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4,15

sur 1570 notes
J'ai été subjugué et ébloui par cette lecture, je découvre Sorj Chalandon à cette occasion, quelle écriture, quel style !
Pour parler du livre, c'est une lecture qui se situe au niveau de la passion et des émotions, des tripes et du coeur, une quête d'identité en même temps que l'adhésion à une cause de façon inconditionnelle.
Antoine, français et luthier de métier aime déjà l'Irlande, son destin et ses certitudes vont basculer lors d'un passage à Belfast et sa rencontre avec Jim et Cathy, le début d'une amitié en même temps qu'une révélation.
Ce qui est remarquable c'est cette atmosphère que l'auteur installe très vite, le parti pris narratif qui consiste à nous faire entrer dans l'histoire à travers le regard et les émotions d'Antoine. C'est brillant de logique et de simplicité, car si le narrateur est très vite accepté et pris en sympathie, il n'est pas né irlandais, ce qui lui sera rappelé de temps en temps.
Il faut parler du contexte des années 70/90, les catholiques irlandais sont opprimés et humiliés par les royalistes et l'armée britannique, la résistance à "l'occupant" prend plusieurs formes, des codes vestimentaires, des règles tacites, des attitudes et aussi la lutte armée clandestine et violente.
Ce récit n'est pas une incursion au coeur de l'IRA bien qu'il en sera toujours question, en suivant Antoine qui dans les premiers temps vient en Irlande deux fois par an, nous serons toujours à la lisière du mystère, nous suivrons sa lente et irrésistible immersion dans un monde fait de non dits et d'appartenance tacite aux rites du peuple et des frères de coeur qu'il s'est choisis. Puis Antoine rencontre Tyrone Meehan, une figure de la lutte contre l'oppresseur, la rencontre qui va transformer sa vie.
Les événements relatés dans ce livre sont historiquement vrais, ce qui à mon sens renforce l'aspect dramatique du récit même s'il est romancé, il s'agit d'une immersion en eaux troubles, un contexte fascinant et remarquablement raconté avec une profondeur évidente, un livre marquant.
Il s'agit aussi d'une réflexion sur l'amitié comme je ne l'ai jamais vu traitée, connait-on toujours ses amis ?
J'ai eu la bonne idée de ne pas lire le résumé, ce qui m'aura rendu la lecture encore plus incertaine même si le titre ne laisse que peu de doute, il s'agit de l'un de mes gros coups de coeur en 2021.
J'ai maintenant hâte de lire "Retour à Killybegs", le complément indispensable de "Mon traître".
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« Mon Irlande c'était « L'Homme tranquille », « le Taxi mauve », l'Ile d'Emeraude, les pulls blancs torsadés, le wiskey, « l'Eire » de nos mots croisés. Elle paressait sur papier glacé. Elle était d'herbe verte, de rousses Maureen, de pierres plates en murets, de toits de chaume et de portes géorgiennes. Elle était gaie, rieuse, enfumée, noire de bière typique et blanche de moutons errant sur les lacets de route. Mon Irlande s'appelait Dublin, Galway, Clifden, Lisdoonvarna, Aran. Une Irlande musicale, marine, agricole, accueillante, spirituelle, pauvre et fière, apaisée. »

C'était l'Irlande du narrateur, Antoine, un luthier français, avant qu'il ne rencontre Tyron Meehan, Jim et Cathy O'Leary.
C'était mon Irlande aussi, avant que je ne découvre celle de ce roman, d'une « terrible beauté », « de ces ombres maussades, ces vêtements boueux, ces cheveux confus, ces bouches orphelines, ces dos fatigués, ces yeux privés de ciel. » Oui, cela, c'est l'Irlande de Belfast des années 70, 80 et 90, privée de liberté, l'Irlande de l'IRA, de ces familles usées par des années de guerre, de ces combattants solidaires et fraternels.
Tous solidaires, ces combattants ? Eh bien, non, parmi ceux-ci, il y a un traitre, Tyrone Meehan, adulé de tous, et relié au narrateur par une profonde amitié... jusqu'au jour où éclate la révélation honteuse.

