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Critique de keisha


Ne riez pas! L'on a pu apprendre dans les journaux (à l'époque) que le capitaine Prieur avait été rapatrié, parce qu'il commençait une grossesse. "Le capitaine Dominique Prieur était enceinte.". Ou bien le ministre des sports, qui était enceinte, n'a pu sauter en parachute comme prévu." (le monde du 16 octobre 92, à propos de Frédérique Bredin).

Bernard Cerquiglini suit l'affaire de la féminisation des mots depuis un certain temps, et c'est avec humour qu'il rappelle l'évolution des dernières années, en particulier la résistance de l'Académie française. Un feuilleton assez franco-français, puisque les francophones non français se posent moins de questions, et les québécois, en particulier, entourés du monde anglophone, se défendent et font preuve d'une belle inventivité. Il semble qu'on soit sur le bon chemin.

Des linguistes belges rappellent d'ailleurs qu'on peut féminiser intuitivement tous les substantifs animés humains du français, et citent des exemples, avoué, bourgmestre, échevin, ministre, etc., avec même des noms fictifs, tels calefrier, chapporé, ciremel, damilin, filiciste (je parie que vous y arrivez!)

Un chapitre fort gouleyant rappelle comment c'était dans le passé, là où on ne s'embarrassait pas de l'Académie, qui d'ailleurs n'existait pas. La féminisation s'en donnait à coeur joie, ou plutôt, tout ou presque existait, suivant ces règles intuitives.

Puis le masculin est venu établir sa loi, moquant certaines féminisations (pourtant avérées au Moyen âge...) et chipotant pas mal, par exemple on accepte une secrétaire si c'est une employée assez subalterne, mais pas une secrétaire si c'est la perpétuelle de l'Académie...

La langue reflète les moeurs, avec l'exemple d'étudiante, dont le sens aujourd'hui est évident, mais qui au 19ème siècle, puisque les jeunes filles n'accédaient pas à l'université, désignait plutôt les petites copines des étudiants.

Certaines prises de position datant de peu d'années semblent ahurissantes, mais la langue est vivante et refuse les carcans. A vous de plonger dans ce livre vraiment fort intéressant et pas difficile d'accès (l'auteur, citant une fois un truc jargonnant, se permet de 'traduire'; merci à lui). Il reste pas mal à découvrir dans ces pages si riches et amenant à la réflexion. Perso, je ne sais si je dis auteur, auteure ou autrice?

Citons une partie de la conclusion
"Il est urgent que l'instance chargée du magistère de la langue rappelle que l'historie du lexique des métiers et fonctions fut marquée d'un resserrement social; qu'elle prenne acte de la disparition du féminin conjugal [ambassadrice = femme d'ambassadeur] [et pourtant Catherine de Médicis était régente, en tant que mère du roi trop jeune!], témoin d'une époque de minoration de la femme; qu'elle appelle à une féminisation de ce lexique: qu'elle encourage son emploi, se conformant à la distinction réaffirmée entre le spécifique particulier, désignant une personne, et le générique signifiant une fonction (une académicienne occupera un jour les fonctions de chancelier de l'Institut); qu'elle souligne par là même la richesse de l'expression linguistique (offrant plus de nuances, par exemple, qu'une abréviation à finalité inclusive);qu'elle se montre bienveillante envers les formes anciennes (écrivaine) pu néologiques (magistrate) formées dans les règles; qu'elle fasse preuve d'un peu d'audace en acceptant le commode suffixe francophone -eure. Au passage, quelle gratifie enfin le ministre d'une âme soeur."

ainsi qu'un passage sur l'écriture inclusive
"Nous recommandons la réduplication, c'est à dire l'explicitation lexicale (et non abréviative)de la mixité d'un groupe humain.Mais -et cette restriction nous paraît capitale - seulement quand une telle explication est requise ou souhaitée. En d'autres termes, le bon usage ainsi que la communication performante requièrent de faire diffuser dans un train le message : 'Tous les voyageurs sont priés de descendre.' Les formulations 'Tous les voyageurs et toutes les voyageuses', ainsi que 'Tout.es les voyageur.ses' sont en l'occurrence inappropriées. En revanche, informer que 'les candidats et les candidates passeront une épreuve de lancer de poids' est bienvenu. Où gît la différence? Dans l'intérêt reconnu d'exposer la mixité sexuelle du groupe considéré. Qui en est juge? Celui ou celle qui formule l'assertion , qui doit avoir conscience de l'enjeu et une certaine maîtrise du fonctionnement linguistique. Nous ne nous affilierons donc ni au purisme androcentriste ni au féminisme rudimentaire : nous suivrons la langue, en faisant confiance à ses locuteurs."
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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