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Franck Chanloup (Autre)
EAN : 9782367342498
224 pages
Au Vent des Iles (18/03/2021)
4.43/5   34 notes
Résumé :
Lauréat du prix des clubs hors-concours 2022.
1868, Sarthe. Victor est le cadet d’une famille de brigands qui enchaîne les menus larcins. Jusqu’au jour où une agression tourne mal : il se voit contraint par son paternel de se laisser accuser du meurtre commis par son frère. À tout juste seize ans, il est incarcéré au Mans puis au bagne de Toulon. Le début de son calvaire pénitentiaire sonne le glas d’une vie de malheur. Jusqu’à sa rencontre avec Léopold Lebe... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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Ce soir-là, les choses avaient mal tournées pour Victor, pour son père et pour Alphonse, son frère. Alors qu'ils tentaient d'extorquer l'argent d'un riche bourgeois au sortir d'une auberge, Alphonse n'avait rien trouvé de mieux que de l'égorger afin qu'il cesse de se débattre. Les gendarmes avaient tôt fait de les appréhender. S'en étaient suivis un procès, un jugement et une condamnation de neuf ans aux travaux forcés pour Victor. Autrement dit en 1868, l'exil au bagne de Nouvelle Calédonie, un voyage dont on ne revenait pratiquement jamais.
« Les enchaînés » est le récit tragique d'un jeune homme qui souhaitait être cordonnier afin d'échapper à sa condition misérable mais que le sort rattrape. Franck Chanloup raconte avec brio cette époque où la justice était implacable, où elle était l'antichambre d'une injustice assassine, celle du bagne et de son personnel encadrant, qui ne valait bien souvent pas mieux que la plupart des détenus.
Ecrit comme un journal, le roman de Franck Chanloup mélange fiction et roman historique. le récit est clair et concis, la lecture n'en est que plus fluide.
« Les enchaînés » est un très bon roman, d'honnête facture, un voyage en enfer sur une île paradisiaque.
Editions Pacifique Au vent des îles, 222 pages.
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Qui sont ces enchaînés en couverture du roman ?
L'auteur situe son récit en 1868, d'abord dans la Sarthe, et donne un aperçu des identités de ces prisonniers et de leurs délits, époque où l'on risque la guillotine.

Il n'épargne pas notre sensibilité quand il relate avec moult détails le forfait d'un trio, constitué du père et de deux fils: une famille dans le besoin qui a détroussé un bourgeois. Vite arrêtés.
On découvre leurs conditions de logement spartiates, tous entassés dans la même pièce.
Le père va mentir et s'accuse du crime pour sauver le fils qui a une famille à charge, ce qui le mène à un châtiment expéditif.

Présenté comme un journal, ce récit rend compte de la justice rendue, des châtiments corporels.
Victor,à peine 16 ans, qui n'a pas de sang sur les mains, a été toutefois complice et va écoper d'une lourde peine. Illettré, il a quand même pu déchiffrer les mots : «  réhabiliter, civiliser, produire »...
On suit les étapes du transfert depuis la prison du Mans, leurs nuits dans des granges, sur la paille, avant la prison de Toulon. C'est à Aix-en-Provence, au détour d'une pente qu'il distingue « une grande étendue bleue », ce qui convoque les paroles de son père : «  Tu verras, la mer, c'est immense, c'est comme si tes yeux ne pouvaient pas tout voir d'un coup. C'est infini ,ça sent fort, et quand ça se met en colère, ça dépasse toutes les fureurs ».


Là, ils ignorent quel sera leur sort, leur destination de bagne et la durée. Pour certains la Guyane pour d'autres la Nouvelle Calédonie.
Ils se retrouvent enchaînés avec un compagnon censé les instruire. On leur rappelle le règlement.Leur gardien Lapierre est un dur à qui il faut mieux obéir. « La punition mène à la rédemption... » La répression est implacable, les ( «  cachots pleins »). Les coups de matraque pleuvent, les détenus sont bastonnés par les gardes qui n'hésitent pas à utiliser le fouet. Tension. Beaucoup de violence : « ça craque, ça suinte, ça cogne, ça pue le sang et la boucherie ».

