Le grand ordinaire ne raconte pas grand chose. En s'appuyant sur le quotidien d'un vieil homme solitaire qui survit comme il peut, il dessine depuis la marge des fragments de vie d'une bourgade de l'Australie rurale. Un coin paumé écrasé par la chaleur, dans lequel les mots sont vains et clouent le bec à toute forme de mélodrame.
Il ne faut pas compter sur Smithy pour être la voix de ceux qu'il croise, il appartient lui aussi à ce monde de taiseux, ces gens ordinaires écrasés par le destin et la misère et pour lesquels les sorties au bar le week-end sont le seul défouloir, un temps volé à l'ennui.
Dans un récit en creux et en silences, c'est donc le regard de Smithy que l'on suit. Débarrassé de l'alcool, il peut observer son entourage et fixe les états fuyants, les esprits épuisés et les âmes tristes.
Les confidences et les réminiscences arrachées à la solitude et à l'oubli perturbent à peine le sentiment d'immobilité du récit. Car oui il y a une profonde tristesse dans le texte qui donne à toute chose et toute tentative de rédemption un goût prématuré de lassitude.
Ce n'est pas une lecture désagréable mais le sentiment d'accablement est si puissant qu'il n'épargne pas le lecteur. La faute au talent de
Jeremy Chambers qui, à l'aide d'une écriture rudimentaire, suggère sans expliquer les ressorts des drames qu'il met en scène. La désillusion n'éclate jamais au grand jour, elle flotte entre les lignes, s'insinue dans les esprits, à la périphérie de la conscience.