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Citations sur Dans l'Ombre du Passé (6)

— Devinez le résultat que j’ai obtenu, Émilie ! s’écria-t-elle en s’approchant de la femme entre deux âges qui lisait toujours.
Celle-ci contempla avec curiosité le visage de sa patronne.
— Quelque chose… d’inhabituel ?
— Rien qu’un peu ! Personne. Ne cherche pas. Je vous demande un peu ! C’est la première fois que ça m’arrive.
Émilie regardait avec curiosité la feuille de papier. Son air de dragon, que Richard avait remarqué en arrivant, avait totalement disparu.
— C’est vraiment bizarre, murmura-t-elle. Vous ne croyez pas que c’est… un avertissement ?
— Et pourquoi donc ? Je n’ai jamais eu d’ennuis avec cette méthode, ni avec aucune autre. Je ne vois pas pourquoi j’en aurais cette fois-ci.
— Il y a une autre explication, bien sûr, reprit la dénommée Émilie. « Ne cherche pas » peut signifier que vous trouverez la réponse sans faire la moindre recherche… par hasard.
Alix fit la moue.
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Elle traversa en coup de vent le bureau de la femme qui semblait occuper le poste de secrétaire. Celle-ci leva les yeux du livre qu’elle lisait et la vit ouvrir une petite porte qui donnait sur un petit salon meublé d’une simple table et de quelques chaises. Alix tira les épais rideaux qui encadraient la petite fenêtre et, traversant de nouveau la pièce plongée dans la pénombre, elle s’approcha de la table. Elle alluma une petite bougie, prit un bloc de papier et un stylo, et alla s’asseoir sur l’une des chaises.
Elle poussa un profond soupir, la tête renversée en arrière. Puis elle attendit et ses yeux se retournèrent dans leurs orbites. Une douce torpeur l’envahit lentement. Dans une semi-inconscience, sa main affermit sa prise sur le stylo et se mit à écrire lentement, comme avec difficulté. Un long moment s’écoula. La main s’arrêtait, glissait sur le papier, s’arrêtait encore.
Quand elle eût cessé d’écrire pendant cinq minutes, Alix sembla reprendre conscience, se leva et posa le bloc sur la table. Le papier était couvert d’une écriture fine et serrée. Pourtant, il n’y avait pas grand’chose à lire : la main d’Alix n’avait tracé qu’un mot : Personne, répété sur toute la feuille, sauf vers la fin, où apparaissait une phrase : Ne cherche pas.
Alix poussa un petit cri incrédule, une exclamation de surprise, outrée.
— Ne cherche pas, fit-elle à haute voix. J’aimerais bien voir ça !
Elle souffla la flamme de la bougie, tira de nouveau les rideaux et sortit.
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Pour un peu, Jacques-Henri se serait cru au Paradis. Alors qu’il savourait cet instant de bonheur les yeux clos, dans un demi-sommeil, un bruit à la fois proche et lointain parvint à ses oreilles. On aurait cru que quelqu’un frappait sur de la pierre. Sourcils froncés, le vieil homme chercha à déterminer l’origine et la nature du bruit, en vain. Une vague inquiétude le saisit et il repensa au papier que Mathilde lui avait montré à l’hospice… Non, c’était impossible… C’était un canular… une mauvaise blague ou une horrible calomnie… Ce ne pouvait être vrai, du moins pas chez les Querlays…
« Ô Mathilde, songea-t-il, ma chère tante Mathilde, pourquoi a-t-il fallu que vous me le montriez ? Mes derniers jours sur cette terre… Pourquoi a-t-il fallu que vous veniez les assombrir ? J’aurais tant voulu pouvoir partir en paix… »
Comme le comte arrivait à ce point de ses lamentations muettes, le bruit se tut. Jacques-Henri soupira. L’explication à cet étrange son était sûrement tout à fait rationnelle, mais depuis qu’il avait vu le papier, tout ce qui semblait sortir de l’ordinaire lui apparaissait comme chargé de menaces. Et si c’était vrai ? Si quelqu’un découvrait le fond de l’affaire et faisait éclater la vérité au grand jour ? Aucun Querlays ne pourrait… Plus Jacques-Henri y pensait, plus sa respiration s’affolait…
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— Il y a quelques jours, un homme est venu me trouver. Je ne le connaissais pas. C’était un pauvre vagabond… J’ai pensé qu’il voulait un peu d’argent, mais ce n’était pas le cas. Il voulait me voir pour une affaire sérieuse, paraît-il. Je l’ai écouté et il m’a montré ceci.
