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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Cercas replonge dans les années post-franquistes et nous offre un beau roman qui serait le pendant juvénile de son oeuvre, Anatomie d'un instant consacrée au 23 F, un roman fort sur le fin de l'enfance, sur l'adolescence et l'intensité des liens que l'on peut nouer ces années là.
L'image de la movida madrilène a tellement pris le pas dans l'inconscient collectif sur la réalité de l'Espagne de la fin des années 70 - "Franco était mort depuis trois ans , mais le pays, régi encore par les lois franquistes, avait l'exacte odeur du franquisme: il puait la merde."- qu'on a oublié la misère qui y régnait alors, et l'explosion de la violence et de la drogue qui en découla.
En 1978, à Gerone, un gamin de la classe moyenne, Ignacio Cañas alias le Binoclard, se lie par hasard d'amitié avec El Zarco, un jeune voyou charismatique des bidonvilles d'à côté, et tombe amoureux de sa petite amie Tere. Les braquages, la drogue et l'argent facile deviennent son quotidien jusqu'à ce que leur route se sépare brutalement. Cañas, qui avait "franchi la frontière", tait sa complicité avec la bande, retrouve le droit chemin et devient un avocat prospère, tandis qu'El Zarco, sorte de Robin des bois héroïnomane aux yeux de l'opinion publique, est le prisonnier le plus célèbre d'Espagne. Vingt ans plus tard, Cañas accepte de défendre un Zarco au bout du rouleau et renoue avec son passé.
L'habileté de Cercas à déboulonner le mythe du braqueur au grand coeur est telle que je réalise au bout de la centième page (!) par une allusion aux chansons des Los Chichos et des Chunguitos, que le personnage del Zarco ressemble étrangement à Juan José Moreno Cuenca, El Vaquilla, un des délinquants les plus emblématiques de l'époque. C'est un pan de la littérature et du "cine quinqui" (Los últimos golpes de El Torete ,Yo, "El Vaquilla", El lute...) qui resurgit, des noms de types morts d'overdose, du sida ou sous les balles, toutes ces histoires de perros callejeros qui ont nourri les chansons flamencas et les récits tirés "de faits rééls" à la fin des années 70.
Avec Les lois de la frontière, Cercas fait revivre ceux que l'on appelle "la génération perdue de l'héroïne". C'est avec beaucoup de lucidité sur le contexte économique et social de l'époque, sans aucune fascination pour cette jeunesse avide de liberté et en rupture totale avec la société que Javier Cercas exhume pour le lecteur une Espagne qui commençait sa mutation dans la douleur.
Quand vingt ans plus tard, à travers le parcours del Zarco, le Binoclard pointe sous Cañas et que l'homme mûr se confronte enfin aux protagonistes les plus importants de sa jeunesse, il ne peut énoncer une seule vérité sur les choix qui marquèrent cet été 1978, ni sur les lois de la frontière.
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Une frontière.

Une ligne de démarcation invisible, comme celle séparant les quartiers de deux bandes rivales dans le feuilleton chinois que les jeunes espagnols des années 1978 regardent à la télévision.

La frontière bleue.

Matérialisée , à Gérone, par deux fleuves séparant les quartiers de la bourgeoisie moyenne et les quartiers mal famés.

Le quartier du Binoclard, adolescent timide et harcelé cruellement par ses camarades de bahut et le quartier des logements sociaux et des taudis, habités par Zarco et sa bande. Et par la belle et mystérieuse Tere.

Pour avoir franchi cette frontière- tant pour fuir son statut de victime que pour connaître avec Tere les premiers frissons du sexe et de l'amour- Ignacio Canas, dit le Binoclard,va voir toute son adolescence d'enfant sage basculer d'un coup. Le voilà "on the dark side" lui, le petit bourgeois timide et bon élève. Et les choses vont très vite, quand on rentre dans la bande de Zarco...Le temps d'un été...

Pourtant, son père et un flic intelligent le sauvent du grand plongeon et une deuxième chance lui est offerte. Le Binoclard devient avocat. Mais la frontière bleue là aussi le rattrape: est-ce sa fascination pour le héros noir, Zarco, son attirance toujours irrépressible pour Tere, ou son désir fou de comprendre ces trois mois d'été qui ont à jamais marqué leur brûlure sur son adolescence et sur sa vie d'adulte? Il se spécialise dans la défense des causes perdues, des "rebells without a cause"..et retrouve ses anciens héros, ses anciens démons...

