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EAN : 9782330111229
Actes Sud (29/08/2018)
3.84/5   214 notes
Résumé :

Un jeune homme pur et courageux, mort au combat pour une cause mauvaise (la lutte du franquisme contre la République espagnole), peut-il devenir, quoique s'en défende l'auteur, le héros du livre qu'il doit écrire ?

Manuel Mena a dix-neuf ans quand il est mortellement atteint, en 1938, en pleine bataille, sur les rives de l'Ebre. Le vaillant sous-lieutenant, par son sacrifice, fera désormais figure de martyr au sein de la famille maternelle de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (65) Voir plus Ajouter une critique
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Manuel Mena est le grand-oncle de l'auteur, un phalangiste qui meurt à dix-neuf ans au combat et fut pendant des années l'héros officiel de la famille. Franquiste ou phalangiste, une mémoire peu honorable pour Cercas, qui ne voulait à aucun prix aller à la rencontre de ce personnage qui représente aussi sa famille et un passé politique qui le fait rougir de honte.
Mais nous voici quand même présent avec ce livre, qui parle justement de Manuel Mena, pourquoi ? Et vous allez vous dire quel en est l'intérêt, du moins pour le lecteur ? Qu'est-ce-qu'on peut bien raconter sur un mec inconnu, phalangiste ou pas, mort à 19 ans, sur 320 pages ? Eh bien c'est sans compter que l'auteur est Javier Cercas, et son talent narratif indéniable,
Une conversation avec un personnage qui connu son grand-oncle, devient un film
intense, où l'écrivain manie sa plume comme un objectif de caméra. Et justement, puisqu'il écrit en visionnant le film que son ami David Trueba suite à sa demande, a réalisé de l'entretien. En un mot, le procédé est génial, et nous apprend beaucoup plus grâce aux détails cinématographiques, que le simple contenu d'une conversation rapportée,
Bien qu'il soit le narrateur et parle à la première personne, son propre personnage de l'histoire, le petit-neveu de Manuel Mena est mise en scène comme le sieur Javier Cercas, un procédé amusant,
Et un dernier aspect narratif mineur, qui allège et donne du pep au texte, est qu'il l'agrémente en douce, mine de rien, de « commérages » ou autres digressions du genre, alors qu'il est en train de discuter ou penser à des choses sérieuses. Si bien que je suis allée assouvir ma curiosité sur internet, pour voir avec quel acteur irrésistible d'Hollywood, s'était barrée la femme de son copain David Trubea, réalisateur du film "'Les Soldats de Salamin ", adapté de son roman éponyme.......

À travers la courte histoire de Mena, Cercas nous trempe dans la grande histoire, celle de son pays sous la monarchie, qui en 1931 devint du jour au lendemain républicain. Une république qui entrera en crise en novembre 1933, et débouchera sur une guerre civile.....la suite c'est Franco et quarante ans de galère. Alors que pour la petite histoire il retourne à Ibahernando, le village natal de sa mère, et où est né Manuel Mena, "un village reculé, isolé et misérable d'Estrémadure, une région reculée, isolée et misérable d'Espagne, collée à la frontière portugaise". Et où à l'époque, son grand-père paternel Paco Cercas était le chef de la phalange. Mais comment expliquer qu'à Ibahernando où il n'y avait pas un seul phalangiste avant la guerre, ils le sont tous devenus, une fois la guerre éclatée , comme partout ailleurs ?
Cercas dissèque les deux histoires pour déboucher comme toujours sur des sentiers inattendus , brouillant les frontières entre fiction et réalité, d'autant plus que 80 ans ont passés depuis, et ce qu'il en reste comme témoignages, est assez mince et pas toujours fiable.
Résultat ? Tout ça, pour "Savoir", "Ne pas juger", "Comprendre". "C'est à ça qu'on s'emploie, nous, les écrivains.” dit-il. N'est-ce-pas aussi un des buts majeurs de nos lectures ?

