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Critique de Fleitour


Ce roman étouffant, pareil à cette guerre d'Espagne, au titre émouvant le "Monarque des ombres", est-il le roman de l'écrivain Javier Cercas, ou un récit guidé par sa famille. Est-ce l'histoire de son oncle jeune soldat mort à 19 ans, ou le livre de l'historien Cercas prêt à examiner tous les chemins empruntés par cet oncle Manuel Mena.


La première moitié du livre est une longue interrogation sur l'intérêt d'écrire ce livre, une incessante question, devant le peu d'informations disponibles. Un flou voulu ou subit, par une famille, trop mal documentée pour réhabiliter un homme qui s'est engagé totalement dans une voie, la phalange, contraire à son passé, contraire à son milieu.
Manuel Mena a 19 ans, sur la photo familiale, sanglé dans son uniforme de phalangiste, il a un corps d'enfant dans un costume d'homme, mort au combat pour une mauvaise cause pendant la bataille de l'Ebre, en septembre 1938.
Depuis son enfance, Javier Cercas vit avec le souvenir de Manuel Mena, héros officiel de sa famille qui entretient le culte, d'un aïeul statufié en jeune officier.

Que faire de cet héritage ? le cacher ou l'affronter au grand jour ? Javier Cercas tournait autour, mais de Manuel Mena comment s'en débarrasser.


Longtemps, il a cru pouvoir l'ignorer. Mais Javier Cercas s'est résolu à se planter face à lui. À défier la légende pour s'enfoncer dans le pays des ombres. Il se doit de maîtriser le roman familial pour ne pas être emporté.
Ces très longues pages, m'ont ouvert les yeux sur les événements à l'origine de la guerre d'Espagne. L'enchaînement assez incompréhensible des scrutins ne pouvaient que basculer le pays dans suite de querelles violentes et insolubles.
En 1931 c'est la victoire de la gauche, et l'instauration de la 2ème république signe le départ de la famille royale.
Fin 1933 de nouvelles élections engage le pays dans l'instabilité et les répressions, avec un autre camp au pouvoir, et tout bascule de nouveau.
En 1936 le peuple met la gauche démocratique au pouvoir, c'est le front populaire,et bientôt le début de la guerre civile espagnole.


La Seconde République, née dans dans l'effervescence générale et l'optimisme,fini par se répandre dans le sang
Javier Cercas va puiser dans le passé d'Ibahernando son village, cette région reculée de l'Extramadure, pour reconstituer le film de ces sombres années. Quelques anciens, au regard voilé de tristesse, trop longtemps emmurés dans le silence parlent. Son ami, le cinéaste David Trueba, qui a tenté de le dissuader de plonger dans cette fissure, finit par l'accompagner à Ibahernando pour filmer les derniers témoins.


Peu à peu le film des événements se dessine.
Savoir ce n'est pas juger, comprendre Manuel Mena c'est découvrir la personnalité du jeune homme livré à lui même et très idéaliste. Il sort de l'enfance confronté à des combats qui divisent et détruisent l'harmonie d'un clan. Confronté à cette complexité, le jeune homme verse dans le mauvais camp et finit, désenchanté, par le pressentir, peu de jours avant que la mort l'emporte.


Malheur aux vaincus. Javier Cercas fut décrié, même si son travail a fait l'objet d'une enquête scrupuleuse, apportant son lot de révélations et de témoignages. Entre la guerre, l'héroïsme et la mort, c'est l'aventure humaine que l'écrivain privilégie, un regard sur le passé pour aussi éclairer l'avenir.

Un roman familial où des figures étonnantes sont restituées dans leur sagesse et leur sensibilité, sa mère son grand père et tant d'autres.
Que signifie une belle mort ? Si sa famille a vu en Manuel Mena, le héros grec Achille, le monarque des ombres, n'aspira peut être que de devenir un modeste Ulysse pour retrouver sa famille.

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