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Citations sur La naissance du français (17)

Depuis quand parle-t-on français ?

Comme le disait avec humour Vendryes, le français est le latin parlé, actuellement, dans la région qui est aujourd’hui la France. Et l’on pourrait dire que l’on n’a jamais cessé de parler latin. Toutefois, l’accumulation de traits nouveaux apportés au latin a produit un idiome qui, aux yeux du savant comme du commun des mortels, est tout autre. On peut se demander, dès lors, en quel point de cette évolution les deux idiomes se disjoignent.
Cette question du continu et du discontinu est une des apories de la linguistique historique. Très influencée par le néolamarckisme ambiant, cette science de l’évolution des langues s’est naturellement coulée dans le transformisme : les langues évoluent comme les espèces, héritent des modifications acquises, se distinguent par spéciations successives. Conception organiciste de la langue, dont le destin, par suite, est celui de tous les êtres vivants. Métaphore des sciences naturelles, cependant, qui bute sur la complexité intrinsèque de la langue, et tout particulièrement sur la difficulté à définir les traits pertinents du processus évolutif. Dans la langue, point de branchies, de nageoires ou d’ailes, éléments au sein d’un système organique, mais des domaines (syntaxe, lexique, sémantique, etc.) hétérogènes, complexes en eux-mêmes, et ayant leur propre historicité.
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Depuis quand le français existe-t-il ? Depuis le jour où son altérité et sa spécificité, dues à son développement interne, sont reconnues et désignées. Du jour que celles-ci sont utilisées consciemment, dans un but de communication, dans une relation de pouvoir, et que cet emploi prend la forme du savoir, c’est-à-dire l’écriture. Depuis quand parle-t-on français ? Depuis qu’on l’écrit.
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[A propos de La formule de Soissons]

Un poème latin, conservé dans le Psautier de Soissons, exécuté à la fin du VIIe siècle, ajoute au nom de Charlemagne et de son épouse tu lo juva (« Dieu protège-le »), forme traditionnelle sans doute d’ovation populaire et sans doute la plus ancienne phrase conservée en français.
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[La grammaire historique] est pensée de l’origine, d’une origine parfaite et regrettable ; pensée essentiellement mélancolique, elle ne peut faire deuil du moment primordial. La thèse de la copie comme dégénérescence, qui fonde la philologie, présuppose un original sans faute : l’auteur n’a pas droit au lapsus.
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[A propos des Les Gloses de Reichenau]

Préparé à la fin du VIIIe siècle ou au tout début du IXe dans le nord de la France, […] il contient environ 1280 gloses interprétant des termes de la Vulgate, traduction latine officielle de la Bible, que saint Jérôme donna autour de l’an 400. On voit, au passage, l’évolution de la langue latine, devenue langue romane puis protofrançais, puisque, quatre siècles passés, one ne comprenait plus parfaitement la langue de saint Jérôme […].
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La question des origines

Rédigeant les premières lignes d’une monumentale Histoire de la langue française, Ferdinand Brunot ne veut « retenir pour le moment que ce seul fait primordial : le français est du latin parlé » (t. I, p. 16). Fait primordial et fondateur, certes, énoncé simple et bref tel un axiome, déclaration enfin d’une évidence qui frise la banalité. Que la langue française provienne du latin, nul n’en doute aujourd’hui, et moins que tout autre les défenseurs de l’enseignement du latin, et les candidats aux concours d’orthographe. C’est oublier qu’un tel savoir, devenu connaissance assurée mais tiède, cadre mental diffus, est des plus récents, que son apparence naturelle possède une histoire. Si la linguistique historique du français est une discipline scientifique, et si tel est son axiome, il convient d’examiner la constitution, lente il est vrai, mais exemplaire de cette science.
Les acquis, tenus pour définitifs, sont clairement énoncés par Brunot (t. I, p. 15) :
« Le français n’est autre chose que le latin parlé dans Paris et la contrée qui l’avoisine, dont les générations qui se sont succédé depuis tant de siècles ont transformé peu à peu la prononciation, le vocabulaire, la grammaire, quelquefois profondément et même totalement, mais toujours par une progression graduelle et régulière, suivant des instincts propres, ou sous des influences extérieures, dont la science étudie l’effet et détermine les lois. »
L’origine (« le français n’est autre chose que le latin… ») fonde, on le voit, le discours scientifique tenu sur l’évolution de la langue…
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Un monument politique