Le lecteur peut être écoeuré par les odeurs pestilentielles (de pourriture, de vomi, de vermine, d'urine…), relents d'ail, de vin, mais ainsi l'auteur réussit à rendre compte des conditions de vie exécrables, durant le transport des condamnés jusqu'aux geôles de Toulon. Les vêtements fournis sont sales ( «  chemise de toile blanche crasseuse au col et sous les bras »). Ils connaissent les privations ( pain noir rassis, eau croupie), les piqûres de moustiques, la morsure du froid, du gel en hiver…


Les condamnés doivent supporter un boucan d'enfer dont le lugubre cliquetis de chaînes.
Quand Victor, matricule 337, écope de la tâche de nettoyer la frégate prison, la Danaé, avant que celle-ci appareille, on imagine la puanteur des corps avec la promiscuité, l'atmosphère putride.
Situation qui rappelle celle des esclaves entassés dans la cale d'un bateau, relatée par Wilfried N'Sondé dans Un océan deux mers, trois continents. Les hommes ont connu la même abjection humaine, les mêmes scènes de cruauté, d'humiliation.

Une fois avisé de sa destination(Nouméa),Victor tente d'obtenir des renseignements sur ce bagne .

C'est seulement en mars 1872 qu'il embarque dans les soutes de la Danaé, «  bateau cage », n'ayant pas pu bénéficier d'une amnistie ( malgré « l'appui de Victor Hugo »).
Beaucoup de malades à cause du roulis. Ils croisent des dauphins qui fendent l'eau à une vitesse ahurissante, les observent penchés au bastingage , mais les gardes interviennent, l'insurgé est molesté. Dix jours de traversée, même routine, ils tendent des hamacs pour dormir. Dans la journée, ils ont droit à un moment de promenade, chantent mais ils sont vite réprimés par les gardiens. Les corps souffrent, portent les stigmates des coups reçus, d'autres sont jetés par-dessus bord.
Martin relate son odyssée, sa propre descente aux enfers.
Les bagnards apprécient l'escale de Gorée où on leur sert des fruits frais, le soir.
A Nouméa les bagnards, travaillant sous un soleil de plomb, portent le chapeau de paille.
Des projets d'évasion se fomentent. Laissons le suspense.
Quant à Victor, pourra-t-il réaliser son rêve de devenir cordonnier ?
Sa solitude , «  lui qui dit ne compter pour personne », malgré une fraternité tissée avec Leo, suscite l'empathie.


Franck Chanloup adapte son vocabulaire, utilise un registre souvent argotique pour coller au mieux à ses personnages peu instruits : «  les douilles, les esgourdes,les crayons pour les cheveux, les roubignolles », « villebrequins », ou des expressions comme « être choisi pour la guirlande » ( ce qui est le cas pour Victor, sur ordre de Lapierre) ou encore«  mézigue ».

A l'approche de Nouméa, il décrit des paysages qui font en général rêver ainsi que les fantasmes que Victor associe au mot « mer » : « des chapelets d'îlots, variantes de bleu, palmiers majestueux », et plage d'un blanc éblouissant .

En toile de fond, l'auteur rappelle la situation politique de l'époque , à savoir les Prussiens aux portes de Paris, « Versailles devenu le nouveau siège du gouvernement » ( barricades, soulèvement populaire). Seuls les bagnes des colonies subsistent. le camp de Toulon doit fermer. Il dresse aussi le portrait de bien d'autres détenus dont des communards, évoquant les liens tissés entre eux.


Franck Chanloup livre un témoignage, un récit mémoriel et sensoriel précis de la vie des bagnards, met en scène un univers principalement masculin qui rappelle celui de Mingarelli .
L'auteur, lecteur de Boudard, étonne par sa maîtrise pour un premier roman, mais beaucoup le connaissent par son blog littéraire, sous «  francksbooks » et ont déjà pu apprécier sa plume.


