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EAN : 9782738100733
267 pages
Odile Jacob (01/10/1989)
3.81/5   16 notes
Résumé :
Les mathématiques et la biologie se trouvent aux deux extrémités du spectre de la science. D'un côté la rigueur logique, débarrassée de toute contingence matérielle, de l'autre une science d'observation, profondément tributaire de savoir-faire techniques et de concepts moraux. Ce livre d'entretienstente de créer une passerelle entre ces disciplines que tout éloigne. Les deux auteurs, tous deux académiciens et professeurs au Collège de France, s'interrogent sur la na... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Matière à pensée/J.P.Changeux
Je viens de terminer la lecture de l'excellent ouvrage de J.P. Changeux et A.Connes, et je pense qu'il faut absolument lire cet opuscule lorsque l'on s'intéresse de loin ou de près au lien qui existe entre le monde qui nous entoure et le cerveau.
Les questions que se posent les deux savants sont nombreuses, plus nombreuses que les réponses qu'ils apportent ; en effet, chaque proposition résolutive infère d'autres questions par une sorte de dichotomie des antagonistes .
Chacun des deux protagonistes argumente et ouvre une voie ; et enfin de compte ils se retrouvent d'accord sur l'essentiel.
L'antagonisme entre platoniciens et constructivistes sur l'origine des objets mathématiques est largement et profondément abordé. le fonctionnement du cerveau dans une situation de recherche mathématique également.
D'autres questions sont évoquées, comme le concept « éthique ». « L'universalisme moral se heurte à la diversité des cultures » dit Changeux. Et une réflexion philosophique faisant référence à Kant et Spinoza s'ensuit. J'ai relevé cette phrase choc : »Les conflits récents entre sunnites et chiites, des protestants et catholiques, des juifs et musulmans, des hindouistes et bouddhistes, témoignent de cette impénétrabilité culturelle réciproque qu'entretiennent des religions qui ne méritent plus guère leur nom, puisqu'elles divisent plus qu'elles ne relient. » (Changeux)(religere en latin veut dire unir !)
La fonction de la morale est abordée également, car là aussi , beaucoup de questions philosophiques se posent. Pourquoi le bien plutôt que le mal ? La notion de « sympathie » au sens premier du terme a son importance .
Est mise en lumière également l'importances des sciences cognitives qui se développent aux confins des neurosciences , de la psychologie et des mathématiques.
Chacun reste modeste dans sa réflexion et Changeux dit : « Une bonne expérience est plus difficile à faire qu'une théorie médiocre ! ».
La réflexion de type darwinien, darwinisme neural de l'évolution de la connectivité et darwinisme mental au niveau supérieur, agit en sélectionnant les bons cheminements, mais la réalisation d'un problème ne résulte pas nécessairement d'une suite d'essais aléatoires .
Un excellent chapitre sur la neuropsychologie des mathématiques fait suite, en montrant le rôle des différents lobes cérébraux .
La notion de complexes simpliciaux hyperboliques me paraît capitale pour expliquer l'élaboration de la mémoire à long terme. Celle de la fonction d'évaluation est aussi importante dans la compréhension de ce qui se passe dans le cerveau. La comparaison entre ordinateur et cerveau montre que ce dernier est encore loin d'être imité ou copié au niveaux supérieurs où règnent l'intentionnalité, l'anticipation et surtout l'affectivité.
Lecture globalement facile et passionnante.
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Durant ma scolarité un curieux phénomène a affecté mon cerveau en contact avec les mathématiques: le trou noir, le néant , la ténèbre! Pour expliquer ce mystère je comptais sur ce dialogue entre un spécialiste du cerveau et un grand mathématicien. S'il n'a pas répondu à mon problème personnel , il m'a permis de comprendre un certain nombre de rapports entre biologie et mathématiques . Un utile ouvrage de vulgarisation relativement accessible .
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Étienne Klein, physicien et épistémologiste, regrette souvent que les scientifiques ne "parlent pas"... ("le silence assourdissant des scientifiques dans le débat public")... Et bien, là, en voilà deux qui ont des choses à nous dire... à nous,... citoyens plus ou moins scientifiques,... qui nous posons des questions. Un représentant du matérialisme scientifique engagé dans des travaux quasi prométhéens sur l'éthique (Changeux) et un du constructivisme scientifique (Connes) dialoguent sur les Objets du Monde et sur les concepts de la Philosophie... Remarquable... Merci...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[Questions d'éthique - Pour une morale naturelle, rationnelle et révisable]

