe, c'est toujours le style "célinien", faussement oral, désabusé, cynique, composé d'aphorismes cinglants sur la vie, l'amour ou la mort.
Et la mort est omniprésente pendant cette période où le narrateur/auteur a quitté les tranchées de 14-18 pour rejoindre l'hôpital, blessé, souffrant sans arrêt d'un bras, de maux de tête et d'acouphènes qui le suivront toute sa vie.
Comment avoir un regard serein sur la vie quand "l'horreur de boucan qui défonçait la tête, l'intérieur comme un train. » , ou « J'ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête. » 
Tout passe au scalpel célinien, la guerre et ses atrocités, l'armée française, la famille, l'hôpital, les femmes, les autres blessés, car dans cette apocalypse chacun essaie de sauver sa petite peau, en piétinant l'autre si nécessaire.

On n'écrira plus jamais sur la guerre de la même façon après Céline, et pour cela au moins il faut le lire.
Dès qu'il sortira en poche je l'achèterai pour souligner toutes les fulgurances de ce style inimitable.
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Âmes féministes de 2022 attention... Les personnages n'y vont pas par quatre chemins avec les dames dans ce premier jet de roman des années 30. Des dames réduites à de la chair à bite pour parler clair. « Gonzesses », « pouffiasses » ou « grognasses » sont légion. Misogynes, machistes, phallocrates les personnages de Ferdinand et Cascade/Bébert ? Sûrement. Céline était sans doute au moins un des trois lui aussi, tout comme il était antisémite. Mais nous parlons ici d'un roman (un premier jet, sans doute imparfait), et de personnages de fiction, inspirés de la convalescence du soldat Destouches.
Des personnages qui ne semblent pas que machistes ceci dit... Âmes anti-racistes, militaristes ou philanthropes, sans parler des âmes familiales (les parents de Ferdinand sont dézingués), ni des âmes auto-satisfaites (Ferdinand s'autoflagelle aussi), attention aussi.
Quant à celles qui résisteraient malgré tout, les âmes curieuses ou sensibles à la littérature par exemple, il ne restera plus qu'à.... FONCER !!!
Car si l'humanité dans son ensemble en prend pour son grade sous l'écriture hallucinée de Céline, surnage de ce chaos de souffrance son génie à l'état brut, au travers sa langue oralisée et triturée qui explose à la gueule du lecteur dans une puissance inouïe. C'est c'est c'est.... Célinien. Avec aussi en sourdine étouffée, des reliquats de tendresse pour les seuls qui méritent à ses yeux considération, ses compères de souffrance guerrière (À condition quand même qu'ils ne soient pas trop cons les copains de guerre)
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J'ai découvert Céline, il y a bien longtemps avec Mort à crédit et j'avais été littéralement emporté par ce roman.Un roman très autobiographique, parlant de ses jeunes années avec ses parents, passage Choiseul. Son écriture acerbe, son humour à l'emporte pièce m'avait fasciné.
Le seul roman que j'ai pu rapprocher de ce livre est l'enfant de Jules Valles, qui lui aussi vaut son pesant d'or.
Néanmoins, je n'étais pas tentée de lire: Voyage au bout de la nuit, j'ai mis très longtemps à m'y mettre renaclant que ce n'était pas un livre pour moi. Et, puis le hasard m'a "forcé" à le lire et sincèrement, je n'aime pas ce mot, mais c'est un véritable chef d'oeuvre, un roman incontournable à lire absolument.
Aussi, j'ai été ravie comme tant d'autres lecteurs de découvrir cet inédit de Céline avec :Guerre.
Écrit, finalement deux ans après le voyage, soit en 1934, 20 après la guerre de 14, celle dont on croyait que c'était "la der des der".
Céline, dans une écriture qui n'appartient qu'à lui nous livre les dégâts et les atrocités que la guerre de 1914 ont provoqué , d'abord sur sa propre personne.
"J'ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête".
On a de la peine à concevoir cette image atroce, Céline souffrira toute sa vie de maux de tête.
"J'ai appris à faire la différence entre les bruits du dehors et les bruits qui ne me quitteraient plus jamais"
Malgré cet handicap insurmontable, il deviendra médecin, un médecin pour les pauvres.
Le parcours de cet écrivain reste hors pair tant dans sa tragédie, ses excès, ses prises de position où on pourrait en écrire des tonnes.
Ce que j'aime avant tout chez Céline, c'est cette truculence dans l'écriture, cet humour mordant, feraillant sans cesse la noirceur du monde, cette écriture ne se compare pas, elle est exceptionnelle, après on ne peut que l'aimer ou la rejeter.
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«  J'ai en moi mille pages de cauchemars en réserve , celui de la guerre tient naturellement la tête » écrit Céline à Joseph Garcin en 1930.
«  J'ai attrapé la Guerre dans ma tête » .