Amateur de langues, de grammaire et de beaux textes, Charlemagne devait avoir un penchant pour les signes et les symboles. Au soir de Noël de l’an 800, une date bien ronde, il est à Rome, et exprime le souhait d’assister à la messe de minuit, célébrée par le pape. À la fin de l’office, ce dernier est prié de poser sur la tête de Charles une couronne, que l’on produit à cet effet : Charles est empereur, oint de la main du pape. Une main, il est vrai, qu’il a quelque peu forcée : Alcuin devra rédiger une belle lettre d’excuses, et Sa Sainteté voudra bien pardonner ce bonapartisme avant la lettre. L’opération avait été menée promptement, et l’affichage politique était des plus clairs : Noël signifiant l’adhésion à la modernité culturelle que représentait le christianisme, le pape comme allégeance, doublée de protection paternelle (qui se fera de plus en plus pressante), envers l’Église en tant qu’institution ; Rome enfin symbolisait la continuité rêvée avec le monde antique. Et il fallait bien de l’audace à ce Franc, pour tenter de faire briller à nouveau en Occident le flambeau qu’avaient tenu Auguste, Trajan, Marc Aurèle et Constantin…
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Exemplaires, donc, les Serments de Strasbourg. Ces quelques lignes tracées sur un parchemin marquent la naissance du français ; elles annoncent celle de deux Etats rivaux et plus tard de l’Europe des langues ; elles donnent à lire le lien fort de la langue et du politique ; elles montrent le rôle de l’écrit, et de ses professionnels, dans la constitution d’une langue nationale. S’ils n’existaient pas, il conviendrait promptement de les inventer. C’est d’ailleurs peut-être ce que Nithard a fait.
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À l’entrée de l’admirable exposition "En français dans le texte. Dix siècles de lumière par le livre", qui permit à la Bibliothèque nationale de France de faire briller de tous leurs feux parchemins enluminés, éditions rares et brouillons célèbres, on pouvait apercevoir, déposé sobrement dans la première vitrine, un manuscrit dépourvu de tout intérêt. De facture ordinaire, sans ornement, comme on en copia tant entre les IXe et Xe siècles, ce volume contient en effet une chronique carolingienne, qui relate les démêlés sanglants des fils de Louis le Pieux. La question ne semble guère d’actualité ; la chronique, de plus, est en latin. Les commissaires de l’exposition ne s’étaient cependant pas trompés, et n’égaraient pas leur public. Car si l’on se penchait sur le folio exposé, on pouvait distinguer, guidé par l’annotation marginale qu’une main charitable (mais fâcheuse pour le parchemin) déposa dans le courant du XVIe siècle, quelques lignes qui n’étaient point du latin. Au visiteur patient, et francophone, leur déchiffrement procurait une émotion singulière. Car s’épelaient ainsi, s’opposant au bloc massif de l’écrit latin, quelques mots, quelques phrases de ce qui allait devenir le français.
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La naissance du français, c’est-à-dire le passage à l’écrit, solennel et monumental, de la langue maternelle romane est d’abord une affaire de famille. Et comme on peut s’y attendre, le cercle de famille se déchire à grands cris : conflits violents, rupture des alliances, explications confuses. Rien que de très habituel, sans doute, si les débats n’avaient en l’occurrence un enjeu de taille : le destin du vaste empire constitué par Charlemagne.
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