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Critique de Pingouin


Avant celui-ci, le dernier Céline que j'ai lu était D'un château l'autre, que je n'avais que modérément apprécié, sentiment qui ne peut être imputable qu'à une mauvaise lecture, car j'adore ce style, il me semble impossible de ne pas l'avoir aimé, c'est une écriture phénoménale.


Guignol's band se déroule dans Londres, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de vous faire un résumé de l'histoire, car celle-ci est tellement décousue et impromptue qu'elle ne peut qu'être découverte avec son auteur.
Beaucoup d'auteurs -je pense notamment à Foucault- considère que le style doit être au service de l'idée ou l'histoire exprimée dans le livre, que celui-ci doit simplement agir comme un excipient pour mieux permettre l'assimilation de cette dernière, que la forme doit presque disparaître afin de laisser au fond la pleine expression. Céline ne pense pas comme ça.
Pour Céline et particulièrement pour ce roman -je ne prétends pas avoir une connaissance exhaustive de son oeuvre, du moins pas encore,ce n'est que mon sentiment-, j'ai l'impression que justement le fond n'est là que pour permettre la forme. Que l'histoire existe afin de faire surgir le style. Et quel style ! Il a sans doute raison de penser ainsi, en ce qui concerne son oeuvre tout du moins, car elle est incroyablement expressive, tant dans la haine qui l'habite que dans l'amour.
L'émotion ! Voilà ce qui domine et ce que Céline voulait faire dominer, si elle était plutôt négative dans Mort à crédit -car le Voyage est toujours très proche du style conventionnel, quoiqu'on en dise-, une autre, positive, semble exister dans Guignol's band ; celle de l'amour. Ça reste du Céline, tout ça reste crasseux et sombre, mais quel plaisir de voir ce sentiment décrit avec une telle plume, ça change des éternels comparaisons et métaphores dont regorge la littérature à ce sujet.

Il faut être accoutumé à l'univers du sieur Destouches afin d'apprécier cet ouvrage, d'abord pour, encore et toujours, cette révolution stylistique qui est ici encore plus poussée que dans Mort à crédit -qui y était déjà plus poussée que dans le Voyage- ; mais également pour cette grandiloquence, pour cette exagération permanente, pour cette hallucination constante, car oui, tout ce qu'il nous raconte est halluciné et hallucinant. Il m'est souvent arrivé, au cours de la lecture, de me dire que quelques pages plus loin, Ferdinand se réveillerait dans son lit, et que tout ce qu'il vient de me décrire était un rêve ou un cauchemar, mais non, ce n'était que la description du délire dans lequel il se trouve, un délire que j'adore.


Ce n'est ni le plus connu ni le plus abordable des romans de Céline, il s'agit d'une sorte de "pont" entre ses premières oeuvres, la coupure de la guerre et des pamphlets, et sa trilogie allemande. Durant toute cette évolution, le style s'affute, se précise, se crée sous nos yeux ; il est primordial de prendre en compte la parution chronologique.
Si vous avez la capacité à entrer dans ce délire, cette hallucination, à apprécier ce style, lisez-le. N'espérez pas y trouver de grandes considérations sur la nature humaine comme on peut en trouver dans le Voyage, non, vous n'y trouverez qu'un style délirant -davantage qu'un délire stylisé.
Ce n'est pas un chef-d'oeuvre pour Céline en ce sens qu'il n'est pas son roman le plus marquant, mais c'est un chef-d'oeuvre pour la littérature en ce sens que Céline a révolutionné cette dernière et qu'une telle puissance évocatrice ne peut que nous retourner.
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