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Critique de Woland


The King In Yellow
Traduction : Christophe Thill

ISBN : 978-2253184003

Impression très mitigée que celle laissée par cette toute nouvelle édition de "The King In Yellow" et, après mûre réflexion, je conseillerai aux aficionados de l'épouvante l'édition (à la couverture d'ailleurs d'un macabre superbe ) des Editions Marabout dans les années soixante. le titre choisi y est d'ailleurs beaucoup plus poétique (et plus honnête) : "Le Roi de Jaune Vêtu : Cinq Récits de Terreur." Ce que l'on a reproché à cette édition-là, c'est, comme vous pouvez le deviner, de n'avoir inclus que les cinq premières nouvelles reprises dans celle du Livre de Poche. Eh ! bien, Gérard Verviers, croyez-moi, avait bigrement raison en adoptant cette manière de faire ! Car, dans l'édition que nous offrent Christophe Thill et le Livre de Poche, le choc est rude pour celui qui s'attend à lire des récits de pure terreur et qui s'aperçoit que, effectivement, seules les cinq premiers peuvent prétendre à susciter l'effroi. L'autre moitié est tout ce qu'on veut mais tient plus d'histoires sentimentales pures et simples que de contes d'épouvante. Peut-être, dans "Le Paradis du Prophète", quelques petits textes très brefs, comme "La Chambre Verte", peuvent-ils retenir l'attention mais à part cela ... on s'ennuie.

C'est donc dans les cinq premières nouvelles que Chambers évoque une silhouette - celle du Roi en Jaune - et une pièce de théâtre maudites - qui porte le même nom. Les noms de "Carcosa", qui serait le lieu élu par le Roi, Hastur, qui serait le nom d'un pâtre et celui de Hali, qui désigne ici un lac, Chambers les a pêchés, sans doute pour leur sonorité, dans l'oeuvre d'un autre grand du fantastique, Ambrose Bierce. Pour le reste, il a brodé autour et imaginé ce personnage qu'on ne voit jamais, le Roi en Jaune, mais dont on suit la trace putréfiée et maléfique du "Restaurateur de Réputations" à "La Demoiselle d'Ys" (quoique très imperceptiblement, dans ce dernier). Selon Chambers, la Tradition veut que quiconque lise, intégralement ou non, la fameuse pièce de théâtre "The King In Yellow", devient à jamais obsédé par son héros et son univers. Obsession fatale qui mène, dans quatre-vingt-quinze pour cent des cas, à la Folie . Par exemple, le narrateur du premier récit, Hildred Castaigne, est déjà fou. En tous cas, il a été soigné comme malade mental et voue une haine profonde à tous ceux qui le considèrent comme dément. Son rêve - et son destin, il en est persuadé en raison d'un certain Wilde, son voisin dont on ne sait s'il existe réellement ou s'il n'est qu'une hallucination - sont de coiffer la couronne du Roi en Jaune et de devenir ainsi Empereur des Etats-Unis.

"Le Masque", après un très beau et trop bref extrait de la fameuse pièce, extrait dont le texte rappellera à beaucoup celui du "Masque de la Mort Rouge" de Poe, est assez prometteur mais se termine relativement bien et d'une manière si bêtement sentimentale qu'on peut s'interroger sur les conceptions amoureuses de l'auteur. Dieu ! Que c'est mièvre !

"Le Signe Jaune" reprend le vieux rêve du corbillard et y ajoute un cocher qui, dans la réalité, est le gardien d'une église et qui, selon l'opinion générale, présente une étonnante et bien ennuyeuse ressemblance avec un ver nécrophage.

"La Cour du Dragon" est l'unique texte où le narrateur entend la propre voix du Roi en Jaune - un narrateur qui, bien sûr, sombre dans la folie.

Quant à "La Demoiselle d'Ys", c'est un très joli conte sur fond de retour dans le temps (et l'un de ceux où l'on constate l'intérêt que Chambers portait à la Bretagne) mais, en ce qui me concerne, je n'y ai vu aucun signe, jaune ou non, de l'univers du Roi vêtu de haillons de la même couleur - car le Roi en Jaune se promène toujours en haillons qui peuvent ressembler à des ailes ou, en tous cas, y faire songer celui qui l'aperçoit - ou le lecteur qui l'imagine.

Très souvent, Chambers ayant vécu à Paris pour y étudier la peinture, l'action se situe dans l'univers des artistes-peintres et des modèles - le cas est flagrant pour "Le Signe Jaune" et certaines des nouvelles qui, pour moi, ne procèdent en rien du fantastique.

Lovecraft, quand il découvrit les textes de Chambers, tomba sous leur charme. En particulier, celui du "Signe Jaune" qu'il évoque d'ailleurs dans son essai "Epouvante & Surnaturel en Littérature". le Solitaire de Providence devait aussi emprunter à Chambers le vocable "Hastur" qu'il utilise dans "Celui Qui Chuchotait Dans Les Ténèbres" sans qu'on sache très bien s'il désigne un Grand Ancien ou ... autre chose.

Personnellement, en dépit du profond respect que j'ai conservé, à travers toutes ses années, envers le créateur de Cthulhu, j'avoue ne pas comprendre son enthousiasme . A mes yeux, les textes de Chambers ne sont pas mal mais montrent trop de choses criardes et suggèrent trop peu d'êtres vraiment terrifiants. A la différence de ce que fera Lovecraft avec ses propres écrits, il ne parvient pas à offrir à son Roi de Jaune Vêtu l'univers qui lui conviendrait. Il suggère, il paraît hésiter sur quelques notes de terreur réelle et puis, il nous laisse en plan. On s'attendait à un orchestre somptueusement tonnant et funèbre, on saisit à peine les essais essoufflés de mélodies balbutiées par un piccolo qui sonne faux.

Cela dit, si vous voulez vous faire une idée par vous-même, préférez tout de même "Le Roi de Jaune Vêtu" dont la jaquette Marabout comblera au moins vos rêves les plus macabres. Ce "Roi En Jaune", que voulez-vous, je le soupçonne d'avoir été édité surtout pour donner aux lecteurs amateurs de séries télévisées quelques pistes sur l'excellent "True Detective", dont le scénario est de Nick Pizzolatto, lequel s'est inspiré çà et là des textes de Chambers. Et en dépit de la qualité de la série, j'estime que cette réédition bien sage ne s'imposait pas. ;o)
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