L'instant est une particule concédée par le temps et enflammée par nous.
Il n'y a que deux conduites dans la vie : ou on la rêve, ou on l'accomplit. (p 23)
RICHE DE LARMES
Merveilleux moment que celui où l'homme n'avait nul besoin de silex, de brandons pour appeler le feu à lui mais où le feu surgissait sur ses pas, faisant de cet homme une lumière de toujours et une torche interrogative.
[…]
Pourquoi changer la pente du chemin qui conduit du bas jusqu'au sommet et que nous n'avons pas le temps ni la force de parcourir en entier ?
L'art est fait d'oppression, de tragédie, criblées discontinûment par l'irruption d'une joie qui inonde son site, puis repart. Laissons l'énergie et retournons à l'énergie. La mesure du Temps ? L'étincelle sous les traits de laquelle nous apparaissons et redisparaissons dans la fable.
La seule liberté, le seul état de liberté que j'ai éprouvé sans réserve, c'est dans la poésie que je l'ai atteint, dans ses larmes et dans l'éclat de quelques êtres venus à moi de trois lointains, celui de l'amour me multipliant.
La zone d'écriture si difficile d'accès, nue au bas de l'abrupt, mais retirée à lui.
Il faut à tout moment expulser de soi ce qui trouble cette source, et couche jonc et roseaux, chers à l'Aimée. Plus de place, sur la planète, même en se serrant.
pp. 175-178
L'Amante
Tant la passion m'avait saisi pour cette amante délectable, moi non exempt d'épanchement et d'oscillante lubricité, je devais, ne devais pas mourir en sourdine ou modifié, reconnu des seules paupières de mon amante. Les nuits de nouveauté sauvage avaient retrouvé l'ardente salive communicante, et parfumé son appartenance fiévreuse. Mille précautions altérées me conviaient à la plus voluptueuse chair qui soit. À nos mains un désir d'outre destin, quelle crainte à nos lèvres demain?
LÉGÈRETÉ DE LA TERRE
Le repos, la planche de vivre ? Nous tombons. Je vous écris en cours de chute. C’est ainsi que j’éprouve l’état d’être au monde. L’homme se défait aussi sûrement qu’il fut jadis composé. La roue du destin tourne à l’envers et ses dents nous déchiquettent. Nous prendrons feu bientôt du fait de l’accélération de la chute. L’amour, ce frein sublime, est rompu, hors d’usage.
Rien de cela n’est écrit sur le ciel assigné, ni dans le livre convoité qui se hâte au rythme des battements de notre cœur, puis se brise alors que notre cœur continue de battre.
p. 46, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, 1973-1979, III, « Comment te trouves-tu là ? Petite marmite, mais tu es blessée ! »
si le monde est ce vide, eh bien! je suis ce plein
Mort, devant toi je serai le Temps en personne, le Temps sans défaut. Mais voilà, tu me regarderas avec les yeux seuls de la vie. Et tu ne me verras pas.
Seul puissant et bien en place: le Temps. Je me suis heurté à lui dans mon éclat, dans mon effroi, parmi les ruines où crisse encore mon obstination.
L'hémophilie politique de gens qui se pensent émancipés. Combien sont épris de l'humanité et non de l'homme! Pour élever la première ils abaissent le second.
LES VENTS GALACTIQUES
- Que fait ton amour, alors que, la maison achevée, tu t’occupes de dresser pour lui un parterre de fleurs, d’élargir une allée de graviers nains, de broder et d’ajouter la calotte nocturne du ciel pour l’arrière de sa tête ?
- Jalonnant la campagne, il jouit d’une autre aise, il creuse des fossés, il enjôle des murs, il rêve d’un cheval gris qui piaffe sous les pommiers.
p. 69, Effilage du sac de jute, 1978-1979