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Grégory Chambon (Autre)
EAN : 9782130814429
126 pages
Presses Universitaires de France (19/08/2020)
5/5   1 notes
Résumé :
Notre environnement est saturé de nombres et de données chiffrées. De fait, comment ne pas avoir confiance dans ces instruments jugés spontanément efficaces pour appréhender le monde ? Or, c’est occulter un peu vite les usages dont ils dépendent et le sens qu’on leur donne… Toute leur histoire le prouve.

Si les nombres sont de nos jours des outils au service de la rhétorique médiatique, politique ou scientifique, dans plusieurs sociétés du passé... >Voir plus
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Savez-vous ce qu’est un « nombre » ?
Pour beaucoup d’entre nous, ce mot évoque avant tout des pratiques ancestrales, comme compter, calculer, comparer, mesurer… Il est donc ancré au cœur des activités humaines. Pour certains, il renvoie à un concept abstrait, intimement lié à des procédures, à des théories mathématiques ou à des discussions philosophiques. Pour d’autres encore, il se cache derrière toutes les données chiffrées dont est saturé notre environnement médiatique, économique et culturel. Le Centre national de ressources textuelles et lexicales le considère comme un « concept de base des mathématiques, une des notions fondamentales de l’entendement que l’on peut rapporter à d’autres idées (pluralité, ensemble, correspondances), mais qu’on ne peut définir ». Il y a donc autant de réponses que de représentations, d’appréhensions et d’usages du nombre.
Dans notre société moderne, on ne peut échapper aux nombres. Ils sont partout, dans les journaux, les affiches publicitaires, les fiches de paie, les jeux vidéo ou l’étal de l’épicier. Malgré tout, personne ne se plaint de cette omniprésence. En effet, tout le monde s’accorde généralement à reconnaître que les nombres constituent des outils naturels et efficaces qui aident à appréhender le monde individuellement et collectivement. Le caractère rationnel et mathématique qu’on leur prête semble garantir leur objectivité pour quantifier ou décrire des phénomènes. On fait naturellement confiance aux nombres en reportant nos éventuels soupçons sur ceux qui les manipulent.
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C’est la combinaison de ces deux traditions, celle des systèmes d’enregistrement, de codification et de tabulation de données chiffrées appliqués aux questions démographiques, et celle du calcule des probabilités, fournissant des outils mathématiques pour appréhender et interpréter la diversité de ces données, tout en permettant d’orienter les décisions, qui est considérée comme fondatrice de la statistique moderne. Les travaux d’histoire des statistiques, qui se sont multipliés depuis les années 1980 (notamment avec Ian Hacking, Stephen Stigler et Alain Desrosières) montrent que, même si le langage statistique s’appuie de nos jours sur des concepts bien formalisés et en apparence universels, comme “moyenne”, “estimation”, “écart-type”, “échantillon” ou “classe d’équivalence”, ces concepts, de même que les outils actuels de la statistique, avant d’avoir été acceptés par consensus n’aillaient pas de soi et que c’est toujours le cas actuellement, tant ils sont le produit d’une construction épistémologique qui a duré plusieurs siècles. L’historien des sciences et sociologue Eric Brian met notamment en garde les historiens de l’économie contre l’aporie qui oppose l’historicité des données chiffrées et l’abstraction des nombres : “Faut-il se contenter de cueillir les chiffre du passé, puis les soumettre aux calculs actuels en renonçant à les considérer comme des objets d’histoire ou bien faut-il douter des calculs et réserves son attention aux pratiques et aux savoirs qui ont donné sens au documents connues ?”
Les données chiffrées de la statistique, qui correspondent à des problématiques historiquement déterminés opèrent en fait, une fois écrites, comme des “des nombres affranchis de leur contexte spécifiques et susceptibles de comparaisons et de calculs” qui, par le “jeu de catégories mentales renouvelées” au fil du temps, pourraient donner l’illusion de nombres abstraits, indépendants de leur contexte, alors qu’ils en sont très exactement le produit.
