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EAN : 9782746760967
280 pages
Autrement (26/01/2022)
4.25/5   4 notes
Résumé :
Loin des espoirs suscités par la chute du mur de Berlin, le début de notre siècle dessine un horizon politique largement assombri par l'échec des révolutions citoyennes et la montée en puissance des populismes, sur fond de crise des démocraties. Partout - des pays arabes à l'Europe en passant par le continent américain -, le rendez-vous annoncé des peuples avec eux-mêmes est manqué. Notre monde est-il entré dans une phase de régression démocratique, aux antipodes de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dans un monde où l'actualité est gouvernée par l'immédiateté, le sensationnel et parfois le futile, il est bon de prendre le temps... de prendre de la hauteur. Je remercie Babelio et les éditions Autrement de m'offrir l'occasion de cet envol salutaire avec cette Masse Critique.

En effet, Jean-Paul Chagnollaud et Pierre Blanc sont deux auteurs spécialistes en géopolitique et particulièrement du monde arabe, et sont donc bien placés pour brosser le portrait des différentes révolutions populaires, notamment celles qu'on a appelé printemps arabe. Mais ils ne se contentent pas de s'intéresser à leurs territoires de prédilection et étendent leurs analyses sur les mouvements ayant enflammé certains pays d'Europe de l'Est (Biélorussie et Ukraine), d'Asie (Hong-Kong)... mais aussi en France ou en Espagne avec les mouvements des Indignés ou des Gilets Jaunes. A travers les caractéristiques relevées, il s'agit de comprendre ce qui a fait que les espoirs nés de ces soulèvements populaires n'ont pas porté les fruits espérés dans des pays qui ne rêvaient pourtant que de lendemains qui chantent (on en a malheureusement connu d'autres)...

Ce qui est particulièrement intéressant, c'est bien sûr la mise en perspective avec la montée dans le même temps des nationalismes (soulignée par le sous titre du livre), le plus souvent porté par des leaders populistes, là encore dans des pays du monde les plus divers (Trump aux Etats-Unis, Bolsonaro au Brésil, Modi en Inde, Poutine en Russie, Orban en Hongrie, Xi Jinping en Chine). Là encore, c'est le peuple qui est "convoqué" à servir de base et de justification à une action politique. le leader charismatique se fait la voix du peuple, apparemment contre tous les représentants politiques traditionnels qui voudraient lui voler son pouvoir... La démocratie semble avoir du mal à incarner correctement ce pouvoir populaire pour que celui-ci cherche sa solution dans des mouvements insurrectionnels ou en donnant sa voix à des leaders charismatiques s'affichant comme "anti-système".

Le constat général n'est pas des plus rassurants, loin de la "fin de l'Histoire" envisagée par Hegel et annoncée comme arrivée en 1989 par Francis Fukuyama. Une fin des guerres dans une humanité apaisée, on aurait tant aimer y croire vraiment, mais l'actualité toute récente ne peut qu'apporter de l'eau au moulin de nos deux auteurs, entre une élection présidentielle française qui voit le populisme sérieusement envisagé comme un recours par bon nombre de Français et le spectre d'une troisième guerre mondiale resurgir. le livre conclut d'ailleurs sur l'affrontement presque inévitable entre vieilles démocraties dépassées et nouveaux régimes autoritaires, positionnées sur des logiques opposées.

Alors que le livre est vraiment brillant dans l'état des lieux dressé et m'a clairement permis de mieux comprendre les récents soubresauts de l'Histoire (elle ne se décide vraiment pas à finir celle-là, elle a de beaux restes), la déception vient du côté des solutions envisagées, qui ne sont pas révolutionnaires (puisque les auteurs nous démontrent à quel point les nouvelles révolutions populaires sont quasi vouées à échouer et à être récupérées ou réprimées). Régulation de l'économie mondialisé, lutte contre les pauvretés, rien de nouveau sous le soleil, surtout quand les auteurs semblent estimer que c'est Joe Biden qui pourrait incarner ce renouveau... On a beaucoup de mal à s'enthousiasmer, eux-mêmes pointant d'ailleurs certaines erreurs du tout nouveau président américain...

