Je ne comprends pas les critiques négatives sur ce livre que j'ai littéralement dévoré.
Un "fell good" ? Ah non alors ! Des bons sentiments à la pelle ? Ah non alors. Une histoire qui se termine bien ? Ah non alors. Des petites phrases bon enfant vides de tout sens en pagaille ? Ah non alors.
Ce livre est une merveille.
Ce livre est dur, profond, infiniment triste, et superbement écrit.
Alors oui, il ne s'agit pas du Quatrième mur. Ça m'a toujours agacée quand on compare un livre à son précédent, avec une sorte de déception, cela me fait penser à Anna Gavalda avec La consolante, il y a eu comme un tollé quand il est paru, et bien sûr on l'a comparé à Ensemble c'est tout, avec force critiques, justifiées ou pas, mais ça a le don de m'énerver, toujours comparer, toujours la déception. Mais ici, point de comparaison triste et feutrée.
Il s'agit du cancer, le club très fermé du K.
Oui, Mr Chalandon a changé de genre, et de sujet. Et alors ? C'est ce qui fait sa force et son talent justement.
Une belle amitié de femmes, une Jeanne, libraire mais malade, qui ressent une nuit cette joie féroce, ce bouleversement terrible, elle, la Jeanne "Pardon", celle qui s'efface, qui pardonne tout, qui est d'une profondeur extrême, cette nuit-là, elle n'en veut plus de cette Jeanne-là. Elle veut vivre, elle veut gagner, sur la maladie mais aussi sur la vie.
Alors oui, il est vrai que les hommes s'en prennent plein la figure, égoïstes, peureux devant cette maladie, le cancer. Mais c'est l'exacte vérité, l'homme est pleutre, il se protège derrière une compassion feinte, masquée, redoutée, et redoutable pour une femme cancéreuse. Les hommes qui restent et affrontent ne sont pas légion.
Ce livre n'est pas non plus à ranger dans le rayon "policier". Il y a certes une histoire policière, mais pas que.
Je me suis régalée avec son style inimitable, ses phrases ciselées, ses formules de bonheur, cette joie qui nous habite tous un jour ou l'autre.
Quelle performance, lui homme, de prendre la plume d'une femme, Jeanne la narratrice. S'il m'en souvient, Mr Delacourt avait fait la même chose avec, il me semble, Danser au bord de l'abîme.
Et puis, cette clarté lumineuse, cette abandon de soi malgré la maladie.
C'est beau.
Et puis, moi aussi, j'ai abrité en mon temps une saleté de crabe, très jeune, mais si désemparée devant la maladie, si bouleversée, si craintive.
J'ai bien deviné que l'auteur a eu affaire à cette maladie, cela transparaît dans son écriture.
Mais on s'en sort Mr Chalandon.
Et c'est là qu'intervient cette joie féroce, la joie d'être en vie.
Tout simplement.
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*** Chroniques de la rentrée 2019 # 1 ***
« Une joie féroce », dernier titre de Sorj Chalendon est un des plaisirs de cette rentrée littéraire d'automne 2019. le titre, subtil mélange de sentiments contradictoires reflète bien l'écriture en clair-obscur qu'a choisi de développer Sorj Chalendon pour ce roman. On rit, on grince des dents, on compatit, on se moque de la naïveté des personnages, on est éblouit par leur sagesse !
Jeanne est une ‘demande pardon' permanente. Elle s'efface toujours pour les autres, est à leur service. Soldat inconnu au sein du bataillon des sans nom, elle ne connaît aucun regard tendre et attentionné posé sur elle. Rien d'autre ne l'occupe et la préoccupe que de tenir son rôle de pivot du quotidien pour tous ceux qui n'en ont même pas conscience d'être et donc d'avoir une place à tenir, à commencer par son mari.
Mais voilà, avec un sens diplomatique abscond, la Faculté lui annonce avoir détecté un petit quelque chose qui, sans être même le plus souvent nommé, vous pourrit la vie, ou ce qu'il en reste. La voilà propulsée au statut de combattante face à longue et pénible maladie… Cela va-t-il modifier le regard d'autrui sur elle ? En ce qui concerne ses proches, même pas sûr !
Jeanne va donc s'inventer une vie de résistante. Avec Brigitte, Assia et Mélody, toutes trois, comme elle, assidues des soins cancéreux, elle va faire éclater le misérabilisme ambiant et faire péter la vie comme on ferait sauter un bouchon de champagne ! Pour un coup d'éclat, pour un coup de tête, pour un coup de réussite ou un coup de dépit.
L'histoire est tendre, truculente, grotesque, irréaliste mais tellement vraie. Les traits sont caricaturés, il faut croire à la farce, à une vie meilleure, même rêvée.
Dans la limpidité du récit, on ne sait pas trop où on va, mais on y va avec plaisir. On se laisse emporter par l'histoire, on partage les joies, les peurs, la tristesse et la révolte de la bande des quatre… Sorj Chalendon nous emmène où il veut jusqu'à l'étonnement, le biais inattendu et une fin qui laisse la question du bien et du mal en suspens ! Chacun appréciera à son aune. Il reste un vrai et bon roman, signé par une plume qui n'a plus rien à prouver et qui continue enchanter la vie d'un regard particulier.
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