C'est le troisième roman de
Jérôme Chantreau qui boucle son cycle sur la mort que je lis, il est le deuxième de cette trinité, je les ai lu dans le désordre,
Avant que naisse la Forêt, son premier sur sa maman, le dernier
Bélhazar sur un ancien élève du même nom et d'une jeune fille malade Dana qui lui a donné le courage de commencé ce troisième ouvrage qui devra clore ce thème sur la mort,
Les enfants de ma mère est le deuxième roman, ma troisième lecture, cette linéarité logique de l'auteur est rompue par cette lecture inexplicable du lecteur que je suis, cet opus est une traversée de Paris au coeur des années 80 à travers le regard d'une femme et des enfants qui gravitent autour d'elle. La fin amorce le sentiment d'hommage, livrant le pont de Madrid, ce passage vers le 26 rue de Naples, comme cette maison perdue dans les bois du ce premier roman, Andréa, Victor, Coralie vont être le spectre de certaines scènes de vies anciennes que l'auteur n'oublie pas, que l'auteur façonne dans l'imaginaire littéraire, Françoise semble être l'héroïne, c'est
Les enfants de ma mère, Edurne, Reza seront présent, des âmes vagabondes perdues dans une société qui broient les exclus, la différence, les clandestins et ces rêveurs qui sombrent dans l'oubli.
Mon sentiment est partagé, je viens de finir ce roman prolixe de plus de 450 pages, Laurent se retrouve entre les cuisses de Céline, écoutant un CD, le douceur matinale de deux amants dans l'alcôve de leur passion, pourtant ce n'est pas un roman d'amour, au contraire, l'amitié est ce sentiment fort qui inonde cette histoire, l'amour semble être mis à l'écart, Françoise la mère de Nathalie et Laurent s'est séparé rapidement de leur père, restant leur géniteur mais se transformant juste en banquier, un divorce avec la lâcheté du père, Victor et Andréa sont orphelin de leur père, tous deux morts, l'un assassiné, l'autre d'un accident de voiture, ces femmes monoparentales éduquent leurs enfants dans une société en mouvement, Mitterrand vient d'accéder aux pouvoirs, son slogan Changer de vie tinte chez Françoise, cet écho sera le refrain de cette femme engluée par le poids de ces racines, Françoise est cette lumière fragile, quelque fois terne qui va être ce fil d'Ariane de ce roman,
Jérôme Chantreau retrace surement sa vie Parisienne de son enfance, il y a toujours une part de l'auteur dans ces écrits, Laurent, Victor, Coralie, Edurne, Andréa et les autres sont des fantômes de son passé et Vincent à qui il dédie ce roman est-il celui qui cristallise la genèse de ce roman, cet ami mort, pour qui le pont de Madrid est la stèle lointaine de la liberté et de l'insouciance.
Françoise Le coeur de ce roman, dérive tout le long de cette rivière de conscience, celle de ces années mitterrandiste vers un changement de vie, ce slogan placardé lors de la campagne des élections présidentielles de 1981 par
François Mitterrand, « Changer de vie », cette musique ondule dans le creux de l'oreille de Françoise, dès qu'elle osera mettre son bulletin de vote dans l'urne, votant pour cet homme de gauche, à contre-courant du 26 rue de Naples, tout bascule, la France ouvre la porte à un socialiste d'espoir, Françoise divorce, elle se maquille beaucoup, porte des robes Kenzo hors de prix, prends des amants, organise des repas le samedi soir avec des jeunes érudits de toutes horizons, héberge des jeunes paumés, laisse sa porte ouverte du 26 rue de Naples, oublie Laurent son fils et surtout rêve d'être cultivée. Françoise est joyeuse en femme sociale, désirant vouloir aller aider les autres, au contraire de ceux de droite, qu'elle a toujours subit, elle veut être libre, elle veut devenir artiste de sa vie, peintre le tableau de son existence où la femme s'émancipe, où la société dérive lentement, S.O.S raciste et son slogan de la main jaune arbore les jeunes de la rue, Françoise surfe malgré elle sur monde moderne qui évolue vers des nouvelles technologiques. Françoise est une femme bourgeoise dans sa nature extérieur, ces habits, son appartement, la vie en elle-même, l'argent de son ex-mari, sa Rolex à son poignet offerte par son ex-mari à la naissance de Nathalie et surtout cette nonchalance des événements, cette boite à Bac pour son fils, ses week-end en Bretagne laissant seul ces enfants livrés à eux-mêmes, laissant son fils plonger lentement dans l'héroïne, Françoise est une femme prisonnière de ces démons, elle voltige comme une équilibriste sur ces petites crises d'angoisses, puis le brouhaha des mots dans son cerveau qui l'empêche d'évoluer, déjà à l'école, elle n'écoutait plus, les mots étaient trop gros, trop lourds pour entrer dans sa tête, elle se perd dans ces diners du samedi soirs avec ces dandys devenus des petits bourgeois, sans saveurs, sans noblesses, gargantuesques avec la cave de Françoise, allant à se battre comme des chiffonniers, oubliant la gentillesse de leurs hôtes, Françoise laisse sa fille Nathalie se disputer avec son Compagnon et collègue de travail, Pascal, lors des repas où volent les couverts et assiettes, considérant cette cacophonie comme harmonieuse, Françoise sans ces enfants aurait vécu une vie de bohème, elle aspire à cette vie d'artiste, la peinture sera sa voix, celle libératrice de son indépendance.
