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sur 1576 notes

Critiques filtrées sur 1 étoiles  
Mon Traître

On m'avait dit grand bien de ce livre, l'un des premiers de son auteur, qui débuta en tant que journaliste. Hélas, à "Libération." Enfin, me direz-vous, on peut être un bon écrivain et travailler à "Libé." C'est vrai mais, à mes yeux, ça reste encore à prouver . Notez que Chalandon est maintenant au "Canard Enchaîné" : on peut donc retrouver espoir ...

Mais pour "Mon Traître", en tous cas tel est mon avis personnel, il n'y a pas d'espoir. le thème était pourtant intéressant, que dis-je, passionnant : le récit de l'amitié qui lia Chalandon à Denis Donaldson, membre de l'Ira provisoire et du Sinn Féin. Après avoir reconnu qu'il avait trahi l'IRA au bénéfice du MI5 et de la Special Branch britanniques, Donaldson ne tarda pas à se faire abattre dans un cottage isolé, le 4 avril 2006. L'identité du ou des tueurs est encore ignorée de nos jours.

Dans "Mon Traître", tout est vu par l'intermédiaire d'un jeune luthier parisien, Antoine, qui fait la connaissance de Donaldson, ou plutôt de son alter ego, Tyrone Meehan, dans les années 74/75. Antoine, personnage rêveur, sensible et poète, funambule qui sautille sur le chemin de l'Enfer tout simplement parce qu'il suit la piste de Bonnes Intentions qui le pavent et ne doute pas un moment de leur sincérité, tombe amoureux fou de l'Irlande du Nord, de son passé et de ce que je suis tentée d'appeler son "folklore." Les guerriers de l'IRA, encagoulés et armes au poing. Les blindés britanniques qui tirent sur tout le monde, y compris sur les enfants. Mrs Thatcher qui vocifère, ment et menace. Tous ceux qui tombent, des deux côtés. Les affreux Orangistes qui, s'imaginant semble-t-il toujours sous Cromwell, s'entêtent à venir provoquer les bons catholiques sur leur propre territoire. Les photos du Pape accrochées aux murs - celles de Paul VI en l'occurrence et tous ces chapelets qu'il bénit et envoie aux révoltés catholiques. Les graffiti et tags pleins de sang et colère sur les murs des ruines et des maisons abandonnées. La haine religieuse comme prétexte à une guerre ethnique et économique ... Et bien sûr les "bons" d'un côté et les "mauvais" de l'autre. Même si, à la fin en tous cas de ces 216 pages, Chalandon s'oriente vers une voie moins manichéiste en concluant que les deux camps ont roulé le pauvre luthier dans la farine.

Antoine vit donc (ou croit vivre) le rêve de l'Irlande libre même si Meehan, à qui il voue une véritable adoration religieuse, le met en garde en lui disant, tout simplement, qu'il n'est pas Irlandais. (Il n'est même pas breton, c'est tout dire.) Candide, sincère, les yeux démesurément aveuglés par la Vérité qu'il croit Une, Antoine se fait néanmoins quelques amis irlandais. Lorsqu'il est à Paris, et malgré les conseils de Meehan, il s'entête, "pour participer comme il le peut au Combat", à prêter une vieille chambre à certains résistants irlandais de passage. Sur ce qu'ils y font, il ferme les yeux avec une résolution d'enfant bien résolu à ne pas regarder le Mal en face - c'est bien connu que, en agissant ainsi, le Mal cesse d'exister. Par une coïncidence étrange, deux ans plus tard environ, tous ceux qu'Antoine aura pris en charge un jour ou l'autre dans sa chambre au bord de la Seine auront tous été alpagués ou abattus. Mais jamais, pas un seul instant, Antoine ne soupçonne Meehan, qui a finalement découvert son petit système d'hébergement clandestin, d'avoir pactisé avec les Anglais et de leur donner un par un ceux dont lui, le petit luthier idéaliste, lui révèle les noms en toute confiance. Et, jusqu'au bout, il ignorera, semble-t-il, que, dans un ultime interrogatoire devant les membres de l'IRA, tout en affirmant - ce qui n'est que la vérité - que le jeune luthier ne savait rien de sa trahison, Meehan trouve tout de même le moyen de renier l'amitié qu'il lui portait.

Si encore le texte flamboyait, atteignait à des hauteurs lyriques authentiques, s'il s'écoulait avec ces accents déchirants qui touchent le coeur avant de faire froncer les sévères sourcils de la raison ... Mais non. Les phrases sont courtes, le pathos guette partout, Antoine pleure d'émotion, puis pleure à nouveau, mais de chagrin cette fois-ci. La fierté étalée par les résistants dans les réunions secrètes contre les Anglais s'étale un peu trop complaisamment. On patauge dans le bon vieux whisky irlandais et catholique. Quant à la Verte Erin, je l'ai cherchée en vain : elle n'était pas là.

Maintenant, cela peut-être vient-il de mes origines maternelles.

Et peut-être la prose de Chalandon tout comme cette petite histoire racontée bien petitement et sans imagination aucune suffiront-elles à ceux pour qui la tragédie des Gaels d'Irlande ne remonte qu'au XXème siècle alors qu'elle possède des racines bien plus anciennes, bien plus profondes et bien plus tourmentées. "Mon Traître", voyez-vous, c'est le conflit IRA / Angleterre mais dessiné à la seule intention des Parisiens ou de ceux qui s'imaginent encore qu'Oscar Wilde était anglais, de ceux qui n'ont jamais entendu parler de la Grande Famine, de ceux qui vivent par procuration certains conflits, bénis on ne sait trop pourquoi par la versatile Bien-Pensance - de ceux qui parlent toute leur vie d'aller "aider les Petits Palestiniens" et empoisonnent le quotidien de leurs proches avec leurs grands discours velléitaires sur la question alors qu'ils mourront paisiblement et douillettement dans leur lit, sans avoir jamais fait autre chose que s'imaginer en héros.

Enfin, Sorj Chalandon a également écrit "Retour à Killysberg", qui raconte la même histoire mais cette fois-ci par la voix du traître, Donaldson-Meehan. Je le lirai, c'est certain. Je suis curieuse et tenace - je suis celte . Et je vous tiendrai au courant. Forcément. J'ajouterai que je lirai ce prochain ouvrage en toute impartialité. Après tout, "Mon Traître" n'était que le second roman de son auteur. Alors, avec un peu de chance ... :o)
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Au risque de m'attirer les foudres, je n'ai pas aimé du tout.
Il faut dire que sans savoir qu'un premier volet,existait, j'ai d'abord lu « Retour à Killybegs », que j'ai vraiment beaucoup aimé, tant c'était bien écrit et chargé émotion.
Le seul personnage qui m'avait agacé était le luthier français , que je trouvais inconsistant , falot et égaré dans ce récit.
Malheureusement, « Mon traitre » ne m'a pas réconcilié avec le personnage.
L'histoire est paraît - Il inspirée du vécu de J Chalandon. Peut-être le personnage aurait-il gagné en profondeur, si J Chalandon en était resté à son propre vécu...
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