L'histoire de Manuel Mena en elle-même n'a rien de particulière , un destin parmi des milliers d'autres, mais c'est la plume de Cercas dans le fond et la forme qui la rend unique. En l'écrivant, Cercas, un des meilleurs auteurs contemporains, que je connaisse, écrit en faites sa propre histoire, choisissant la voie de la responsabilité plutôt que celle de la culpabilité, concernant le mauvais côté de son héritage familial. Il ne tranche pas, nous exposant un espace d'expression en gris , où les méchants ne sont pas que des méchants, ni les bons que des bons. L'homme est ce qu'il est et la guerre une absurdité.

“Ne cherche pas à m'adoucir la mort, ô noble Ulysse !
J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan,
fût-il sans patrimoine et presque sans ressources,
que de régner ici parmi ces ombres consumées.... “
( Homère, L'Odyssée )
“ ....il n'y a pas d'autre vie que celle des vivants,... la vie précaire de la mémoire n'est pas la vie immortelle mais à peine une légende éphémère, un pâle succédané de la vie, et que seule la mort est indéniable."
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Comme souvent avec les auteurs qui ont choisi de se faire les porte-paroles du réel, il y a deux histoires en une. L'histoire en elle-même sur laquelle ils ont enquêté et dont ils nous livrent les faits, et l'histoire du livre, sa genèse, sa maturation et sa décision de l'écrire, avec les doutes, les tergiversations, les joies et les errements que l'auteur a traversés. Javier Cercas est aussi spécialiste d'Histoire (l'autre, la vraie, la grande avec une majuscule), celle de son Espagne natale à laquelle il a consacré tous ses ouvrages. Peut-être pour éviter justement d'écrire le seul qui lui importait vraiment, celui qui le taraudait et le plombait comme un funeste héritage.
Manuel Mena est le grand-oncle maternel de Javier Cercas, mort à 19 ans en 1938 après s'être fourvoyé dans la phalange, idéalisé par sa mère et sa famille, comparé à Achille parti pour des idées au royaume des ombres, au firmament de sa puissance. Un tabou et une honte 80 ans après, pour un auteur et son cortège d'idées de gauche. Mais « s'il est faux que l'avenir modifie le passé, ce qui est vrai, c'est qu'il modifie la perception que l'on a du passé et le sens qu'on lui donne ». Avec ça tout est dit ou presque, l'auteur va évoluer, et va finir par l'écrire le livre de sa honte, muée en responsabilité sous la férule d'Arendt.
« Le monarque des ombres » alterne habilement les chapitres où l'on découvre ce qui est resté de la bio du grand-oncle Manuel Mena, dans lesquels l'auteur semble prendre ses distances en s'évoquant à la troisième personne (« Cela dit, il semble impossible d'exempter la famille de Javier Cercas de toute responsabilité concernant les atrocités commises ces jours-là...»), avec des chapitres détaillant l'enquête minutieuse d'un écrivain-historien avide de faits plus que d'effets (avec un « je » assumé), et son évolution personnelle par rapport au fardeau familial.
Un livre que j'ai beaucoup aimé, comme souvent avec ce genre littéraire, et cet auteur en particulier.
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" Un littérateur pourrait répondre à ces questions car les littérateurs peuvent affabuler, pas moi: l'affabulation m'est interdite. "
"Je ne peux que m'en tenir aux faits, certaines choses sont avérées. Ou presque avérées.
Car le passé est un puits insondable et noir oú l'on arrive à peine à percevoir des étincelles de vérité , ce que nous savons est sans doute infiniment plus petit que ce que nous ignorons ...."

Pourquoi cette longue citation pour parler de ce livre en forme d'enquête fouillée et passionnante?
Parce qu'elle résume les raisons objectives du travail du grand écrivain - historien Javier Cercas.
Il cherche à comprendre les raisons qui ont mené son grand -oncle à devenir franquiste .


Le héros du livre: Manuel Mena avait 19 ans lorsqu'il fut tué , le 21 septembre 1938 , lors de la terrible bataille de l'Ebre, après son fourvoiement au sein de la phalange .

