Pourquoi ne pouvait-on pas choisir son destin ? Puisque nous étions tous uniques, quel mal y avait-il à définir dès le début le type de vie que l’on souhaitait ? Est-ce qu’avant de naître l’esprit choisissait un mot pour donner le ton à toute notre existence ? Est-ce que j’étais arrivée et j’avais dit « banale », avant de sauter ?
« Vous pouvez vivre la vie de vos rêves. » À grands coups de visualisations ou d’affirmations, on nous promettait des miracles.
J’avais l’habitude de diviser les femmes de l’Upper East Side en deux catégories. Celles qui partent courir dans Central Park avant d’aller travailler parfaitement coiffées-maquillées sur des talons vertigineux sans jamais voir le temps passer ; et les autres, celles qui courent toute la journée, ratent un taxi, cassent un talon et trouvent les journées si longues qu’elles semblent se fondre les unes dans les autres pour leur laisser à peine le temps de respirer – sauf entre minuit et cinq heures du matin.
MAGIQUE : adjectif ; latin magicus, grec magikos. Qui agit d’une manière surprenante. Mot magique. « Le peintre seul et ceux qui savent voir ont accès dans l’espace magique. » Victor Segalen. Synonyme : enchanteur, envoûtant, fantastique, fascinant, féerique.
Je fermai le dictionnaire d’un mouvement sec. À ce jour, aucun de ces adjectifs ne pouvait s’appliquer à ma vie. Enchanteur, envoûtant, fantastique, fascinant, féerique, ruminai-je en triturant mon crayon papier. Si j’arrivais à trouver le contraire du mot « magique », j’aurais la définition de ma vie ; aussi insignifiante soit-elle, il devait bien exister un mot pour la résumer.
Nerveuse, je me creusai les méninges tout en tapotant mon bureau avec la gomme de mon crayon. Mais rien ne me vint.
Je bus une gorgée de café et ouvris à nouveau le Larousse.
Contraire : banal, naturel.
Je déglutis.
Est-ce que ces adjectifs s’appliquaient à ma vie ?
Non.
Ils ne s’appliquaient pas, ils étaient ma vie.