Il cherche à comprendre, avec l'aide d'un écrivain en quête d'un nouveau regard sur le mythique Zarco. Mais la vérité est un exercice difficile...

Peut-être, finalement, qu'on ne comprend jamais ce qui nous pousse à franchir le pas, ce qui nous fait perdre pied et tanguer, vaciller dangereusement sur cette ligne de partage des eaux...

Aussi objectif et intransigeant que "les Soldats de Salamine", plus romanesque , moins historique, mais aussi très ancré socialement dans cet après-franquisme qui a vu l'Espagne basculer ,après la dictature, dans une permissivité débridée, le récit de Cercas est comme cadré par le procédé de l'interview, qui lui donne l'accent de la vérité et un recul critique évitant tout romantisme noir.

On garde la tête sur les épaules,on mesure toute l'ambiguïté des sentiments et le parcours erratique des actes. Les lois de l frontière gardent donc l'équilibre, laissent au mystère des passions et des mobiles tout leur poids, mais l'empathie envers les personnages s'en trouve bridée: j'ai préféré Les Soldats de Salamine, à cause du personnage de Mirallès, qui fusionne tellement avec sa personne que nous perdons soudain toute réserve critique et toute distance, pour une tendresse subjective et bouleversée .

Rien de tout cela ici: Cercas garde sang-froid et maîtrise même si ses personnages perdent leur aura ou leur légende et si leurs personnes se dégradent, se détruisent et sont renvoyées au néant.