Sous- lieutenant dans une compagnie de tirailleurs de l'armée franquiste il était l'oncle de la Mére de Javier Cercas.
L'écrivain a toujours vu sa photo dans la maison familiale ,vaillant sous - lieutenant et figure de martyre au sein de la famille maternelle de Cercas , dans le village d'Estramadur oú il a grandi ..
Sa mére en garde un souvenir ému , il offrait toujours des cadeaux à la gamine qu'elle était alors....idéalisé par elle, comparé à Achille pour des idées au royaume des ombres....

Cette parenté , au contraire pour Cercas , cet oncle franquiste a longtemps été " le paradigme profondément encombrant , l'héritage le plus accablant " de sa famille ...

Javier Cercas est un spécialiste de l'Histoire de son pays, avec un grand H, la majestueuse histoire de son Espagne Natale à laquelle presque tous ses ouvrages sont consacrés .....

L'auteur finit par enfin écrire sur lui, bien que dissuadé par un ami pour qui la guerre civile est encore proche:" La vérité n'intéresse personne . " Il tergiverse , il doute , c'est aussi l'histoire de la maturation d'un livre , de sa mise à jour ....

Il enquête , consulte des archives , interroge des témoins encore vivants , collecte un certain nombre d'anecdotes, vérifie des dates, des lieux, confronte des témoignages afin d'appréhender au plus près les contours de cet oncle mort à l'aube de sa vie..

Les chapitres alternent entre ce qui est resté de la biographie de l'oncle et ceux détaillant l'enquête minutieuse de l'écrivain -historien.
Pourquoi ce jeune phalangiste s'est - il engagé?

Par conviction idéologique ? " Élan primaire " d'Aventures ?
Par désir de gloire ?
Par haine de la République ou pas?
L'écrivain ne s'autorise aucune affabulation, il s'en tient aux faits vérifiés.
Parfois il" cède la parole au silence " lorsqu'il lui arrive de ne pas savoir ....
Manuel Mena gagne au fur et à mesure de l'enquête en complexité dont nous ressentirons l'engagement comme ceux de l'auteur, les doutes, la complicité palpables .

L'auteur met à jour les contrastes et les ambiguïtés, , les causes de la guerre civile, les violences qu'elle a engendrées , s'interroge sur ceux qui furent franquistes " par action ou omission " , "foncer ou éclaircir les ombres"?
C'est une lumineuse réflexion philosophique sur la mémoire et l'héritage, l'héroïsme , la guerre, la vérité , l'exil.
Javier Cercas écrit aussi sur lui- même ,livre de la honte de la famille transformée en responsabilité selon "Hannah Harendt" .
Continuer d'avoir honte de sa famille et de l'héritage qu'elle lui laisse serait ajouter un " voile" sur une Histoire trés complexe .
" Savoir, ne pas juger, comprendre " , dit l'auteur à son cousin .
" C'est à ça qu'on s'emploie , nous les écrivains " .
Un livre instructif d'un grand écrivain.

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Que dire si ce n'est que je me suis profondément ennuyé à la lecture de ce livre qui ne veut pas dire son nom. Biographie ? Enquête ? Fiction ? Rien de tout cela. Un personnage mort à dix neuf ans, un homme qui sera aussi bien le héros du village que , 80 ans plus tard , celui qui a choisi le mauvais camp .Javier Cercas a longuement hésité à raconter l'histoire de ce membre de sa famille et on sent cette hésitation se manifester tout au long de cet ouvrage. Y aller ou pas ? Raconter ou non ?Et que sait on ?L'écriture est belle , une bonne traduction , certes ,mais , pour moi ,la magie et la dextérité de l'auteur ne fonctionnent pas et je trouve que l'histoire traîne, traîne,lassante , ennuyeuse. Ce n'est pas le premier ouvrage de cet auteur que je lis mais c'est le moins exaltant
Livre d'histoire très bien documenté, un cadre bien posé, mais un trop grand trouble règne autour du personnage de Manuel.On sent une grande pudeur , une grande retenue, un refus de trop en dire sur cet aïeul par trop encombrant et aussi parcequ'à sa place , pas sûr que la décision d'appartenir à tel ou tel camp ait été aussi facile que ça à prendre. Il y a des passages magnifiques,mais on retombe trop vite dans l'ennui.