Cette histoire, je la connaissais déjà puisque j'avais lu « Retour à Killybegs », où le narrateur est Tyrone Meehan. Ici la focalisation change de personnage. Nous sommes emportés dans le sillage du petit Français amoureux de l'Irlande, et soucieux que son amitié ait survécu à la trahison.
Et comme dans « Retour à Killibegs », j'ai été emportée par les tourbillons de l'Histoire grâce au style tellement poétique de Sorj Chalandon. La fraternité, l'amitié, la cohésion ne sont pas de vains mots pour ces gens-là. Les réunions dans les pubs, les veillées dans les maisons froides autour de quelques bougies, les marches silencieuses dans les rues face aux blindés anglais, j'y étais...

Et pourtant je ne suis pas Irlandaise, et pourtant, ce n'est pas « ma guerre », comme l'a dit Tyrone à Antoine, pour le préserver de conséquences funestes de trop d'engagement.
C'est donc avec une pointe de soulagement que j'ai refermé ce roman tout vibrant d'amitié et de trahison, tout plein de poésie et de beauté terribles.
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Mon traître.
Quel coup de génie dans ce titre ! Précisément dans ce possessif "mon".
Car si le traître a trahi (c'est normal, c'est son rôle !), il n'a pas trahi n'importe qui, n'importe comment.
Non content de trahir un pays (l'Irlande), un groupe (l'IRA), une cause (celle des indépendantistes) il m'a trahi, moi, nous dit le narrateur.
Mon traitre.
Deux petits mots qui en disent long.
C'est un cri de douleur, d'incompréhension, d'incrédulité, de refus.
Ce traître n'est pas un anonyme, un traître parmi les nombreux traîtres de l'Histoire.
Ce traître était mon ami.
Ce traître est mon traître.
Voilà un petit aperçu de ce que nous dit ce titre. Rien que le titre. Alors, imaginez tout ce que nous dit le roman !
Un roman magnifique que l'auteur a écrit avec ses tripes.
L'Irlande, ses paysages, sa beauté sauvage.
L'Irlande de l'IRA et de ses combattants.
L'Irlande des pubs et des amitiés fortes.
L'Irlande des quartiers pauvres de Belfast.
L'Irlande et la fierté de ses habitants.
Antoine, luthier parisien s'est pris de passion pour cette Irlande-là et pour ces Irlandais. Il a été adopté par ces hommes et ces femmes terriblement attachants. Il les comprend. Il les approuve. Il embrasse leur cause. Il se sent irlandais.
L'Irlande devient toute sa vie, ses amis irlandais deviennent sa famille.
Alors quand Antoine apprend que l'un d'eux, celui dont il est le plus proche, celui qui lui a tout appris sur l'Irlande, celui qu'il admire et aime par-dessus tout, celui qui l'appelle "fils" est en fait un traitre depuis vingt-cinq ans, son monde s'écroule.
Antoine est perdu, Antoine ne comprend plus rien.
"Je ne respirais pas. J'avais la bouche en liège. le ventre en caverne. Ma tête battait. La neige avait cessé. La rue ne murmurait plus rien. J'étais assis, mains entre les cuisses. J'avais froid. Jamais, je n'ai eu aussi froid. La lumière éteinte. J'étais mon ombre, dos voûté, tête basse, bouche ouverte. Je sentais mon coeur. J'étais sans souffle."
Dans un roman magnifiquement écrit, Sorj Chalandon nous offre une réflexion très riche sur la loyauté, la fraternité, l'engagement, l'amitié, la sincérité et finalement, sur la nature humaine.
C'est beau, c'est rude, souvent poétique et toujours percutant.
Je ne suis jamais allée en Irlande et cette lecture m'a donné terriblement envie d'y aller. Je connais peu l'histoire de ce pays, et Sorj Chalondon m'a donné envie de m'y plonger.
Rares sont les romans qui vous donnent de telles envies. Rares sont les romans qui ont une telle force.
En attendant de partir pour l'Irlande, je vais rester encore un moment en compagnie de Sorj Chalandon et aller avec lui du côté de Killybegs.
J'ai hâte de retrouver Antoine, Tyrone et les autres.
J'ai hâte de découvrir ce que le traître va nous raconter.
J'ai hâte de retrouver l'Irlande !
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Un livre est la pièce d'un théâtre intime. Sorj Chalandon nous présente un récit plein de bruit et de fureur. Il parle de chair et de sang, de patriotisme, de la cause indépendantiste nord-irlandaise et du peuple irlandais à travers l'amour naissant d'un étranger pour ce pays.
Au milieu du récit/témoignage l'auteur se glisse parmi les personnages pour rendre un roman étonnant, plein de sensibilité sur la barbarie de l'histoire et sur des lieux de mémoire.

