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Critique de AMR_La_Pirate


Je remercie Lily Chagnon, auteure québécoise, qui me confie son livre dans le cadre d'un Service de Presse. Sa confiance me touche. La Prophétie est le premier tome d'une saga intitulée le Coeur de l'Oealys ; le tome 2, La Nouvelle Reine devrait sortir en 2018.
Dès le prologue, je salue la fluidité de l'écriture, soutenue, élégante, déjà addictive et, surtout, à la première personne, un JE introspectif, volontaire et déterminé. Une orpheline, une prophétie, un destin et d'étranges pouvoirs…, le parcours de l'héroïne, Catherine Dubois, également nommée Catherine Claire de Balec, s'annonce conforme aux topos du genre. Je suis curieuse de lire comment Lily Chagnon va revisiter cette trame à la fois prévisible et pleine de promesses.

Les premiers chapitres s'articulent autour du thème de l'exil, de la solitude de Catherine qui a tout perdu et doit trouver ses marques au sein d'une famille que sa mère avait dû quitter, une famille pas forcément accueillante d'autant plus qu'un danger semble lié à sa présence parmi eux, à son retour aux sources… Passé et présent se mêlent de manière originale dans la narration ; cela vient surtout des étranges facultés de l'héroïne. Par contre, les divergences d'opinions des membres de la nombreuse famille donnent lieu à des discussions qui s'étirent parfois un peu trop en longueur, de même que les jeux entre Catherine et sa nièce Amélia… Les chapitres dits d'exposition s'éternisent peut-être un peu trop…
Les facultés particulières de Catherine sont originalement décrites par des retours en arrière, mêlant passé et présent, notions manichéennes et secret ; certaines scènes, dont l'accouchement difficile de Désirée, sont réalistes et surnaturelles à la fois et particulièrement bien construites. Malgré les longs développements, les personnages très travaillés conservent toujours une part de mystère qui tient en haleine. Lily Chagnon piège ses lecteurs en donnant l'impression de beaucoup dire alors que subsistent toujours des zones d'ombres. Je me suis vite sentie partagée entre cette grande abondance de détails et la longueur du récit et mon désir d'en savoir plus, de comprendre et de poursuivre ce parcours initiatique.
L'intrigue se met en place avec lenteur et ampleur. le roman met du temps à démarrer vraiment et nous installe dans une routine qui risque de se révéler un peu ennuyeuse.

Le récit est construit autour de très beaux portraits de femmes, sur fond de danger et de désir d'émancipation et de liberté. Les femmes ont un rôle essentiel dans ce monde moyenâgeux, mais une place effacée et discrète dans les trois-quarts du livre. La différence est mise en lumière, dans sa richesse et sa vulnérabilité mais cela prend du temps. La sphère privée à l'intérieur de la maison appartient aux femmes de la famille tandis que les hommes sont éloignés par des activités extérieures, car le Coeur de l'Oealys est avant tout une histoire de femmes et d'intimité féminine ; une grande place est accordée aux dialogues, aux atermoiements et aux tergiversations ; des péripéties typiquement féminines comme la préparation des toilettes pour le festival annuel, les accouchements, sont récurrentes et répétitives.
L'Inquisition décide du bien et du mal ou plutôt voit le mal partout tandis que Catherine ne songe qu'au bien d'autrui. La chasse aux sorcières est revisitée de manière originale. La question de la religion est évoquée de manière schématique autour des cérémonies au temple ou bien avec le personnage du père Ambroise qui dénonce des abus qu'il accepte tout en ne les cautionnant pas ; puis une spiritualité plus profonde intervient avec l'évocation des grandes prêtresses du Sanctuaire de la vie.
La nature est omniprésente ; la clairière, lieu des escapades de Catherine et d'Amelia et des rendez-vous avec Paul devient un lieu thématique, hors de l'espace et du temps, une sorte de catalyseur, presque un personnage à part entière, sorte de pendant du Sanctuaire qui viendra plus tard. Les saisons jouent également un très grand rôle, les évènements les plus importants ayant lieu au printemps et en été tandis que les hivers, sont vite racontés, en quelques pages à peine. Peu à peu, le roman devient tellurique, la nature se divinise.

Dans ce livre, j'ai été particulièrement séduite par la qualité de l'écriture de l'auteure. Lily Chagnon a une très belle plume ; elle sait manier la langue, choisir ses mots… la lire est un vrai régal !
Mais c'est un peu trop long… On s'enlise dans la narration, les détails, les sempiternelles sorties à la clairière, par exemple. Je me demande si une division en parties regroupant les chapitres n'aurait pas permis de clarifier un peu le découpage du récit. Personnellement, même si je reprenais toujours ma lecture avec plaisir, j'ai dû m'astreindre à un régime quotidien pour rendre ce service de presse dans les temps ; parvenue à la moitié, j'ai commencé à sauter des paragraphes et à lire en diagonale ; j'ai même fait une chose que je ne fais presque jamais : aller voir la fin... Arrivée au chapitre 19, sur les 39 que compte le livre et qui commence ainsi, " rien n'avait changé et pourtant, plus rien n'était pareil ", j'ai craqué et décidé de partir de l'épilogue pour lire ce roman à rebours jusqu'à ce qu'il se passe quelque chose, quand L'Oealys apparaît enfin au chapitre 28, à plus de la moitié du récit, mais avec une longue description un peu plaquée, comme surajoutée… À partir de là, une dynamique se met tardivement en place.
Il n'est jamais facile de raccourcir son récit, de faire des coupes franches dans ce que l'on a mis du temps à écrire, dans ce qu'on a écrit avec son coeur ou ses tripes, mais cela peut s'avérer nécessaire pour arriver au but recherché. de nombreux passages gagneraient à être allégés pour ne garder que l'essentiel… J'ai bien peur que Lily Chagnon ne perde des lecteurs en cours de route… Je n'ai pas abandonné ma lecture parce que je lis toujours très sérieusement les services de presse… et parce que (je me répète) l'auteure écrit divinement bien, mais cela ne fait pas tout pour donner un bon livre.

En conclusion : un travail certain d'écriture, mais un manque de structure, une trame trop lente… Des personnages attachants, ciselés mais prisonniers d'une routine soporifique. Les pouvoirs particuliers de l'héroïne auraient dû permettre d'aller plus vite dans le déroulement de l'action ; le matriarcat méritait d'être mis en valeur de manière plus dynamique.
Dommage.
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