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Il fut un temps – et celui-ci n'est pas si lointain – où, en France, vous pouviez vous retrouver en prison pour "vagabondage". Dans cette prison, il n'était pas rare que vous ayez à faire à des garde-chiourmes injustes, brutaux et corrompus, qui avaient l'art et la manière de vous pousser à bout et la justice, impitoyable, avait tendance à attendre de vous que vous prouviez votre innocence, plutôt que de tenter de prouver votre culpabilité. Face à cette incurie, pour peu que vous eussiez un peu d'orgueil et que vous vous rebelliez, vous finissiez très vite au bagne, qui, par le biais du "doublage", devenait mécaniquement une peine de travaux forcés et/ou de relégation à perpétuité dès lors qu'elle dépassait 8 ans, ce qui arrivait très rapidement. Cette histoire est par exemple celle de Paul Roussenq, devenu le bagnard le plus incorrigible des îles du Salut alors qu'il n'était à l'origine qu'un vagabond vaguement anar et insoumis, mais surtout totalement inoffensif.
Ce monde qui entache à jamais de honte et d'opprobre le second Empire, puis la troisième république française, Franck Chanloup le fait revivre à travers ce premier roman paradoxal, à la fois intimiste et pudique, tout en étant un road trip effrayant et un formidable cri de haine contre l'injustice et les mauvais traitements infligés à des hommes par d'autres hommes.
Ça commence fort, par l'histoire d'une famille de miséreux comme il y en avait tant au XIXe siècle, poussés au crime par la pauvreté et la faim, mais aussi par l'étalage obscène de la richesse des autres, des bourgeois, ceux qui suscitent la haine des damnés de la terre, et l'on devrait s'en souvenir alors que notre société devient à nouveau de plus en plus inégalitaire. Il y a du "Les Misérables" de Hugo dans la famille de ce Victor-là, mais il y a aussi un peu des gueux De Maupassant, et c'est déjà poignant.
Puis, c'est la descente aux enfers. le ventre mou de l'histoire se trouve à mon avis au milieu du séjour au bagne de Toulon, où le récit se fait plus factuel et commence à tenir de la chronique. le rythme revient cependant avec l'arrivée de Léopold Lebeau, le bien nommé, le communard, l'incorrigible (il y a du Roussenq dans son attitude de défi), l'intello, admiré, monté au pinacle, et aimé aussi, par notre jeune et naïf héros.
Jusqu'à la fin, ce rythme ne fera plus défaut, et l'on rougira plus d'une fois de honte face au comportement inqualifiable mais hélas parfaitement documenté des geôliers ignobles et corrompus de la pénitentiaire et de leurs auxiliaires canaques. On retrouvera la triste réalité des témoignages croisés d'Albert Londres, Paul Roussenq, René Belbenoît ou Eugène Dieudonné, même si ceux-ci concernent davantage le bagne de la Guyane, mais visiblement, celui de "la Nouvelle", près de Nouméa, n'avait pas grand-chose à lui envier, et je fais confiance à l'auteur là-dessus car il semble s'être bien renseigné sur le sujet.
Un petit regret peut-être sur le manichéisme, car tous les survivants du bagne sont d'accord pour dire qu'heureusement, quelques gardiens intègres et humains sauvaient parfois la situation et faisaient seuls la différence entre le bagne et Auschwitz ou Buchenwald. Point de cela ici : les garde-chiourmes sont tous des ordures et il n'y en a pas un pour racheter l'autre.
C'est donc fort logiquement que l'on suit nos héros jusqu'à leur tentative d'évasion, car comme le disait très bien un bagnard, je crois que c'est Dieudonné : "l'évasion était la seule solution pour les bagnards sains d'esprit, et les gardiens le savaient".
Parce que ce système ignoble et inhumain, loin d'amender les délinquants, ne faisait que les corrompre davantage, et même à l'époque, il fallait être bien aveugle pour ne pas le voir. Une question qui, plus de 100 ans plus tard, est loin d'avoir perdu sa modernité, à l'heure où notre système carcéral, même s'il a heureusement fait quelques progrès, est régulièrement pointé du doigt par Amnesty International, par l'ONU et même par l'Union européenne.
La question reste primordiale, en effet : que veut-on faire avec nos délinquants ? Les réinsérer, ou juste les sanctionner et les exclure ?
Ce roman peut aider à répondre à cette question. D'une écriture claire, simple et sans fioritures car elle est la voix à la première personne d'un jeune homme sans instruction, né au mauvais endroit au mauvais moment, Franck Chanloup, dans ce premier roman prometteur, rend justice à Victor, ce damné de la terre né pauvre et inverti, qui n'en est pas moins un être humain, et qui ne méritait pas cela.
Merci aux éditions Au vent des îles pour cette lecture. Un éditeur qui a le mérite de faire vivre les coutumes et la mémoire de nos terres d'outre-mer si lointaines et si paradoxales, qui nous font si souvent rêver, mais où nous avons si souvent exporté le cauchemar.
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Depuis quelques années, Franck Chanloup sévit sur la blogosphère avec ses chroniques pertinentes qui sont des véritables sources d'inspiration pour moi. de par son thème, si ce n'avait pas été le premier roman d'un ami blogueur, je ne crois pas que j'aurais tenter cette lecture. Mais étant fan de son travail, je voulais être aux premières loges pour assister à son passage de « l'autre côté » !

Pour tout vous dire, je suis ravi de l'avoir fait ! Dès les premières pages, on s'aperçoit que l'auteur a un style littéraire bien à lui. En se plaçant dans la tête de son narrateur, illettré et miséreux, il adapte sa manière de raconter. Ce dialogue intérieur est un savant mélange d'écriture exigeante et de mots d'argot. Grâce à cette prose authentique, il nous emporte dans le monde pathétique de Victor. On suit ses mésaventures faites d'emprisonnements, de travaux forcés et de tortures.