Les théories morales déductives se prêtent au fanatisme, au dogmatisme le plus absolu, à un autoritarisme sans limites. Elles conduisent l’individu à abdiquer devant des postulats théoriques qui prétendent défendre le « bonheur » de l’humanité !
Pour Spinoza : « Rien ne nous est connu comme certainement bon ou mauvais que ce qui nous conduit à comprendre véritablement les choses, ou ce qui peut nous en éloigner » (Ethique, 27). L’intérêt se déplace, à l’opposé des théories déductives, vers les théories inductives. Selon elles, les principes éthiques sont adoptés et révisés sur la base de leur plausibilité, et de leur capacité à expliquer des jugements plus particuliers. Elles prennent donc en compte l’évolution culturelle de la société, de la connaissance scientifique, des techniques et des cultures. J’adopterai, bien entendu, le point de vue inductif, qui me paraît le plus acceptable pour le scientifique, du fait de la possibilité qu’il reconnaît d’une révision des normes morales, en fonction à la fois de l’apparition de nouveaux problèmes pratiques et du progrès des connaissances. Ce point de vue se rapproche de celui de la théorie de la justice de Rawls, qui commence à être connue en France. Très schématiquement, Rawls défend la méthode dite de l'équilibre réflexif. Les jugements se développent et sont soumis à des épreuves a posteriori, avec le souci de maintenir un maximum de cohérence interne et d’objectivité. Chaque jugement crée une pression de critiques et de justifications pour des changements de principes. Si le système social est redistributif, s’il rectifie les infortunes résultant des contingences sociales ou naturelles, il en résulte une éthique fondée sur la critique des normes morales et leur révision incessante pour libérer de nouvelles formes de conduites. Personnellement, cette philosophie me séduit parce qu’on peut lui découvrir des bases « neurales » et parce que, se rapprochant de la démarche de la science, elle protège d’une forme de totalitarisme, conséquence ultime des théories éthiques déductives. C’est une philosophie sans prétention, une « éthique des petits pas », qui résout les problèmes tels qu’ils se présentent, progressivement, et qui ne se fonde pas sur des postulats a priori, totalement inapplicables.

Dans ces conditions, il ne s’agit plus de soumettre la science aux impératifs des croyances, à l’autoritarisme des dogmes révélés ou d’une quelconque idéologie, mais de développer une critique des croyances, des idéologies et des normes morales, en fonction du développement de la science, pour en dériver de nouvelles règles de conduite plus objectivement justifiées. Je pense personnellement que le modèle inférentiel de communication, de reconnaissance des intentions, avec évaluation de leur cohérence rationnelle, et du développement d’un équilibre réflexif au sein du groupe social, permet d’élaborer une éthique dynamique, une « morale ouverte », sur des bases « neurocognitives » naturelles, sans aucun recours à des présupposés métaphysiques.
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[intelligence artificielle, intentionnalité, fonction d’évaluation]

JPC : Qu’est-ce qui, selon toi, différencie le cerveau humain des machines construites de nos jours ? Et comment en concevoir une qui se rapprocherait du cerveau humain ?

AC : Examinons tout d’abord le cas des machines qui jouent aux échecs. L’intentionnalité est alors très simple : gagner la partie. C’est une chose extrêmement simple à définir. Définir une fonction d’évaluation qui estime à quel point on est proche de l’intention poursuivie pendant le jeu est relativement aisé. On peut donc construire une machine qui utilise une fonction d’évaluation déterminée par cette intentionnalité bien définie. Dans le cas du cerveau au contraire, l’intentionnalité change selon les problèmes qui se présentent. Le cerveau doit ainsi créer lui-même la fonction d’évaluation adéquate à une intentionnalité donnée. Plus précisément, il doit pouvoir apprécier si cette fonction d’évaluation est adaptée à l’intentionnalité donnée. Il doit donc, j’ignore comment, posséder une fonction d’évaluation de fonctions d’évaluation !

JPC : C’est ce qu’on peut appeler, avec Granger, la raison stratégique.

AC : Oui, mais je voulais établir une hiérarchie. D’une part, nous avons les fonctions d’évaluation. Une fonction d’évaluation peut être identifiée à un but. Se donner une intentionnalité revient un peu à se donner une fonction d’évaluation. Toutes les fonctions d’évaluation, certes, ne sont pas bonnes, parce que certaines correspondraient à des intentionnalités contradictoires, tandis que d’autres ne seraient adaptées à aucune intentionnalité. Mais on peut définir plus ou moins une intentionnalité comme une fonction d’évaluation cohérente. Dans une situation donnée, le cerveau doit pouvoir élaborer lui-même ce genre de fonction d’évaluation. Il doit donc être capable de créer, ou, tout du moins, de choisir parmi celles qui existent déjà. Et pour ce faire, il doit lui-même posséder une fonction d’évaluation établie une fois pour toutes qui lui permette de savoir si la fonction d’évaluation qu’il crée est adaptée au but qu’il poursuit.
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[La variabilité]

Bloquer tout processus de variabilité par une quelconque « dictature » serait, je pense, bloquer la fonction d’anticipation qui est propre au cerveau humain. Ce serait freiner sa capacité d’intégrer les données de son environnement culturel pour produire des modèles, des idées novatrices, qui contribuent à sa dynamique évolutive. Il est donc légitime d’accepter la variation aléatoire dans toute éthique naturelle qui se veut évolutive. N’est-ce pas là une des définitions les plus dynamiques qui soit de la liberté : le droit à l’imagination ?
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D'une part ,il existe indépendamment de l'homme une réaliyé mathématique brute et immuable ,d'autre part , nous ne la percevons que grâce à notre cerveau ,au prix , comme disait Valéry ,d'un mélange rare de concentration et de désir.
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Videos de Jean-Pierre Changeux (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Pierre Changeux
Colloque de rentrée 2015 : Lumière, lumières Conférence du jeudi 15 octobre 2015 : La lumière au siècle des Lumières et aujourd'hui, de la biologie de la vision à une nouvelle conception du monde, de Newton à Henri Grégoire et aux Droits de l'Homme
Intervenant(s) : Jean-Pierre Changeux, Collège de France
Retrouvez la présentation et les vidéos du colloque : https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2015
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