Gros coup de coeur pour ce roman coup de poing et poignant de
Sorj Chalandon tiré d'une histoire vraie, qui raconte l'histoire d'un jeune colon, Jules Bonneau, dit La Teigne, enfermé à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne à Belle-Île-en-mer en 1927 et qui parvient à s'échapper lors de la grande évasion de 1934.
Cette colonie, anciennement un bagne pour communards, devient en 1880 une colonie pénitentiaire pour enfants où échouent des brigands, des vagabonds mais aussi des orphelins et des laisser pour compte de l'Assistance publique. Colonie de l'horreur où sévissent des maltraitances en tout genre, de l'humiliation, à la torture, au viol, à l'asservissement et où les enfants sont exploités.
On est de suite immergée dans cette violence quotidienne, dans la rage qui permet à La Teigne de survivre et d'avancer coûte que coûte.
Et la violence nous la vivons de plein fouet avec une écriture percutante et incisive. Des phrases courtes et bien rythmées qui nous mettent au coeur de l'action. A se demander si l'écrivain lui-même n'était pas « enragé » lors de l'écriture de cette histoire. En tout cas moi je l'ai ressentie au fil des pages.
La Teigne, c'est un jeune enfant de 13 ans, abandonné par sa mère et son père et confié à des grands-parents qui l'abandonnent dès que l'occasion se présente. Ce surnom, c'est son moi rageur, plein de colère, d'amertume, de violence, de haine et qui pour survivre dans cet enfer s'imagine dans sa tête toutes les choses horribles qu'il pourrait faire. Enfermé dans une colonie, enfermé par l'océan qui borde l'île et qui annihile toute idée d'évasion. Et pourtant…
Après 7 années d'enfermement dans ce bagne pour enfants, il réussit enfin à s'évader lors d'une émeute en 1934 et devient le seul enfant non retrouvé. On découvre alors le récit d'une battue où participent matons, habitants de l'île et même touristes, prêts à capturer par tous les moyens les enfants pour une récompense de 20 francs. Une chasse à l'enfant cruelle.
Avec cette évasion, c'est une histoire de rédemption que l'on va vivre au fil des pages.
Ce roman je n'ai pas réussi à le lâcher, il m'a emporté dans un tourbillon d'émotions.
J'ai vécu la rage de Jules, l'injustice, le dégoût pour ces actions commises sur ces enfants, la colère devant la réaction de ces habitants prêt à damner leur âme pour 20 francs, la tristesse devant les destins brisés de tous ces enfants qui sont morts dans ce bagne suite aux sévices ou par suicide. Mais j'ai aussi ressenti de la fierté devant la force et la résilience dont va faire preuve Jules pour échapper à ses démons et de l'amour grâce à ces personnages forts et pleins de compassions qui lui permettront de devenir réellement un homme libre.
La dernière page m'a prise de court et les larmes n'étaient pas bien loin.
Merci à
Sorj Chalandon pour ce roman bouleversant qui m'aura saisi du début jusqu'à la dernière page.
Et merci aux éditions Grasset pour m'avoir permis de le découvrir.