La grande qualité de ce roman réside dans sa capacité à incarner l'atmosphère qui règne dans ces lieux sordides. le lecteur est plongé au milieu des odeurs, de la crasse, des souffrances, du sang, des larmes et en discerne les moindres nuances. Ressentant toutes ses sensations, il vit les déboires du personnage principal à ses côtés, entre en empathie avec lui et s'attache à son destin.

« Les enchaînés » est un récit âpre qui pousse l'âme humaine dans ses retranchements et nous fait découvrir une page inconnue de notre Histoire. Dans ses propres lectures, Franck Chanloup a toujours eu un faible pour les personnages approfondis, pour les romans avec du fond et pour les belles écritures. Avec une maîtrise impressionnante pour un primo romancier, il a su projeter toutes ces qualités dans son nouveau rôle. le pas est franchi avec succès. Il est donc devenu l'écrivain qu'il aurait aimé chroniquer et pour ça, je lui tire mon chapeau ! Vivement le prochain l'ami !
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
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Transportés, déportés ou relégués, qui sont ces hommes, et femmes, qui ont connu la Nouvelle-Calédonie au travers de son bagne ? Avec son roman Les Enchainés, Franck Chanloup leur donne une identité, une force et une espérance en mettant en scène le passé de ces îles.
Victor Chartieu rêve de s'installer cordonnier. Il lui suffit de vingt-quatre francs pour acheter des outils. A raison de cinq centimes d'économie par mois, Victor sait qu'il se doit d'être patient ! Seulement, du haut de ses quinze ans, il sait aussi obéir à son père.
Alors, lorsque pour vivre, son père et son grand frère se mettent à détrousser le bourgeois, Victor fait le guet, comme son père le lui demande. Et, lorsque, arrêtés, son père l'oblige à mentir au tribunal, Victor l'écoute encore. Pour l'un la liberté, pour l'autre la guillotine et pour le plus jeune, neuf petites années au bagne.
Certes, ce n'est pas le tour de France du meilleur ouvrier que propose Franck Chanloup ! C'est plutôt un tour du monde des repris de justice et, autres reléguas, qui est raconté ici. du village de Rouillon dans la Sarthe, où la pièce à vivre protège de l'humidité et la couche des cafards jusqu'au bagne de Nouméa, en passant par la prison du Vert-Galant, le bagne de Toulon et la traversée sur le Danae, Victor essaye de grandir en apprenant à baisser la tête pour s'épargner les coups.
Réhabiliter – Civiliser – Produire, la devise de ce chef de camp qui se voulait progressif, à l'image d'un Charles Guillain, gouverneur de cette terre qui mit en place ce système de transportation pénale. Mais, le matricule 337, porté par Victor, vit bien autrement cette maxime.
Franck Chanloup choisit de raconter les gens de peu. Au coeur de conditions de vie terribles, des sévices et des privations, des hommes, et des femmes, essayent de survivre même si le système veut à tout prix les ramener à l'état de bêtes.
Car c'est un voyage au coeur du XIXè siècle de la misère, de ce peuple qui n'a plus rien et surtout pas un soupçon de liberté. Des chaînes qui entravent, des confinements où les corps s'entassent, sans soin ni minimum de considération qu'on devra plus tard à tout être humain, les différentes conditions de détention sont clairement énoncées.
Pourtant le lecteur souhaite que ce jeune adolescent puisse un jour sortir de l'horreur qui l'accable, et cela, tout au long du roman. Victor raconte ses peurs, ses efforts pour être invisible et sa jeune force de travail. Certes, plus frêle et plus jeune de tous, il est aussi généreux et fidèle à ceux qui acceptent de lui donner sa protection. Les Enchaînés sont le récit de ces amitiés improbables qui forment comme le rite de la guirlande mais aussi qui transcendent, comme celle avec Léopold Lebeau, meneur d'hommes épris de justice, lorsque l'amour s'en mêle.
Évidemment, l'éloignement donne libre cours aux comportements de chefs sadiques qui s'appliquent avec ardeur à accomplir la tâche pour laquelle ils sont nommés : coup de fouets, punition de la ralingue et bastonnades pour maintenir peur et obéissance.
Viennent croiser le chemin du jeune homme, des personnages accablés par la vie : La mère de Bidochon passe de la plage où les enfants font des châteaux de sable à la prostitution pour survivre. Un soir de beuverie, de jeunes bagnardes sont violées dans l'indifférence de tous. Et, puis, il y a ceux que l'on déporte pour avoir célébré la République. Croyant à la parole du peuple et à l'expression de la liberté, les Communards, en tout cas ceux qui ne sont pas fusillés, se retrouvent dans ce bagne broyé par un système carcéral qui quelques années plus tard leur apportera l'amnistie. Néanmoins, moins ils reviennent, mieux s'en porte le système.