On retrouve dans la prose de Sorj Chalandon la subtile mélancolie qui marque son oeuvre mais surtout une intensité qui crève le coeur. Des tourbillons d'émotions qui débordent, s'emportent, nous emportent. Les descriptions et les actions mixées dans un flux unique, font de ce texte tout autant un roman qu'une mise en scène visuelle.

La trahison est la clé de voûte de l'histoire ainsi que le destin d'une amitié foudroyée. Il faut se remettre dans le contexte de sang et des larmes versés par les catholiques d'Irlande du Nord pendant les "troubles" et jusqu'au processus de paix en 1998 pour vraiment saisir l'atmosphère.

L'auteur suggère toutefois des interrogations sur la légitimité de certains actes condamnables. Comment peut-on lutter contre ce qui s'imprime à jamais dans nos mémoires et dans nos coeurs ?

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C'est l'histoire d'un luthier français qui veut rejoindre la lutte de l'IRA, un délire.
Ce texte est onctueux comme une bière irlandaise, les adjectifs sont sombres comme une Guinness, les verbes sont denses comme la mousse d'une « stout » et donnent de la profondeur aux phrases du brasseur de mots, Sorj Chalandon.

« Je sentais la guerre, je la sentais dans l'odeur de charbon et de tourbe, d'huile grasse et de pluie froide. Cette odeur de Belfast, cette saveur d'inquiétude. »

Tant imprégné qu'Antoine le luthier deviendra « Tony » aux yeux de ses irlandais amis.
Ses désillusions seront à la hauteur de ses engagements.

Son confident, son compagnon, son initiateur, son maître sera son traître.
Le traître de sa patrie, de ses voisins, de sa femme, de son fils, le traître de lui-même.

Plongeon vraiment réussi dans le Belfast pieux et pluvieux.
« La ville portait sa gueule de drame », ce roman aussi :
Grève de la faim dans la prison de Long Kesh.
Mort du héros du nationalisme irlandais Bobby Sands.
« Dirty protest » où les prisonniers évoluaient nus, les murs tapissés de leurs excréments.

Autant d'événements que je découvre par la mobilisation de cet introverti de Tony, par sa passion dévorante pour ce pays. « On ne joue pas à la guerre, on la fait. »
Par de jolis mots ciselés, on pénètre l'intimité des pubs enfumés, des maisons de pierres sèches habitées de gens fatigués de pauvreté mais aiguisés de liberté.

On s'attache à ces familles accueillantes où le thé scelle la loyauté et le violon fait pleurer des larmes de bière.

Merci M. Chalandon pour cette immersion dans cette insurrection, pour cette incursion dans
la dévotion de ce français trahi par un ami.
Il a été « Mise Eire », je suis l'Irlande en gaélique, à cause d'un minable, il repartira misérable.

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Je n'avais qu'une connaissance parcellaire sur le conflit d'Irlande du Nord. Ce livre m'a donné l'occasion (comme je le fais fréquemment lors d'une lecture addictive ) de m'y intéresser plus à fond par des recherches personnelles.
Comme souvent, Sorj Chalandon se saisit de faits réels qu'il travestit, dans le cas présent, fort douloureux pour lui, c'est son amitié avec Denis Donaldson qu'il met en scène de façon originale. le traite devient Tyrone Meehan et le narrateur Antoine, Tony, un luthier( de belles descriptions sur ce métier artistique). C'est un roman puissant, magistral, qui dit la force de la fraternité , la confiance qui se fracasse
soudain , la douleur de la trahison, la tragédie de la guerre, encore plus quand il s'agit d'une guerre civile. J'ai été transportée en Irlande, j'ai partagée ces drames, la souffrance absolue de ce peuple, j'ai humé l'atmosphère tourbeuse, j'ai écouté la souffrance et la joie portée par la musique.
Un grand livre.
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« Troubles »en Irlande du Nord, terrible histoire d'amitiés et de deuils.

