Citations sur Enfant de salaud (300)
Mais voilà qu’au second jour de sa plaidoirie, Jacques Vergès s’est vautré dans ce qu’il maîtrisait le plus difficilement au monde : la colère. Il savait les jeux faits. Alors il a donné libre cours au pire. En deux heures, il a saccagé son image de Résistant, d’avocat et d’homme.
(page 300)
Tout va très vite. C’est l’épouvante. Les militaires enfoncent les portes, arrachent les enfants à la table du petit-déjeuner, fouillent la salle de classe, les combles, sous les lits, les tables, chaque recoin, font dévaler les escaliers aux retardataires et rassemblent la cohorte tremblante sur le perron. Pas de vêtements de rechange, ni valises, ni sacs, rien. Arrachés à la Maison dans leurs habits du matin et cernés sur l’immense terrasse. Tous sont terrorisés. Les grands prennent les petits dans leurs bras pour qu’ils cessent de hurler.
(page 20)
Serge Klarsfeld n’avait pas plaidé. Il n’avait pas jeté ses manches vers les moulures du plafond, n’avait usé d’aucun effet de voix. Il avait parlé avec tristesse. Ce n’était plus un avocat. Lui, le gamin qui avait échappé à une rafle, masqué par le mince rempart d’une armoire à double fond. Lui l’historien, le militant, le chasseur de nazis hanté par les enfants juifs d’Izieu, n’avait fait que prononcer leurs noms, 44 noms sanctifiés, l’un après l’autre, récités dans un silence de mort. De mort, vraiment. Le calme noir du tombeau. Et aussi, plus douloureux encore, il avait lu quelques-unes des lettres qu’ils avaient écrites à leurs parents, avant le 6 juillet 1944.
Cette armée d’occupation avait été la tienne. Tu avais eu ces hommes pour camarades et leurs crimes en héritage. Toi, Barbie, tous les autres, traîtres français ou fils du Reich millénaire, aviez été camarades de crime contre l’Humanité.
(pages 194-195)
C’est fini. La femme de 83 ans a redescendu les marches, Jacob, son mari, un soyeux de Villeurbanne, a été fusillé par la Gestapo de Lyon. Son fils Léon, 14 ans, n’est pas revenu d’Auschwitz. Ses filles, Mina 9 ans et Claudine 5 ans, ont été jetées dans le camion d’Izieu.
(page 226)
Fabriquer tellement d’autres vies pour illuminer la sienne. Mentir sur son enfance, sa jeunesse, sa guerre, ses jours et ses nuits, s’inventer des amis prestigieux, des ennemis imaginaires, des métiers de cinéma, une bravoure de héros. Pendant des années, j’ai pensé à sa solitude effroyable, à son existence pitoyable. Cela m’a rendu malheureux.
Une fois de plus, je t’en ai voulu. J’étais blessé. Ta vérité n’avais pas plus de sens que tes mensonges.
(page 234)
Klaus Barbie, signant le télégramme "travail accompli", après l'arrestation des enfants d'Izieu et de leurs accompagnateurs.
Serge Klarsfeld a obligé chacun à baisser les yeux. Il a tassé Jacques Vergès derrière son pupitre. Il a transformé ton visage orgueilleux en figure inquiète et pitoyable.
(page 253)
Au lieu de traîner Barbie chaque jour dans le box et créer un désordre quotidien, il y serait amené contre son gré lorsque sa présence serait nécessaire. Face à ses victimes par exemple. Qui s'étaient interdit de mourir avant d'avoir pu se tenir debout devant lui.