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Critique de alouett


1er mai 1993

« C'est l'histoire de ma descente dans les recoins glauques de ma vie où j'aurais pu perdre au moins la raison ».

Un mois après son retour d'ex-Yougoslavie, Sam a repris les habitudes de la vie civile. Des journées à bosser pour un boulot sans perspective d'évolution. Des soirées passées entre beuveries et bastonnades. Des week-end entre glandage et virées entre potes comme celle à Paname pour défiler aux côtés des militants du Front National lors de leur grand rassemblement annuel, « le défilé de Jeanne d'Arc ! » dont « le principal intérêt (…) était surtout de se retrouver au milieu d'un bon millier de nazillons de tous poils venus de toute la France. Une sorte de réunion de famille à l'échelle nationale, quoi ! ».

Sam et sa bande de petits nazillons se connaissent depuis l'adolescence voire plus pour certains. Ils sont aveuglés par les idéaux haineux qui les rassemblent. Sam raconte sa longue dérive dans les milieux extrémistes, jusqu'à ce matin où il se rend au Commissariat de Police pour faire sa déposition sur les événements de la veille, mû par un espoir illusoire que son témoignage permettra d'atténuer les charges retenues contre son ami Romain. le problème, c'est que l'état d'ébriété de Sam était tel qu'il ne garde en mémoire aucun souvenir de la veille…

« Ce matin à 2 heures, un homme est mort ».

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"Mirador – Tête de mort" est un album autobiographique. David Cenou revient à cette occasion sur son passé de Skinhead.

Nous sommes accueillis par un passage onirique et muet de quatre pages qui contient d'ores-et-déjà une violence qui ne se contente pas d'être seulement suggérée. Pourtant, l'ambiance graphique en présence rassure. La rondeur du trait, la douceur des formes, le soin accordé aux illustrations et des lavis – qui viennent lécher son coup de crayon – qui créent un clair-obscur très agréable à l'oeil. Très beau contraste entre le ton narratif annoncé dans le synopsis et la douceur de l'atmosphère visuelle.

Ensuite, on est frappé par l'intonation intimiste de la narration qui sonne comme une introspection. le témoignage contient une nostalgie troublante sans pour autant que cette évocation me mettre mal à l'aise. Étonnant également le fait qu'au sein de cette meute humaine, il existe une relation d'amitié fraternelle, presque fusionnelle. Sans surprise, on a le sentiment d'être face à des individus qui font bloc, une unité qui semble rassurer ces individualités…autant qu'elle terrorise tout ce qui lui est extérieur (le lecteur n'y échappe pas). Une unité qui se “signale” par le port de certains insignes (croix gammée, rune d'Odal, croix celtique…), les pages de cet album en contiennent à foison.

Tout au long de son récit, l'auteur revient sur son parcours qu'il entrecoupe de passages plus récents inhérents à sa déposition ; suite à sa grade-à-vue, il sera placé en détention provisoire puis incarcéré. le lecteur est ainsi amené à côtoyer différents groupuscules que David Cénou, alias Sam dans le récit, a pris le soin de renommer. Mais sous cet anonymat, difficile de laisser échapper des personnalités comme Werewolf (Serge Ayoub) leader et fondateur des TNR (« JNR ») ou autres groupuscules d'Extrême-Droite qui s'illustrent régulièrement pour leurs propos et autres interventions que je me passerais de commenter ici (il en sera de même dans mes réponses à commentaires).

Cet album nous permet cependant de nous sensibiliser à l'état d'esprit d'un groupuscule marginalisé qui alimente et se nourrit de tout un tas d'idéaux fascistes et incapable de faire preuve de tolérance à l'égard. Tout ce qui est différent… leur est totalement étranger (pour ne pas dire anxiogène). « Une plongée sans détour dans l'univers des skins, un témoignage rare sur l'itinéraire d'un enfant pas gâté » pour reprendre les termes de l'éditeur. On suit donc le quotidien de cette bande de potes dont le seul élément positif que nous pouvons retenir est leur engouement commun pour la musique ; ils ont d'ailleurs su trouver l'énergie positive pour monter un groupe de musique et maintenir un certain engouement autour de ce projet (ils ont donné plusieurs concerts, principalement en France, mais aussi en Allemagne…).

David Cenou s'évertue à faire monter progressivement la tension et la pression qui pèse sur les épaules de son personnage principal. A mesure que le lecteur s'enfonce dans l'album, on sent de manière perceptible l'étau qui se resserre, comme si Sam se risque à s'aventurer sur une voie qu'il sait sans issue. En milieu d'album, un second épisode narratif s'immisce dans la chronologie des faits : on accède ainsi par bribes au déroulement de la garde-à-vue et des événements qui ont eu lieu ensuite. Ces passages contribuent à accélérer le rythme narratif, jouant ainsi sur la pression et donnant ainsi au lecteur l'impression qu'un étau se resserre.

(...)
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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