Il convient donc de questionner non seulement l’objectivité et la factualité que nous prêtons habituellement aux données chiffrées, qu’elles soient anciennes ou récentes, mais également la rigueur et la nature des dispositifs intellectuels et matériels mis en place pour les produire. Mettre en chiffres, ce n’est pas seulement mathématiser et homogénéiser la diversité du monde réel ; c’est établir des conventions de calcul, de présentation et d’interprétation, du point de vue conceptuel et matériel, pour “traiter les faits sociaux comme des choses”, si on reprend la célèbre formule du sociologue Emile Durkheim (1858-1917)
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Les deux pratiques cognitives et sociales que sont la qualification - qui construit des classes d’équivalences et des catégories - et la quantification - qui s’appuie sur les techniques de mesur et de dénombrement de ces catégories - supposent deux types d’actions qui ont été les principaux sujets de controverse chez les statisticiens : d’une part, la traduction d’un phénomène ou d’une réalité par des nombres, qui peut être considérée comme trop réductrice ; d’autre part, la représentation matérielle de ces données chiffrées associées aux catégories correspondantes, sous forme de listes, de tableaux ou de graphiques, qui peut être perçue comme trop homogénéisante, tant les éléments perdent leur individualité, comme le souligne l’historien des statistiques Alin Desrosières. En effet, la diversité est alors ramenée à quelque chose de commensurable. Denis Guedj écrit à ce propos : “Comment “faire nombre” ? En ne voyant dans chaque objet qu’une unité et rien d’autre.” Mettre en chiffres consiste à traduire la complexité du réel en signes abstraits, épurés et simplificateurs, ainsi qu’à changer le langage, puisqu’on n’exprime plus le réel par des mots mais par des chiffres qui suivent leurs propres règles d’énonciation et de combinaison. Le processus de quantification ne consiste donc pas à refléter exactement le monde mais à le configurer autrement. Toute donnée du monde sensible ne se prête d’ailleurs pas aisément à la quantification, comme les sensations et les sentiments malgré plusieurs tentatives récentes à propos de la douleur ou du bonheur. (p.110)
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Comme la plupart des hommes et des femme politiques, les économistes s’engagent rarement dans unen approche réflexive de l’usage qu’ils font des chiffres, car ils ont besoin de croire en la fiabilité des données qu’ils utilisent. Avec l’essor de l’économétrie et de la modélisation dans les années 1930, la quantification et la mathématisation des données économiques ont participé de ce qu’on appelle la "scientifisation de l’économie”, qui a duré tout au long du XXe siècle. L’économiste Eve Chiapello et Alain Desrosières constatent que les spécialistes de l’économie ont une méconnaissance partielle, voire totale des opérations et des modalités de quantification, surtout depuis les années 1950. Ils relèvent, à la suite de travaux de Mary Morgan dans les années 1990, plusieurs postures qui interrogent les données chiffrées en aval de leur production : la posture hypothético-déductive, qui rejette l’observation et l’approche empirique et qui s’attache à définir une théorie générale de l’économie ; la posture descriptive des procédés de compilations et de mesures, qui cherche à dégager des lois de ces procédés ; et une dernière posture, à la croisée des deux précédentes, qui souhaite concilier les hypothèses théoriques et validations empiriques.
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[...] il n’est pas évident que le nombre soit conceptualisé toujours et partout de la même manière. En comparant les différentes numérations, les spécialistes des sciences cognitives ou de linguistique recherchent les logiques communes entre aires culturelles afin de définir des formes d’”universaux” humains, alors que des historiens et des anthropologues essaient de mettre en lumière les spécificités entre cultures et périodes.
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Video de Grégory Chambon (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Grégory Chambon
La Genèse de l'écriture, de Denise Schmandt-Besserat, traduit par Nathalie Ferron, postfacé par Grégory Chambon
Pour en savoir plus : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251452937/la-genese-de-l-ecriture
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Pour les civilisations antiques, l'écriture était un don divin. Les philosophes et les linguistes ont spéculé sur ses origines. À la fin du XXe siècle, des objets archéologiques ont permis de retracer l'évolution de pratiques aboutissant aux premières traces d'écriture en Mésopotamie. Bousculant le mythe et les certitudes savantes, leur étude a montré que les fonctions primordiales de l'écriture ne relèvent ni de la transmission, ni de la conservation du langage, mais de la gestion de biens.
La conception scientifique de la genèse de l'écriture découle des découvertes de Denise Schmandt-Besserat. Ce livre présente les preuves matérielles que sont les « jetons », examine leur évolution jusqu'à la transmission de leurs fonctions aux tablettes d'argile, puis analyse les implications socioéconomiques de ce processus multimillénaire, avant de restituer la classification des artefacts.
Cette démarche est comparable à celle d'André Leroi-Gourhan : elle introduit une problématique fondamentale dans le champ des études paléo-historiques en même temps qu'une méthode éclairant la relation entre une classe d'artefacts et l'évolution de l'humanité. Dans une postface inédite, Grégory Chambon fait le point sur les enjeux toujours actuels de cette oeuvre fondatrice.
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