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Citations sur S-21 ou Le crime impuni des Khmers rouges (27)

Pour compliquer encore les choses, nous devons nous rappeler que les employés des camps nazis et de S-21 n'étaient pas fondamentalement brutaux ou autoritaires. La plupart étaient des hommes et des femmes ordinaires, et souvent peu instruits, à qui l'on avait assigné des tâches extrêmement violentes. Il est impossible de dire quelle fut la part de choix délibéré, de pressions des pairs, d'obéissance et d'ambition. Ce que nous savons des employés de S-21 indique en général, comme le suggèrent les recherches de Browning, leur aspect ordinaire et banal. Liés à des gens qui leur ressemblaient, respectueux et soumis devant leurs responsables, les employés de S-21, comme leurs prisonniers, étaient piégés à l'intérieur d'un scénario sans pitié.
(Page 177)
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Les cruautés de la prison et du champ d'exécution de Choeung Ek correspondent tout à fait à ce que Kelman et Hamilton (s'inspirant des travaux de Stanley Milgram et d'autres historiens) ont appelé les "crimes d'obéissance". Les tortionnaires et les bourreaux de S-21 obéissaient, instinctivement ou non, à des ordres donnés par des individus dont ils acceptaient l'autorité sans contestation, en partie parce que la remise en cause de celle-ci aurait pu entraîner leur propre mort. A propos de la Shoah, Zygmunt Bauman écrivait que "les inhibitions morales contre les atrocités brutales tendent à s'éroder" lorsque la violence est autorisée, quand elle devient une routine et quand les victimes sont déshumanisées. Tzvetan Todorov soutient également ce point de vue. De plus, quand ils blessaient et tuaient, un grand nombre d'interrogateurs et d'exécuteurs pensaient qu'ils agissaient selon une morale supérieure et une discipline plus globale que tout ce qu'ils avaient connu auparavant. Isolés, contraints, terrifiés, mais tout-puissants, ces jeunes hommes se transformèrent en armes terrifiantes. Les plaisirs qu'ils tiraient de leur propre cruauté augmentaient parfois leur satisfaction de survivre et de recevoir l'approbation de leurs supérieurs.
(Page 167)
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De manière plus brutale, le secret sur S-21 était aussi sauvegardé par l'exécution de presque tous les prisonniers.
(Page 34)
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La prison de Tuol Sleng fut abandonnée dans la précipitation le 6 janvier 1979, au moment de l'arrivée des troupes vietnamiennes qui envahirent le Cambodge et chassèrent les Khmers rouges de Phnom Penh. A cette occasion, Douch semble avoir été confronté, pour la première fois à l'obligation d'abattre lui-même des prisonniers : les onze derniers qui s'y trouvaient encore. La fuite des révolutionnaires n'entraîna aucun répit dans la poursuite des massacres.
(...) En dehors de Tuol Sleng, on évalue aujourd'hui, disséminés dans tout le pays, environ 20 000 charniers, pour un nombre qui excède les 2 millions de morts.
(Page 8)
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Au total, le coût humain des quatre petites années de polpotisme fut accablant : sans doute 20 % à 25 % de la population fut décimée, soit deux à trois fois plus qu'en URSS ou en Chine en plusieurs décennies.
(Page 189)
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Cependant, peu de familles cambodgiennes échappèrent complètement au martyre subi par leur pays des mains de ses propres dirigeants. Car, d'une part, la répression en régime communiste a beau se présenter comme précisément ciblée, les groupes visés ("agents de la CIA", "contre-révolutionnaires", "traîtres", "capitalistes", "exploiteurs", etc.) sont suffisamment flous pour que chacun ou presque puisse y rentrer dans certaines circonstances.
(Page 189)
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Pour trouver la source du mal mis en oeuvre chaque jour à S-21, nous ne devons finalement pas regarder plus loin que nous-mêmes.
(Page 186)
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Dans le cadre du travail de Milgram, alors qu'il écrivait sur le Shoah et la modernité, Zygmunt Bauman fit une déclaration extrêmement humaine mais néanmoins déconcertante. "L'information la plus effrayante de l'Holocauste et de ce que nous avons appris de ses auteurs, nous rappelait-il, n'était pas la probabilité que "cela" pouvait nous être fait, mais l'idée que nous puissions le faire."
(...) A propos du personnel médical des camps nazis, le psychologue Robert Jay Lifton rappelait également que "des gens ordinaires peuvent commettre des actes démoniques".
(Page 185)
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Nous avons également vu que l'aspect totalitaire et la minutie rythmant la vie de la prison s'inspiraient de plusieurs modèles du XXe siècle liés aux pratiques communistes - les grands procès de Moscou et les purges des années 1930 ou les campagnes de "rééducation" de la Chine maoïste et du Vietnam communiste - et aux systèmes modernes de surveillance. De manière plus lointaine, S-21 s'inspirait également de la conception de la "justice révolutionnaire française". Dans les années 1790, la justice révolutionnaire trouvait sa dynamique, sur le plan sémantique, dans les néologismes "contre-révolution" et "contre-révolutionnaire", qui permettaient une énorme marge de manoeuvre. Le sens de ces deux mots pouvait en effet changer d'un jour à l'autre. A S-21, le mot "ennemi "connaissait la même élasticité.
(Page 180)
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Une autre série d'expériences conduites aux Etats-Unis au début des années 1960 par Stanley Milgram nous en offre un autre aperçu.
(...) Aucune électricité n'était transmise par les boutons sur lesquels professeurs appuyaient, et les étudiants étaient des acteurs embauchés par Milgram.
(...) A de rares exceptions près , les expériences ont montré, comme Alan Elms l'a écrit, que "deux tiers d'un échantillon d'Américains moyens étaient prêts à électrocuter une victime innocente jusqu'à ce que le pauvre homme crie grâce et continuaient à le faire longtemps après qu'il fut devenu silencieux.
Dans une autre étude, John Darley suggère que l'obéissance des professeurs était intimement liée à la présence des expérimentateurs à qui l'on demandait de valider l'usage supplémentaire de violence. Abandonnés à leur choix personnel, selon Darley, les professeurs n'auraient pas administré les chocs électriques. En cela, il y a une grande différence , comme il le défend vigoureusement, entre les enseignants de Milgram et les personnes qui commirent certaines atrocités. Il ajoute néanmoins que la socialisation des individus dans une plus grande violence peut n'être qu'une question de temps.
(Pages 178 et 179)
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