Matière à pensée/J.P.Changeux
Je viens de terminer la lecture de l'excellent ouvrage de
J.P. Changeux et A.Connes, et je pense qu'il faut absolument lire cet opuscule lorsque l'on s'intéresse de loin ou de près au lien qui existe entre le monde qui nous entoure et le cerveau.
Les questions que se posent les deux savants sont nombreuses, plus nombreuses que les réponses qu'ils apportent ; en effet, chaque proposition résolutive infère d'autres questions par une sorte de dichotomie des antagonistes .
Chacun des deux protagonistes argumente et ouvre une voie ; et enfin de compte ils se retrouvent d'accord sur l'essentiel.
L'antagonisme entre platoniciens et constructivistes sur l'origine des objets mathématiques est largement et profondément abordé. le fonctionnement du cerveau dans une situation de recherche mathématique également.
D'autres questions sont évoquées, comme le concept « éthique ». « L'universalisme moral se heurte à la diversité des cultures » dit Changeux. Et une réflexion philosophique faisant référence à
Kant et
Spinoza s'ensuit. J'ai relevé cette phrase choc : »Les conflits récents entre sunnites et chiites, des protestants et catholiques, des juifs et musulmans, des hindouistes et bouddhistes, témoignent de cette impénétrabilité culturelle réciproque qu'entretiennent des religions qui ne méritent plus guère leur nom, puisqu'elles divisent plus qu'elles ne relient. » (Changeux)(religere en latin veut dire unir !)
La fonction de la morale est abordée également, car là aussi , beaucoup de questions philosophiques se posent. Pourquoi le bien plutôt que le mal ? La notion de « sympathie » au sens premier du terme a son importance .
Est mise en lumière également l'importances des sciences cognitives qui se développent aux confins des neurosciences , de la psychologie et des mathématiques.
Chacun reste modeste dans sa réflexion et Changeux dit : « Une bonne expérience est plus difficile à faire qu'une théorie médiocre ! ».
La réflexion de type darwinien, darwinisme neural de l'évolution de la connectivité et darwinisme mental au niveau supérieur, agit en sélectionnant les bons cheminements, mais la réalisation d'un problème ne résulte pas nécessairement d'une suite d'essais aléatoires .
Un excellent chapitre sur la neuropsychologie des mathématiques fait suite, en montrant le rôle des différents lobes cérébraux .
La notion de complexes simpliciaux hyperboliques me paraît capitale pour expliquer l'élaboration de la mémoire à long terme. Celle de la fonction d'évaluation est aussi importante dans la compréhension de ce qui se passe dans le cerveau. La comparaison entre ordinateur et cerveau montre que ce dernier est encore loin d'être imité ou copié au niveaux supérieurs où règnent l'intentionnalité, l'anticipation et surtout l'affectivité.
Lecture globalement facile et passionnante.