Un jeune homme un peu naïf, un luthier français, a séjourné à Belfast et noué une amitié profonde avec des Irlandais qui l'ont accueilli comme un des leurs. L'Irlande devient une obsession. Antoine emporte en lui ce pays déchiré, où des chars patrouillent dans les rues, où un enfant est tué en allant acheter du lait, où des prisonniers meurent en faisant la grève de la faim. Une sale guerre…

Le téléphone sonne et il apprend que son ami est mort dans une explosion. Il est secoué, des larmes, un cercueil à porter sur son épaule, un cimetière des héros, un deuil…

Et puis un jour, un mot à la radio, un entrefilet dans un journal et il apprend que son autre ami était un traître. C'est un véritable K.O., il est complètement sonné. Est-ce la mort d'une amitié, celle d'un héros déchu, d'un menteur ? Doit-on tourner le dos? Peut-on pleurer et faire son deuil d'un ami et d'un pays?

Un roman troublant, un roman de détresse et de combativité, d'amitié et de trahison. Sorj Chalandon a vraiment le don pas juste de décrire, mais de faire ressentir. Et dans ces émotions, difficile de trancher entre le bien et le mal…
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Pour marquer mon 500e billet sur Babelio, je me suis octroyé un petit plaisir Chalandonien -et bien m'en a pris !
Antoine, le narrateur, mène une vie tranquille à Paris, au coeur des années 70, où il exerce le métier de luthier. A l'occasion d'un week-end à Dublin, il fait une incursion en Irlande du Nord et se retrouve dans le ghetto catholique de Belfast, où il rencontre Jim et Cathy, avec lesquels il sympathise. Il va alors multiplier les séjours à Belfast, s'imprégner de culture et d'Histoire nord-irlandaises, et nouer des amitiés fortes avec les combattants nationalistes, et notamment Tyrone Meehan, le vétéran adulé. Et un traître.

Sorj Chalandon raconte ici Belfast, la pluie, les fumées, les briques, les murs couverts de portraits des martyrs, les processions, les enterrements, les hommes en "pauvres habits du dimanche", l'IRA. Et ce n'est jamais misérabiliste ; au contraire, c'est d'une "terrible beauté" comme le remarque Antoine. Mais Chalandon ne dispense pas un cours d'Histoire de l'Irlande du Nord, il n'explique pas pourquoi, en 1975 au Royaume Uni, il y avait des ghettos catholiques traversés de blindés anglais, ni pourquoi il y avait des barbelés et des tessons de bouteilles en haut des murs, ni pourquoi il faisait si froid et humide dans les maisons. Et c'est très bien comme ça, ceci n'est pas un livre d'Histoire, juste une histoire d'hommes.
J'ai aimé le parti-pris spontané d'Antoine pour la cause républicaine, simplement parce qu'il est bouleversé par l'injustice dans laquelle vit la minorité catholique et par sa pauvreté digne, faite de grosse laine mouillée, de thé brûlant et de bière amère. J'ai aimé son amour immédiat pour ses nouveaux compagnons, sa fierté de leur ressembler, son aspiration à les aider. J'ai aimé la façon dont il se sent à sa place parmi eux, dont sa vie prend sens : "J'étais différent. J'étais quelqu'un en plus. J'avais un autre monde, une autre vie, d'autres espoirs." Mais pas d'exaltation ici : plus que tout, j'ai aimé la sobriété du ton et sa sincérité si déchirante.
Comme toujours avec Chalandon, cette lecture m'a profondément touchée, tant l'auteur parle avec son coeur, avec ses tripes, de ces résistants nord-irlandais qui n'ont plus que leur dignité pour rester debout et poursuivre un combat perdu d'avance. Il m'a émue aussi par la délicatesse avec laquelle il raconte la candeur d'un jeune Français perdu dans une guerre qui ne le concerne pas.

"Toutes les histoires sont des histoires d'amour." écrivait Robert McLiam Wilson dans "Eureka Street" -qui se passait déjà à Belfast. Sorj Chalandon en apporte ici une nouvelle preuve, et je vous invite à le vérifier par vous-mêmes en ouvrant à votre tour cette "terrible beauté" qu'est ce roman.
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Avril 1977, dans les toilettes d'un pub de Belfast, Antoine un jeune luthier fait la connaissance de Tyrone Meehan un vétéran de tous les combats des Irlandais du Nord contre les Britanniques. Antoine va éprouver une grande admiration pour Tyrone, c'était son ami, c'était un traite aussi.

