Citations sur La voiture noire du désir (12)
Et soudain elle reçut le choc de son regard. Quand ils se retrouvaient, c'était toujours la même chose, un regard, un seul qui disait : "Tu es là, je suis là, nous sommes ensemble".
Ce qui compte, somme toute, c'est l'apparence. Que sait-on de ce que l'autre pense, ou fait, ou ressent, ou souhaite ? On l'imagine, c'est tout.
La vie est éphémère et l'amour n'est qu'une histoire qu'on se raconte... Qu'on relise Proust, Shakespeare, tout y est dit.
L'Armistice, le salut aux millions de morts pour la Patrie, cela ne peut se faire qu'en automne, presque en hiver, dans le froid, l'humidité, la mélancolie, parfois la brume, et la tristesse, l'horrible tristesse...
Quand une femme commence à se plaindre, c'est qu'elle entre dans le domaine de l'inépuisable. C'est inépuisable la plainte des femmes. C'est quand elles s'arrêtent que le terrible va arriver.
Elle sourit, parla, écouta. Elle attendait Lucien. Elle n'aurait pas aimé qu'il ne fût pas là. C'était un fait, sa présence la rendait moins vulnérable. Surtout dans une foule. Dès lors elle n'était pas qu'une femme, elle était la femme de quelqu'un. Protégée. Vue différemment. Moins désirable. Pas désirée du tout, même. Elle ne voulait plus être désirée par aucun autre homme que Lucien, jamais.
Les héritières peuvent toujours compter sur tout le monde, c'est bizarre ! A moins qu'il ne s'agisse, en fait, que de compter sur leur compte en banque... Mais ne soyons pas mauvaise langue.
Elle aimait le chien parce qu'il était fidèle. Non, c'était plus compliqué : le chien lui faisait absolument confiance, et elle savait, elle, qu'on pouvait lui faire absolument confiance !
Et Mathilde est métissee. C'est-à-dire qu'elle est mi-femme, par sa féminité, et mi-homme par son courage, son impossibilité à plier, à se déclarer vaincue.
L'amour qu'elle portait à cet homme et à tout ce qui découlait de cet amour. Et qui s'appelait le monde. Si elle aimait les girafes, par exemple, ou les enfants perdus au fond du Laos, ou la petite bague de jade qu'il lui avait rapportée de Chine, c'est parce que c'était des prolongements de son amour pour lui. L'amour ne peut pas vivre dans le vide, il a besoin du monde pour exister, s'étendre... Le monde, en somme, était le corps de son amour, l'incarnation de son amour pour Lucien, son enveloppe corporelle, terrestre.