Bon, pour comprendre comment la mère de deux adorables enfants, tout à fait saine d'esprit, peut sérieusement envisager de confier sa progéniture tant aimée à un type inconnu, sans doute plus à l'aise à charrier des sacs de cinquante kilos de ciment qu'à réchauffer un petit pot au micro-ondes, il faut revenir quelques temps en arrière, et, tant qu'on y est, que je raconte un peu ma vie.
Oui,je comprenais Je comprenais qu'une fois de plus Elias m'avait menti.Ce que j'ignorai cependant,et ce que je voulais par-dessus tout savoir,c'était pourquoi.
Là, c'était différent. Déjà, on était pas dimanche. Puis elle était très bien cette salle à manger : spacieuse, bien éclairée. Certes, les meubles étaient plutôt moches, construits en bois sombre avec des pieds torsadés, dans le plus pur style « rococo ». (Devinez qui avait tenu à les choisir, arguant un goût sûr pour les « belles choses » que j'étais loin, selon lui, de posséder?) Pour autant, je n'avais pas envie de me priver de l'usage de cette jolie pièce à cause du fantôme de l'autre disparu qui trônerait en bout de table, occupé à distribuer ailes, cuisses et blancs de poulet jusqu'à la nuit des temps ! Ce serait lui faire trop d'honneur.
Alors que je tentais mentalement de lui enfiler son costume en lin, un raclement de gorge de tante Lulu me ramena aussi sec à la réalité.
Car ,en dehors de son caractère énigmatique,il avait réussi,par sa seule présence,à insuffler des couleurs jusqu'alors inconnues au quotidien de ma petite famille.
Ainsi,il y avait unanimité dans la maisonnée :Elias faisait l'affaire,et moi, la mère poule,il était grand temps que je me détende une bonne fois pour toute.
Curieux,car Elias possédait une personnalité difficile à cerner:d'une bienveillance à toute épreuve,doux et prévenant,il aurait pu faire figure de gendre idéal auprès de n'importe quelle belle-mère.Il était cependant impossible d'aller au -delà de cette jolie façade lisse.
L'"entretien d'embauche"dura finalement une grosse heure pendant laquelle tous les aspects du baby-sitting furent passés au crible.