J'avoue avoir été déçu. C'est mon point de vue. Cette histoire de famille n'est pas la mienne , même si je peux comprendre le but de l'auteur.Pourvu qu'il se soit rassuré , ce serait bien ,moi , je ne suis pas convaincu .
Un rendez-vous manqué , ça arrive.
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Ce roman étouffant, pareil à cette guerre d'Espagne, au titre émouvant le "Monarque des ombres", est-il le roman de l'écrivain Javier Cercas, ou un récit guidé par sa famille. Est-ce l'histoire de son oncle jeune soldat mort à 19 ans, ou le livre de l'historien Cercas prêt à examiner tous les chemins empruntés par cet oncle Manuel Mena.


La première moitié du livre est une longue interrogation sur l'intérêt d'écrire ce livre, une incessante question, devant le peu d'informations disponibles. Un flou voulu ou subit, par une famille, trop mal documentée pour réhabiliter un homme qui s'est engagé totalement dans une voie, la phalange, contraire à son passé, contraire à son milieu.
Manuel Mena a 19 ans, sur la photo familiale, sanglé dans son uniforme de phalangiste, il a un corps d'enfant dans un costume d'homme, mort au combat pour une mauvaise cause pendant la bataille de l'Ebre, en septembre 1938.
Depuis son enfance, Javier Cercas vit avec le souvenir de Manuel Mena, héros officiel de sa famille qui entretient le culte, d'un aïeul statufié en jeune officier.

Que faire de cet héritage ? le cacher ou l'affronter au grand jour ? Javier Cercas tournait autour, mais de Manuel Mena comment s'en débarrasser.


Longtemps, il a cru pouvoir l'ignorer. Mais Javier Cercas s'est résolu à se planter face à lui. À défier la légende pour s'enfoncer dans le pays des ombres. Il se doit de maîtriser le roman familial pour ne pas être emporté.
Ces très longues pages, m'ont ouvert les yeux sur les événements à l'origine de la guerre d'Espagne. L'enchaînement assez incompréhensible des scrutins ne pouvaient que basculer le pays dans suite de querelles violentes et insolubles.
En 1931 c'est la victoire de la gauche, et l'instauration de la 2ème république signe le départ de la famille royale.
Fin 1933 de nouvelles élections engage le pays dans l'instabilité et les répressions, avec un autre camp au pouvoir, et tout bascule de nouveau.
En 1936 le peuple met la gauche démocratique au pouvoir, c'est le front populaire,et bientôt le début de la guerre civile espagnole.


La Seconde République, née dans dans l'effervescence générale et l'optimisme,fini par se répandre dans le sang
Javier Cercas va puiser dans le passé d'Ibahernando son village, cette région reculée de l'Extramadure, pour reconstituer le film de ces sombres années. Quelques anciens, au regard voilé de tristesse, trop longtemps emmurés dans le silence parlent. Son ami, le cinéaste David Trueba, qui a tenté de le dissuader de plonger dans cette fissure, finit par l'accompagner à Ibahernando pour filmer les derniers témoins.


Peu à peu le film des événements se dessine.
Savoir ce n'est pas juger, comprendre Manuel Mena c'est découvrir la personnalité du jeune homme livré à lui même et très idéaliste. Il sort de l'enfance confronté à des combats qui divisent et détruisent l'harmonie d'un clan. Confronté à cette complexité, le jeune homme verse dans le mauvais camp et finit, désenchanté, par le pressentir, peu de jours avant que la mort l'emporte.


Malheur aux vaincus. Javier Cercas fut décrié, même si son travail a fait l'objet d'une enquête scrupuleuse, apportant son lot de révélations et de témoignages. Entre la guerre, l'héroïsme et la mort, c'est l'aventure humaine que l'écrivain privilégie, un regard sur le passé pour aussi éclairer l'avenir.