Un regard décapant et sans aucun soupçon de romantisme facile sur les années dites de la Transition..
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Eté 1978, à Gérone en Espagne, un adolescent de la classe moyenne, pour échapper à la malveillance d'un de ses camarades de classe, rejoint une bande de voyous menée par le charismatique Zarco et son amie Tere. A leur côté, il participe à une série de cambriolages, de vols de voitures et d'attaques de banques durant tout l'été.
Trente ans plus tard, devenu un avocat pénaliste reconnu, il raconte son histoire à un écrivain, essayant de décrypter les motifs de son engagement dans la bande de Zarco et les raisons pour lesquelles il s'est occupé de sa défense, celui-ci étant devenu entre-temps un bandit multi-récidiviste condamné à la prison à vie et un héros national.
La force de ce roman ne réside pas uniquement dans le portrait réaliste de la société espagnole dans les années suivant la mort de Franco mais aussi et surtout dans la mise en perspective d'une vie d'homme avec ses parts d'ombre et ses ambiguïtés et la difficulté de relire son passé à partir de l'instant présent.
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Très bel ouvrage fort bien écrit et agréable à lire sur la période du post-franquisme sur le thème de la jeunesse et du sens de la loyauté mais aussi de la liberté. Par l'auteur de "Soldados de Salamina".
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Un roman étrange qui narre, par le biais de regards de personnes (surtout une) qui l'ont entouré, l'histoire d'un voyou espagnol, depuis la fin des années 70 jusqu'à aujourd'hui. Après une première partie "adolescente", qui fait très roman initiatique, les affres de la justice et les impasses de la société sont bien soulignées. le narrateur principal est vrai, touchant. L'écriture est très belle, c'est assez lent car l'introspection obtient la part belle de ce roman. J'ai aimé le parti pris narratif (comme si les narrateurs se confiaient à un écrivain retraçant l'histoire du bandit Zarco), mais aussi le style et l'ambiance. Beaucoup de pudeur, un peu d'action, de l'émotion, bref, un chouette roman assez inattendu et inclassable.
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Ce roman rassemble tous les ingrédients de l'efficacité et de l'excellence des récits de Javier Cercas : une intrigue tenue avec brio jusqu'à la dernière page, des personnages surprenants, anti-héros de leurs propres vies et miroirs opaques de leurs faiblesses les plus profondes, et ce subtil mélange entre histoire et fiction qui caractérise l'écriture de cet auteur.
A l'époque de la transition démocratique espagnole, nous partons ici en quête de l'identité d'un jeune délinquant, qui de souffre-douleur va devenir malgré lui le pilier d'une relation indéfinissable entre deux personnages à la fois solitaires et inséparables : Zarco, figure impossible de l'amitié, et Tere, figure impossible de l'amour. Ce trio infernal va traverser une série d'épisodes douloureux, porté par son irrésistible propension à la chute.
Ce roman de Javier Cercas fait preuve d'une écriture brillante, parfois incisive, parfois rondement développée, mais qui n'oublie jamais la raison d'être de l'intrigue : l'écriture, la figure même de l'auteur. le récit est en effet porté par la reconstitution de l'histoire de Zarco par un écrivain. C'est ce double jeu entre l'invention d'une histoire et sa transcription qui rend les personnages de Javier Cercas si réels et si attachants.
Lien : https://collectifpolar.com/
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Ici, vous est raconté l'histoire de Zarco, délinquant des années post franquiste, qui reste pour l'Espagne et la Catalogne, une sorte de légende, une sorte de robin des bois venant des quartiers pauvres.
Cette histoire nous est racontée par Canas, avocat connu et reconnu, sous forme d'entretiens en vue de l'écriture d'un livre sur la véritable histoire de Zarco.
Pourquoi demandé à cet avocat de livrer ce qu'il sait sur ce délinquant? d'abord parce qu'il a été son ultime avocat, mais surtout parce qu'il a fait partie de sa bande lors de l'été 1978.
On découvre alors l'histoire des ces adolescents, à l'aube de leurs vies, et on se questionne sur ce qui fait qu'on choisit une route plutôt qu'une autre.
Il y a bien sûr une partie de ce que la vie nous donne à la naissance, mais il y a aussi les choix que l'on fait, et pourquoi on les fait.
Roman initiatique du passage de l'adolescence à l'âge adulte, Javier Cercas, nous offre une réflexion sur la part de déterminisme de nos vies. Mais aussi sur cette Espagne qui se redécouvre après des années de dictature.
Un premier livre de cet auteur pour moi et certainement pas le dernier.
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Adolescents, ils grandirent avec le feuilleton La frontière bleue, version asiatique de Robin des bois. Lin Chung, le justicier et sa compagne Hu San-Niang se rebellaient contre le méchant favori de l'empereur Kao Chiu. Une rivière, le Liang Shan Po les séparait.
Lorsque Ignacio Cañas , jeune adolescent d'une famille de classe moyenne, brutalisé par Batista traverse la frontière nord est de la ville et y rencontre Zarco et son amie Tere, il a l'impression de rejoindre un clan de justicier. Très vite, il tombe amoureux de Tere, cette jeune femme intrigante et libérée et vénère l'emblématique Zarco.
" pendant trois mois dans mon adolescence, j'ai admiré Zarco – j'ai admiré sa sérénité, son courage, son audace- et je n'ai jamais cessé de l'admirer."Zarco devient très vite une figure médiatique, symbole de la délinquance de cette période de passage du franquisme à la démocratie.