Autre petit bémol, alors que certains passages sont assez bien écrits, on relève à plusieurs reprises des fautes dans la syntaxe ou des phrases lourdement construites qui font un peu tâche dans l'ensemble et justifient ma demi-étoile en moins.

Reste un ouvrage vraiment complet sur le sujet qu'il se propose d'aborder et qui ne se voile pas la face sur les difficultés à venir. Essentiel au moment où nous serons tous prochainement confrontés à des choix cruciaux, enfermés dans nos isoloirs, seuls face au défi de ce monde de demain à construire... Pauvres de nous...
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Livre d'Histoire contemporaine limpide et passionnant. de prime abord on pourrait imaginer que le postulat sera négatif : le rendez-vous manqué des peuples ! Ceux- ci échoueraient donc là où nous avions pensé qu'ils avaient gagné (en 36 avec le front populaire puis en 44 avec le CNR et sa batterie d'avancées sociales et politiques ). Mais il n'est plus question d'analyser le passé, c'est à dire le 20eme, sinon celui très proche, début 21eme, et de définir des concepts galvaudés . En effet, les deux auteurs- chercheurs font l'analyse des sociétés contemporaines à travers la définition de grands concepts historiques, voire philosophiques: qu' est-ce qu'un peuple ? que sont une nation et le nationalisme ? que sont le populisme ? la révolte ? une révolution ? voire une révolution citoyenne ? le communautarisme ? l'autoritarisme ? et enfin, où le monde en est-il de la crédulité et de la manipulation des peuples ?

Vous l'aurez compris à la lecture de ces quelques indices que la Russie et l'Ukraine, actuellement sous les feux de la triste actualité, servent de cas empiriques pour expliquer comment, dans ce premier quart 21 ème, l'autoritarisme, le populisme et le nationalisme ont prospéré, proliféré tels des "armes de destruction massive", liberticides. Un glyphosate ruinant la démocratie et le vivre ensemble. Les deux auteurs passent au scanner les pays qui ont, sont, ou vont probablement basculer dans ces régimes populistes, autoritaires: Usa, Turquie, Syrie, Chine, Russie, Biélorussie, etc..mais aussi quelques pays d'Europe dont la France qui est sur la ligne jaune.
Certains mouvements révolutionnaires sont morts dans l'oeuf car personne n'a pu les fédérer, par exemple le Liban ou Hong-Kong. D'autres pays sont tombés aux mains des populistes (USA, certains pays d'Europe ...) suite à la crise 2008/09 accompagnée de nombreuses répliques et dont nous ne nous sommes jamais relevés....
D'autres encore ont accepté en temps de révolution d'avoir un leader mais celui-ci, pour contenir le peuple et installer un pouvoir, n'a pas hésité à recourir aux idéaux populistes et à l'autoritarisme (nombreux pays du Moyen Orient).

Il est difficile de synthétiser en quelques lignes ce livre foisonnant, précis, à l'écriture soignée.
Je souhaite cette lecture aux passionnés d'Histoire contemporaine, aux étudiants, sinon aux personnes qui souhaitent nourrir leurs connaissances sur le monde actuel.

Pour finir, un grand merci à Masse Critique Babelio qui m'a offert l' opportunité de me plonger dans ce livre instructif.
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C'est un livre qui commence "piano" puis l'intérêt s'installe rapidement. Ce livre a le mérite, souvent rare, de rendre un sujet facilement compréhensible pour ceux qui ne sont pas du domaine. Et pourtant... c'est très simple et clair.

Le premier chapitre essaye de définir ce que c'est le "peuple", un concept pas forcément trivial. Qu'est qui fait que le peuple ait envie de changement ? Ce ne sont pas des idéologies, le communisme, le libéralisme, etc. Rien de tout ça. Ce qui donne envie de changements sont les souffrances, les humiliations. C'est le sujet du deuxième chapitre.