«  Je sentais de la vie qu'il en restait encore beaucoup en dedans , qui se défendait pour ainsi dire » .
Quelques extraits des 250 feuillets réunis ici et retranscrits , édités à priori , ils auraient été écrits en 1934 , soit deux ans après le Renaudot attribué au Voyage, mais surtout vingt - ans après son expérience du front et des tranchées ,en 1914, qui lui valut de graves blessures .
Je dois dire que c'est mon premier Céline .
On trouve ,au début Ferdinand.dans les Flandres ,au milieu des cadavres de ses compagnons d'infortune .
Nous suivons la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où , gravement blessé il reprend conscience sur le champ de bataille, jusqu'à son départ pour Londres, .
À l'hôpital de Peurdu - sur - la lys , objet de toutes les attentions d'une infirmière entreprenante , Ferdinand , s'étant lié avec Bébert , nommé Cascade plus tard, trompe la mort , s'affranchit du destin promis jusqu'alors.

Cru , crépusculaire , féroce , gouailleur, truculent, imagé , ce livre aujourd'hui publié nous offre son lot inédit de formules imparables, portraits à vif , incisifs , scènes traumatiques , nihilistes , dans un monde en plein chaos «  dans l'abattoir international en folie » .
C'est un récit entre oeuvre imaginaire et récit autobiographique .
Une sacré prise de conscience , une brutale désillusion apparaît dans une lumière des plus crues, , vingt ans après le passé «  toujours saoul d'oubli » reste vivant , à jamais inoubliable.
Céline exprime son angoisse , son horreur de la Guerre et de la mort .
Il est revenu du front mutilé dans sa chair et son esprit comme tous les anciens combattants de la grande guerre, sauf que eux ,n' en parlaient pas —- mutiques —- intimement persuadé par ailleurs , du «  plus jamais ça » .

La langue est outrancière, répétitive, argotique, orale , aux mots abrasifs , injurieux, vulgarité et imperfections, , images d'une crudité inimaginables .
Il sait utiliser des expressions qui «  claquent » , résonnent dans une langue très populaire …torturée, ponctuée de gros mots , parfois traversée de rares et bouleversants accès de tendresse. .…
Voilà une expérience peu commune à l'originalité linguistique déconcertante qui peut fasciner , en tout cas ne jamais laisser un lecteur indifférent !
Tout dans ce récit curieux respire la douleur , la cruauté , la mort :
Odeurs d'urine, de matières fécales , plaies putrides, odeurs âcres de transpiration, écoeurantes de vomi, «  des petits morceaux d'horreur » , la guerre qui «  pue » ,qui «  pue » .
C'est frontal, direct , vie et mort , souffrance , sexe, peur, amour/ haine / …..
Une expérience de lecture chaotique , inédite , énorme! .
Un livre que j'hésitais à lire ….
Mais seul Celine a écrit sur la grande guerre de cette manière , si «  explosive » , pour cela , il faut , peut être , le lire ….
Mais ce n'est que mon avis , bien sûr , comme toujours .

«  C'est énorme la vie quand même .On se perd partout » .
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