Un roman familial où des figures étonnantes sont restituées dans leur sagesse et leur sensibilité, sa mère son grand père et tant d'autres.
Que signifie une belle mort ? Si sa famille a vu en Manuel Mena, le héros grec Achille, le monarque des ombres, n'aspira peut être que de devenir un modeste Ulysse pour retrouver sa famille.

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critiques presse (8)
LaPresse
23 novembre 2018
Le roman proche du récit pose la question de notre appropriation de la mémoire individuelle et collective à des fins de rédemption et d'édification d'un avenir meilleur.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeDevoir
12 novembre 2018
Manuel Mena avait politiquement tort, quatre-vingts ans plus tard nous le savons — ou nous croyons le savoir. Sur le plan moral, toutefois, l’histoire est plus complexe. Et c’est là où Javier Cercas pose habilement le doigt. Il le fait en convoquant tout le pouvoir de la littérature : celui de mettre au jour les ambiguïtés, les contrastes, de foncer ou d’éclaircir les ombres.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Lexpress
08 octobre 2018
Affirmant ne pas vouloir céder à la tentation de l'affabulation, Cercas laisse vide les trous biographiques puis s'amuse à se contredire, se demandant comment l'écriture aurait pu, malgré tout, glorifier et rehausser son personnage. Le scénario de l'enquête change, se muant en une lumineuse réflexion philosophique sur l'héroïsme, la mémoire, l'héritage.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
24 septembre 2018
Héroïsme, guerre, vérité, exil : quatre mots pour parcourir l’œuvre de cet écrivain qui ne cesse de creuser la mémoire espagnole. Plus intimement que jamais dans "Le Monarque des ombres".
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
21 septembre 2018
Étoffant encore son approche littéraire audacieuse de l’Histoire, Javier Cercas perce les secrets de sa famille et le passé de l’Espagne en écrivant sur un de ses oncles, franquiste mort à 19 ans.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeFigaro
14 septembre 2018
Le romancier publie une enquête sur son grand-oncle, jeune phalangiste mort dans les rangs franquistes en 1938. Le livre qu'il rêvait d'écrire depuis ses débuts.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Actualitte
04 septembre 2018
Figure de proue de l’agence littéraire Balcells, Javier Cercas remonte le temps dans son histoire de famille. Et celle de son pays. En proie à une guerre fratricide, c’est au sud de l’Espagne qu’il nous emporte, dans le village de ses parents : Ibahernando.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Telerama
24 août 2018
Dans une enquête passionnante, Javier Cercas cherche à comprendre ce qui a mené son grand-oncle à devenir franquiste.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (88) Voir plus Ajouter une citation
Ma mère dit ensuite qu’une de mes sœurs, je ne sais plus laquelle, lui avait encore parlé de la possibilité de vendre la maison ; c’est ce qu’elle me disait de temps à autre, pour que je lui répète que, du moins tant qu’elle serait en vie, la maison ne serait pas vendue. Je le lui répétai.
-Et quand je serai morte ? demanda-t-elle.
“On la vendra”, me dis-je puis, pensant à Alejandro et à Eladio Cabrera et sa femme : “Et alors le village disparaîtra.”
Mon neveu Néstor vint à ma rescousse : il déclara ne pas comprendre pourquoi nous voudrions garder cette maison qui était à peine habitable désormais ; mon fils essaya aussi de m’aider.
-Mamie, clama-t-il, même Bill Gates ne garde pas une maison pour s’en servir quinze jours dans l’année. Ma mère lui envoya un regard étonné.
-C’est qui, celui-là ? demanda-t-elle.
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Nous décidâmes de prendre un café pour tuer le temps et, tout en descendant la rue de Las Cruces et en traversant le Pozo Castro, nous parlâmes d’Eladio et de la maison de ma mère ; David dit qu’à ma place, il garderait la maison.
—Bien sûr, moi aussi, si j’étais Stephen King, répondis-je.
—Arrête, putain, répliqua-t-il. Si tu étais Stephen King, tu pourrais garder tout le village.