Une définition préalable des populistes se fait nécessaire. Ce sont ceux qui s'adressent directement au peuple, contestant et dénigrant le pouvoir en place avec des mensonges ou demi-vérités et rappelant au peuple que dans une démocratie c'est le peuple qui décide. A cela s'ajoutent souvent des promesses intenables qui ne seront, la plupart du temps, pas honorées s'ils arrivent au pouvoir. Comme le dit bien Alexander Hamilton dans une citation, "ils commencent comme démagogues et finissent comme tyrans". Quelques exemples cités : Trump, Bolsonaro (il faut ajouter Lula), Victor Orban, ... En France, on trouve, en tête et dans les extrêmes politiques, le Pen et Mélenchon.

Ce qui est intéressant dans ce livre est le découpage selon une typologie : révolte et révolution citoyenne et partisane.

Au contraire des révolutions, une révolte n'a pas pour but de renverser le système en place mais juste d'alléger les souffrances. Aussi bien les révoltes et les révolutions citoyennes relèvent d'une manifestation spontanée du peuple et, de ce fait, n'ont pas, à priori, de leaders.

Les révolutions partisanes ne font pas partie du contenu mais l'auteur en donne quelques exemples rapidement : la révolution russe de 1917 ou celle de Cuba.

Une faiblesse, qui peut devenir une vulnérabilité, des mouvements citoyens (révolte ou révolution) est le manque de leader. le cas des des Gilets Jaunes est exemplaire puisque aussi bien Jean-Luc Mélenchon (LFI) comme Marine le Pen (RN) se sont rangés de leur côté pour faire une récupération politique et transformer un mouvement citoyen en mouvement partisan.

Le cas du "printemps arabe", une révolution citoyenne, est différent. Des laïcs et des musulmans partageaient l'objectif de renverser la dictature de Ben Ali mais ils ne voyaient pas le même avenir. Une situation similaire a été celle de l'Égypte.

En effet, chaque cas est particulier, mais le cadre typologique d'analyse facilite beaucoup la compréhension des différents pays et les raisons de leurs échecs.

Le Brésil, un pays que je connais assez bien, et qui n'est toujours pas "tombé sur ses pattes", mérite un mot. Juste après la révolution cubaine de Fidel Castro, il y a eu une série de révolutions en Amérique Latine dans le but d'implanter le communisme. Des révolutions financées par l'URSS avec des guérilleros dont le plus connu était Che Guevara. Dilma Rousseff en faisait partie. Ces guérilleros ont été entraînés en Cuba pour la lutte armée. Il y a eu une contre révolution des militaires pour éviter le communisme. Bien ou mal, ce n'est pas mon propos ici. Toujours est il que cette gauche de Lula et Dilma Roussef sont revenus au pouvoir 40 ans après. Cette gauche n'a été renversé que à cause de la corruption mise en place pendant le gouvernement de Lula. C'est grâce à cette corruption que Bolsonaro, politicien populiste et médiocre a été élu. A la fin de l'année les brésiliens auront à choisir entre le retour de la corruption de Lula ou l'ignorance de Bolsonaro. Ce que je veux dire est que, 60 ans après, ils ne sont toujours pas "sortis de l'auberge" et continuent à rater leur rendez-vous.