Le récit est en fait celui des interviews d'un écrivain avec Ignacio devenu avocat, l'inspecteur Cuenca qui fut le premier policier à arrêter Zarco et le directeur de la prison de Gérone, Eduardo Requena. Chacun va tenter d'expliquer les liens entre les trois personnages, ce qui les a conduit vers la délinquance et comment ils ont ensuite évolué.
Au-delà de l'histoire de ce trio infernal, l'auteur évoque dans un premier temps les circonstances qui peuvent conduire à la délinquance (quartiers défavorisés, milieu familial, sentiment d'insécurité, drogue) ou l'éviter ( soutien du père d'Ignacio, éducation, classe sociale) puis la machine à broyer du système carcéral et les difficultés de réinsertion.
" Pour lui, la prison était sa maison, alors que la vie en liberté était comme s'exposer aux intempéries."
Devenu avocat, Ignacio retrouve Zarco vingt ans plus tard lorsqu'il est transféré à la prison de Gérone. A la demande de Tere, ou sous l'effet d'une culpabilité résiduelle, il sera le défenseur du célèbre délinquant sur lequel pèsent plus de 150 années de prison.
Malgré un style très linéaire et passif lié à la technique d'interviews, le récit se révèle passionnant. D'ailleurs, il me semble même que ce rythme permet de mieux s'installer dans l'histoire, de disséquer calmement les sentiments des différents protagonistes. Enfin, plutôt tenter de disséquer parce que les personnages de Zarco et de Tere sont suffisament énigmatiques pour ne pas en appréhender toutes les facettes. C'est une merveilleuse façon de me laisser avec cette impression d'avoir écouté une légende, celle de Zarco et Tere.
Je garderai longtemps en mémoire les personnages d'Ignacio, alias le Binoclard, de Tere et de Zarco, l'histoire de cette rencontre improbable qui marque les destins de chacun.
"Vous étiez son dernier admirateur, le dernier compagnon de Lin Chung."
Lien : http://surlaroutedejostein.w..
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Un écrivain veut écrire un livre sur un délinquant légendaire des années 80 et 90 de l'Espagne post franquiste, Zarco. Pour cela, il interview les personnes qui l'ont connu, principalement Ignacio Cañas, l'avocat qui a fait partie de sa bande l'été de ses 16 ans, également le policier qui enquêtait sur cette bande, et le Directeur de la prison locale qui l'a accueilli à une période de sa détention.
« Sauf qu'on n'écrit pas les livres qu'on voudrait, mais ceux qu'on peut ou ceux qu'on trouve, et le livre que j'ai trouvé est celui dont on parle et en même temps il ne l'est pas. (…) Pour le moment, je sais seulement que le livre parlera de Zarco, évidemment, mais aussi ou surtout du rapport de Zarco avec Ignacio Cañas et Tere, ou du rapport d'Ignacio Cañas avec Tere et Zarco. » Et c'est par le biais de la transcription littérale de ces entretiens, constituée des souvenirs précis de ces trois personnages, sans autre forme narrative, que nous est livrée l'histoire de Cañas et de son rapport avec Zarco et avec Tere, « la plus belle femme du monde ».
C'est donc un livre en forme de livre qui ne s'est pas encore écrit, un livre « oral », qui correspond bien au personnage de Cañas qui a tenté d'écrire ses mémoires mais n'y est pas parvenu, plus à l'aise à l'oral.
C'est un livre qui montre admirablement le difficile exercice de la mémoire qui se veut la plus objective possible, quand alors on ne savait pas ce que l'on a appris par la suite et qui pourrait influencer notre perception des évènements antérieurs. L'auteur fait avouer à Cañas qu'avec le recul il n'a pas davantage compris avec certitude tout ce qui s'est joué cet été-là et par la suite, qu'il ne peut qu'émettre des hypothèses, qu'il restera avec ses doutes le reste de sa vie, et je trouve que c'est une belle leçon d'honnêteté et d'humilité. Je rejoins la belle critique de @Latina, la phrase clé de ce roman est « Même si c'est rassurant de trouver une explication à ce qu'on fait, la plupart de nos actes n'ont pas qu'une seule explication, à supposer même qu'ils en aient une ».
Un livre d'une grande sensibilité malgré les thèmes sous-jacents (délinquance, prison, drogue), car ce sont les rapports humains qui priment.
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Que l'on soit d'un côté ou de l'autre de la rivière Ter à Gérone, les lois ne sont pas les mêmes. D'un côté, la classe moyenne, les fonctionnaires, la bourgeoisie et de l'autre les bas quartiers. 1978, Antonio Gamallo, alias Zarco, est un petit caïd, chef d'une bande de voyous, de petites frappes, vivant de vols à l'arraché, de vols à la tire (dans les deux sens) et de braquages de pompes à essence et de banques. Zarco devient un mythe et c'est à travers les entretiens avec Ignaccio Cânas, le Binoclard, membre malgré lui de la bande et devenu par après avocat ; de l'inspecteur Cuença qui a arrêté Zarco et du directeur de la prison de Gérone qu'un écrivain va écrire un livre sur Zarco. C'est le roman de l'ambiguïté disent les Editeurs et c'est bien de cela qu'il s'agit : ambiguïté des rôles, des relations, des personnages, de la presse, des médias… J'ai tout aimé dans ce récit : les personnages, leurs histoires, leurs relations, leurs sentiments, l'atmosphère et je me suis mis dans la peau de l'écrivain, personnage qui écoute, qui prends note et compare les versions des uns et des autres. Un très bon moment de lecture.
Lien : http://leoalu2.blogspot.com
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