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C'est une situation d'extrême nécessité qui fait s'opposer ceux qui n'ont rien à manger et ceux qui ont de quoi manger; ces derniers ont très peu , juste ce qu'il faut , mais ils ont quelque chose.Et en effet , ici , ça commence à prendre l'allure d'une tragédie , parce que ceux qui ont faim ont raison de haïr ceux qui peuvent manger et ceux qui peuvent manger ont raison d'avoir peur de ceux qui ont faim.Et c'est comme ça qu'ils arrivent tous à une conclusion terrifiante: c 'est soit eux , soit nous. Si eux gagnent , ils nous tuent ; si nous , on gagne ,on doit les tuer.Voilà la situation impossible à laquelle les responsables du pays ont conduit ces pauvres gens. ( p 200 )
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Ibahernando était alors déjà entré pleinement dans la fiction, nourrissant un fantasme primaire d’inégalité selon lequel, tandis que les paysans sans terre demeuraient des serfs, les paysans avec terre étaient devenus patriciens, ce qui rendait les intérêts des uns et des autres irrémédiablement divergents et le conflit inévitable ; Ibahernando était déjà coupé en deux : il y avait un café pour les gens de droite et un café pour les gens de gauche, un bal pour les gens de droite et un bal pour les gens de gauche ; parfois, des jeunes de droite faisaient violemment irruption, protégés par leurs domestiques, dans les soirées dansantes de la Maison du peuple rouverte, essayant d’intimider les gens avec leurs menaces de fils à papa. Certains jeunes de gauche, de plus en plus instruits et politisés, de plus en plus disposés à faire valoir leurs droits, davantage insoumis et mieux protégés par leur syndicat et les autorités municipales, réagissaient à ces provocations et, contrairement à leurs pères et leurs grands-pères, refusaient d’accepter les abus et tenaient tête aux paysans avec terre, lesquels se vengeaient des gauchistes les plus agités en refusant de les rembaucher pour les moissons. “Mangez-en, de la République”, leur décochaient ceux qui à peine quatre ou cinq ans plus tôt étaient des républicains convaincus. Pour se venger de cette vengeance, les jeunes paysans sans terre brûlaient des récoltes, endommageaient des oliveraies, volaient des moutons ou des agneaux, entraient par effraction dans les propriétés, effrayaient les gens de droite et leur rendaient la vie impossible. La violence n’épargna pas non plus les enfants qui se tendaient des embuscades dans les rues, se lançaient des pierres ou fouettaient les jambes de leurs petits camarades avec des orties.
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— Tu vas encore écrire un roman sur la guerre civile ? T’es con ou quoi ? Écoute, la première fois, ça a marché, tu as pris le public au dépourvu ; à l’époque personne ne te connaissait, on pouvait se servir de toi. Maintenant, c’est plus pareil : ils vont te réduire à néant, mec ! Quoi que tu écrives, les uns vont t’accuser d’idéaliser les républicains parce que tu ne dénonces pas leurs crimes, et les autres d’être révisionniste ou de farder le franquisme parce que tu ne présentes pas les franquistes comme des monstres mais comme des personnes ordinaires, normales. C’est comme ça : la vérité n’intéresse personne, t’as pas encore pigé ça ? Il y a quelques années, on avait l’impression que ça intéressait les gens, mais c’était une illusion. Les gens n’aiment pas la vérité : ils aiment les mensonges ; et je ne te parle même pas des intellectuels et des politiciens. Les uns s’irritent dès qu’on met le sujet sur la table parce qu’ils pensent encore que le coup d’État de Franco était nécessaire ou en tout cas inévitable, même s’ils n’osent pas le dire ; et les autres ont décidé que refuser de considérer tous les républicains comme démocrates, y compris Durruti et La Pasionaria, et admettre que des putains de curés ont été assassinés et des putains d’églises brûlées, c’est faire le jeu de la droite. Et je ne sais pas si tu as remarqué, mais la guerre, c’est passé de mode. Pourquoi tu n’écris pas une version postmoderne de Sexe ou pas sexe ou bien Divorce ? Oh le pied ! Je te les adapte, promis. On va s’en mettre plein les poches.
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