Juste un mot encore sur Lula. Au contraire de ce que dit Mélenchon et Anne Hidalgo, qui lui a attribué le titre de citoyen parisien, Lula n'a pas été blanchi de ses accusations. Un magistrat de la suprême cour, mis en place par Dilma Roussef, a décidé de façon monocratique que l'instance qui a condamné Lula n'était pas compétente, il aurait dû être jugé à Brasília et pas Curitiba. Donc tous les procédures ont été annulées et, entre temps, les crimes dont il était accusé ont été prescrits.
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Il est difficile de lire ce rendez vous manqué, le jour où un dictateur décide d'envahir un pays. Avec la révolution orange en 2004, l'Ukraine avait réussi à sortir des griffes du grand prédateur voisin. le 24 février 2022, le grand manitou russe a entrepris de reprendre la main sur un peuple qui avait réussi à réinstaurer la démocratie.
L'avenir nous dira si c'est les derniers soubresauts d'un régime agonisant ou au contraire le retour de la guerre froide et notre échec à construire un monde nouveau et meilleur.
Ce livre aborde tous les conflits récents avec leurs histoires à travers le monde entier, dans la perspective de nous dévoiler ce qui les relie.
Au cours de cette lecture, nous plongeons dans un désarroi profond face à la démonstration qui nous est offerte démontrant la fragilité de nos démocraties et notre responsabilité dans ses processus de fragilisation si nous laissons faire et ne tirons pas les sonnettes d'alarme qui restent à notre disposition.
Il est temps de prendre en main notre avenir et surtout l'avenir de nos enfants pour que la belle idée de démocratie, de « liberté, égalité, fraternité » est encore un sens demain et n'en garde pas seulement l'apparence.
La tâche est urgente .. puisse la lecture de ce livre nous ouvrir les yeux …
Merci à la dernière masse critique pour la découverte de ce texte.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
On veut oublier les désillusions profondes que nombre de mouvements révolutionnaires ont provoquées pour espérer, encore et toujours, que la révolution qui vient sera enfin conforme aux aspirations qu'elle porte ou, du moins, qu'on veut croire qu'elle porte. Cet espoir est le sentiment le plus fort qui emporte tous les autres dans ces situations où se joue le destin d'hommes et de femmes aux prises avec un moment crucial de leur histoire.
Comment ne pas croire en un avenir meilleur pour un peuple longtemps ignoré et humilié ? Comment ne pas penser que le temps de sa liberté est enfin venu ? Comment dès lors ne pas soutenir une révolution ?
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(p.241 - chap Vérités, Mensonges et crédulité)

Plus complexe est la relation entre vérité et opinion. Dans cette configuration, la vérité peut être fragilisée car, à trop la relativiser, on risque de la dissoudre. Le glissement s'opère par le jeu des opinions qui se substituent à la vérité. Au lieu d'essayer de constater un fait, on décide de s'en faire une opinion en dénaturant sa matérialité objective pour autant qu'il en ait une. On glisse ainsi dans des logiques moins contraignantes que le rapport à la vérité puisque les processus de validation ne sont pas les mêmes. La vérité relève de la coercition puisqu'on est, en principe, bien obligé de la reconnaître, alors que l'opinion s'appuie sur la persuasion pour convaincre. À la complexité de la recherche de la vérité, on répond par la simplicité de l'élaboration d'une opinion. Puisque les faits peuvent être interprétés, chacun peut prétendre avoir sa propre analyse, au moins jusqu'à un certain point.
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La nation est la représentation par excellence d'une identité collective. Pour le meilleur, car elle a permis la création d'institutions et le développement de mécanismes de solidarités. Pour le pire aussi car, en s'enflammant en un nationalisme agressif, cette représentation alors exaltée a provoqué nombre de tragédies.
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(p. 192)
La nation est la représentation par excellence d'une identité collective. Pour le meilleur, car elle a permis la création d'institutions et le développement de mécanismes de solidarités. Pour le pire aussi car en s'enflammant en un nationalisme agressif, cette représentation alors exaltée a provoqué nombre de tragédies. Rappelons, ici, la belle formule du théologien et médecin Albert Schweitzer : "Le nationalisme, c'est un patriotisme qui a perdu sa noblesse". Autrement di, selon le général de Gaulle : "Le patriotisme, c'est l'amour de son pays. Le nationalisme, c'est détester celui des autres".
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En étant soumis à un ciel de plus en plus lourd et capricieux, les peuples doivent (re)découvrir qu’ils sont liés les uns aux autres. Mais entre cette perspective souhaitable et le moment où une défiance, voir une sorte de guerre froide entre régimes politiques fait rage, démocraties versus autoritarismes, combien de temps faudra-t-il encore attendre ?
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"Il faut que ça change !" : la diplomatie française à l'égard d'Israël, par Jean-Paul Chagnollaud .https://www.franceculture.fr/politique/il-faut-que-ca-change-la-serie-videoJean-Paul Chagnollaud répond à Camille Renard.
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