Ancien journaliste, Sorj Chalandon s'inspire de faits historiques pour nous délivrer un roman d'une puissance évocatrice incroyable. C'est l'histoire de tout un peuple qu'il nous raconte, leur lutte contre les Britanniques, leur bravoure, leurs codes. Les blindés dans les rues, les hélicoptères qui tournent, les arrestations, les tortures. Sorj Chalandon décrit, raconte, restitue, interroge, donne vie à cette lutte, à ces habitants d'Irlande du Nord.
Ce récit est l'histoire d'une amitié trahie et une réflexion sur la traitrise, Sorj Chalandon ne juge pas et c'est la force de ce roman.

Je connais et j'apprécie la plume de Sorj Chalandon, je n'avais jamais eu l'occasion de lire ce roman paru en 2008. Agnès chroniqueuse du site Leslivresdagnes me l'a fait découvrir comme une délicieuse mise en bouche avant de lire « Enfant de salaud » le nouveau roman de Sorj Chalandon.

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Dès les premières lignes, nous sommes mis au jus…
« La première fois que j'ai vu mon traître, il m'a appris à pisser. C'était à Belfast, au Thomas Ashe, un club réservé aux anciens prisonniers républicains. »

En fait, nous sommes très loin encore d'être dans le grand bain mais j'ai beaucoup aimé cette entrée en matière.

Ce traître, son traître, comme le nomme le narrateur, c'est Tyrone Meehan, une figure emblématique de la lutte indépendantiste et surtout son ami.
Le récit se déroule approximativement entre 1974 et 2007. le narrateur Antoine, rebaptisé Tony par ses amis irlandais, est un luthier français qui se rend régulièrement en Irlande. Il va tomber éperdument, inconditionnellement, passionnément amoureux de l'Irlande du Nord.

La trahison est évidement au coeur de ce récit, une trahison à l'image d'un miroir brisé, aux multiples éclats mais qu'on ne s'y trompe pas, il s'agit également d'un roman d'amitié et d'amour : l'amour d'un pays, l'Irlande du Nord. Il y est en effet omniprésent ; il s'enfonce à travers des routes ondoyantes et moutonneuses, des routes ensablées aussi.

« Je connaissais tout le monde à Belfast. C'est-à-dire personne. Un clin d'oeil ici, un salut là, une poignée de main parfois. Des regards croisés, des visages connus, mais quoi ? Jim et Tyrone étaient mes Irlandais. Je ne dormais pas à Belfast, je dormais chez Jim O'Leary. Je ne défilais pas dans la rue avec les républicains, je marchais avec Tyrone Meehan. C'étaient eux. C'était tout. Mon Irlande était construite sur deux amitiés. Mon Irlande était du sable. »

C'est donc son apprentissage de Irlande que Tony raconte, des souvenirs au présent, pas toujours linéaires, une Irlande édifiée sur des liens d'amitiés solides, croyait-il, une Irlande qui l'enveloppe comme une seconde peau, une Irlande où il se sent bien, chez lui. L'atmosphère électrique de l'époque est particulièrement bien rendue. Les pubs, les coutumes locales se mêlent à l'odeur amère des combats qui enveloppe la ville comme un brouillard persistant. le quotidien est difficile mais la solidarité, la dignité, et la fierté des habitants ne faiblissent pas.

J'ai été parfois été dérangée par la « foi » aveugle du narrateur envers l'IRA quelque que soient les exactions qu'elle puisse commettre. Elle apparait presque bon enfant. Un certain nombre de zones d'ombres demeurent également, et non des moindres. Mais l'écriture de Sorj Chalandon galope, s'ébroue, se cabre. On ne peut que s'agripper à la crinière des mots et ressentir les émotions qu'elle nous offre dans sa course. Certains passages sont particulièrement poignants.

Mon traître est donc un roman d'atmosphère et d'amitié, imprégné de l'amour d'un pays qui donne indubitablement envie de connaitre l'Irlande et son histoire… ou d'y retourner. Cette histoire est d'autant plus touchante qu'elle est visiblement plus ou moins inspirée de l'histoire personnelle de Sorj Chalandon lui-même, ce dernier ayant en effet été très proche de Denis Donaldson, alias Tyrone Meehan dans le livre.
Je ne peux que remercier Nadou38 et Siabelle de m'avoir entrainée dans cette aventure Irlandaise.
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