Ce roman me ramène dans ces années qui ont bercés mon adolescence, ces années 80 qui pétillent encore de leurs effervescences, elles ne sont pas limitées dans la cartographie Parisienne, cette ville déplie sa carte des rues où déambulent Laurent et ses amis, où se déroulent le commencement des rêves, de l'amitié, de la fuite, des jeux d'enfants au prolongement de la délinquance, de la musique dans les caves, de la drogue, des hauteurs des toits qui regardent Paris dans sa grandeur d'âme où s'évaporent la peur, Paris dévore ces gamins prisonnier de leurs amitiés, celle entre Victor et Laurent, toxique par la faiblesse de Laurent, Victor est ce spectre égaré dans un champs, devant ce tableau moderne de ce dormeur à la seringue planté dans le bras, cette scène figeant l'instant dans une profondeur poétique, tout est vivant, ce garçon et cette incrédulité de son âge, cette jeunesse qui est déjà partie, son père est mort, sa mère ne le dispute plus, le dormeur à la seringue git dans cette voiture comme ce poème de Rimbaud, le dormeur du val, Victor est spectateur de son avenir, sa vie ne sera pas comme les autres, il n'a pas peur sur les toits avec Laurent, funambule de la vie, proche du précipite, il vit sa vie sans contrainte sans avenir, ne pas subir ces hommes et femmes dans la rue en costume de travail, à subir une vie, Victor brûle sa vie, il la consomme trop vite, laissant Laurent suivre son ombre, Victor est l'ombre néfaste de Laurent, Edurne donnera à Laurent le sésame pour quitter cette amitié néfaste et gangréneuse, cette amitié devenant une dictature qu'il aurait voulu échapper en moto comme
Steve McQueen, avec elle la liberté est proche ! Je n'ai pas retrouvé mes années 80, je ne suis pas un Parisien, ni un enfant stagnant dans la bourgeoisie, Andréa et Coralie sont surement plus proche de moi, dans leurs couches sociales, je n'ai pas vécu au 26 rue de Naples, mais j'aurai pu être un ami à Laurent, celui qui rêve les mots, qui écoute Brel, qui lit Au bonheur des tristes, un magnifique roman, je détestais Les Rolling Stones, j'aurai libéré Laurent de Victor, je serai surement tombé amoureux de Coralie, aurai-je pu sauver Victor de son destin, je ne crois pas, Laurent coule dans la chaleur de la chair de Céline, cette fin est belle, sans oublier Françoise, son rêve d'être l'héroïne de Belle du seigneur lorsqu'elle prend son bain, elle voguera plutôt dans l'art qui la caractérise la peinture ; réalisant le portrait de ces enfants pour être exposé dans une galerie.
J'ai encore beaucoup à dire sur ce roman, j'oublie le Viking, Reza, Edurne et tant de choses, je me limite pour ne pas être trop prolixe, trop déborder, trop raconter, trop dévoiler, trop m'étaler,
Jérôme Chantreau a une prose agréable, j'aime sa façon d'écrire et le destin de mes lectures est naturel, ma chronologie de lecture correspond à la valeur de profondeur des émotions ressenties,
Les enfants de ma mère est celui qui m'a le moins transporté, sans pour autant ne pas l'aimer, il y a moins de magie surement, beaucoup de nostalgie et il me manque cet Éden musicale, Pink Floyd et son Dogs dans Animal ou voguent les cochons et l'analogie avec 1984, je plaisante, J'aime lorsque
Jérôme Chantreau vacille dans une autre dimension pour faire de notre monde le sien comme dans ces deux autres romans, dans celui-ci c'est moins présent, la prosaïque a été magnétique jusqu'au bout, avec moins de surprise que les deux autres, étant ce mince regret.