Elle tira de son petit sac de soie noire une sorte de portefeuille en cuir qui contenait un vieux papier fripé par le temps, que Jacques-Henri prit avec précaution.
— C’est… C’est de…
Le vieil homme se mit à tousser, tant l’émotion le bouleversait.
— Oui. Lisez… Vite, avant que Richard ne revienne !
Le comte s’exécuta et déchiffra avec difficulté l’écriture que les siècles avaient pâlie.
— Mon Dieu… Comment s’est-il procuré ce papier ?
— Il disait le tenir de son père, qui lui-même le tenait du sien… Il était de la famille de cet homme…
— En effet, souffla le comte. Qu’allons-nous faire ?
— Je ne sais pas… L’homme dont je vous parle n’a accepté de me donner ce papier qu’en échange d’une forte somme d’argent… Je lui ai donné ce que j’ai pu trouver et il est parti… Il ne dira sûrement rien… Mais Richard ne doit jamais l’apprendre.
— Bien sûr… Mais n’est-il pas possible que ce soit un faux ?
— C’est possible, évidemment... Mais pour s’en assurer, il faudrait faire venir un expert et… la vérité serait divulguée… Richard…
— C’est vrai… On ne peut donc rien faire…
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C’était un magnifique portrait, si réussi qu’il en paraissait vivant. Il y manquait pourtant quelques touches.
Regard aigu et mâchoires serrées, l’homme l’observa longuement avec attention, puis ses longs doigts blancs se saisirent d’un pinceau et se mirent au travail.
Au bout d’une heure, une ombre obscurcit le cadre. Le peintre se retourna et vit devant lui le vieillard aux traits tourmentés.
Le vieil homme s’approcha du portrait. Il regarda la toile, appréciant le coup de pinceau du peintre, puis se tourna vers celui-ci et dit en anglais, roulant ses R :
— Je crains, Monsieur Langey, que votre œuvre ne puisse être appréciée à sa juste valeur. Mais, comme vous l’avez sans doute compris, le sang qui a coulé cette nuit ne doit laisser aucune trace.
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C’était un tableau. Un superbe portrait, jugea-t-il en l’observant avec attention dans la pénombre.
Richard souleva avec mille précautions le tableau et l’amena au centre de l’ancienne salle, à un endroit où le soleil perçait un peu plus le feuillage. Là, il détailla le portrait. Il représentait un bel homme de quarante à cinquante ans environ. Brun, l’air hautain, il avait un je-ne-sais-quoi de déterminé dans sa façon de regarder devant lui et d’avancer la mâchoire agressivement. Son visage était naturellement mât mais semblait pourtant pâli. Ses mains avaient quelque chose d’étrange… Elles semblaient trop rouges, comme si une maladie de peau les avait attaquées… Au milieu du cadre, en haut, une inscription à-demi effacée par le temps se noyait dans la peinture sombre : Juhel de Querlays.
Richard frissonna. Le tableau, presque autant que la salle dans laquelle il se trouvait, lui donnait la chair de poule. Lui qui s’enorgueillissait de ne pas être impressionnable, se sentait mal à l’aise face au visage implacable de cet ancêtre dont les yeux peints brillaient, comme si la Vie en personne s’était glissée dans le tableau.
Richard se retourna un instant, persuadé qu’on l’observait. Non, il était seul. Les seuls yeux qui eussent pu le regarder étaient ceux des rongeurs et des insectes qui avaient élu domicile dans les ruines. Pourtant, il y avait dans cette salle plongée dans la pénombre une présence qui l’inquiétait vaguement.
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