Franck Chanloup n'est pas historien. En choisissant la forme romanesque, il raconte le passé de sa terre de coeur, la Nouvelle-Calédonie, dans ce premier roman paru atypique. A part Papillon, le récit autobiographique de l'ex-bagnard en Guyane Française, Henri Charrier, adapté plusieurs fois au cinéma, la vie au bagne m'était complément inconnue.
Particulièrement attachant, Victor illumine de sa jeunesse le récit des heures sombres. L'écriture de Franck Chanloup est particulièrement soignée même si l'argot témoigne de la façon de parler de l'époque. Et, rapidement le lecteur tourne les pages pris au piège de l'espoir d'un dénouement heureux.
Bien que la fin soit un peu trop rapide à mon goût, mais aussi que dire de plus important, Franck Chanloup réussit à faire vivre des prisonniers anonymes sur cette terre française du bout du monde. Après cette découverte très agréable, impossible de regarder ces îles paradisiaques de la même façon surtout lorsqu'on songe aux pierres qui façonnent les routes …
https://vagabondageautourdesoi.com/2021/04/04/franck-chanloup-les-enchaines/
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Nous aspergeons son visage, qui reprend des couleurs. Il murmure des paroles incompréhensibles et un nuage de bave cerne sa bouche. Je reste avec lui longtemps, lui parle en caressant ses cheveux. Plus tard Villers réapparaît. Il nous dépasse sans un mot ni un regard, puis s’éloigne vers l’entrée du camp.
Grégoire s’éteint au coucher du soleil.
Il s’affaisse et cesse de respirer d’un coup.
Des correcteurs s’emparent du corps et l’emmènent vers le cimetière aux croix tordues.
Je ne regarde pas.
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Ils nous ont sortis presque nus. Le jour venait de se lever et une carriole avec une cage attendait en bas sur le trottoir. On aurait dit que tout le voisinage était là, on nous a craché dessus, j’ai entendu des « on le savait que c’étaient des brigands, des pendez-moi-cette-mauvaise-graine, des à-la-guillotine ». J’ai aussi entendu gueuler une garce qui me fixait. Elle leur disait de ne pas toucher à ma gueule d’ange, que ce serait du gâchis, puis elle a tourné les talons et je ne l’ai plus revue. Après, des gamins se sont moqués d’Alphonse qui essayait de remettre son œil en place, d’autres ont tenté de s’agripper aux rouflaquettes du vieux, certains ont grimacé et ont passé leur chemin, mais ils étaient rares.
Et puis on a commencé à recevoir des cailloux.
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En tant que déporté simple, je ne suis pas obligé de travailler et c’est une chance quand je vois leur état. Leurs jambes sont noueuses et leurs ventres rentrés, il n’y a plus rien dans leurs yeux, et leurs tuniques de coton flottent sur leurs corps suppliciés. Plus loin, un prisonnier est couché dans le fossé, il porte la double chaîne et je crois qu’il agonise. Nous passons notre chemin en baissant la tête, puis nous apercevons un gardien bedonnant qui s’en vient. Je le connais celui-là, une vraie barrique de mauvais vin qu’il vaut mieux éviter. Il nous dépasse et, d’après les bruits, s’enfonce dans le fossé pour achever l’enchaîné. Les coups font un bruit sourd et humide que j’entends encore dans ma tête au moment où nous pénétrons dans les baraquements.
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Les murs suintent , ça sent le champignon et le sous- bois. Pas la douce odeur de l'automne,non celle du fumier, des corps en souffrance, celle des aliments qu'on aurait laissé pourrir au soleil, celle de la croûte qui recouvre le fromage. Bref, ça pue et les visages que j'observe autour de moi sont ternes, ils respirent la vermine et la maladie.
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D’après la rumeur, nous sommes entrés en guerre.
Pour nous autres, ça ne change pas grand-chose, mais les gardiens semblent d’un coup plus nerveux et leurs hurlements sont plus fréquents.
Lapierre surtout. Il est sur notre dos toute la journée et les coups pleuvent dès que quelque chose ne lui va pas. Hier il a bastonné un vieillard qui a tardé à manger sa pitance, le pauvre vieux a fini à terre, son écuelle de fèves renversée sur le visage. Il a évité le cachot de peu, mais d’autres n’ont pas eu cette chance. Il punit pour tout, ce salopard : une armoire mal rangée, un regard de biais, une parole dans son dos, et vous voilà au mitard à compter les cafards.
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