Le
Vaudou fonctionne d'une manière tout à fait comparable aux religions polythéistes égyptiennes, grecques et romaines. Ayant assimilé les divinités, croyances, symboliques et cultes locaux et voisins (principalement les cultures Yoruba - culte des fameux Orishas -, Fon et Ewe), le
Vaudou s'organise autour de vieilles divinités provenant de temps ancestraux - plus ou moins inactives - et d'un Dieu dominant mais inaccessible (Mawu) répartissant son pouvoir entre des divinités locales plus familières aux attributions claires, concernant directement les préoccupations humaines concrètes, et auxquelles il est plus aisé de s'adresser. Traduction symbolique et imagée par les mythes, de la puissance divine, diffuse et inconnue, qu'on ne peut saisir sans la décomposer :
- Heviosso, dieu de la foudre et du feu ;
- Zakpata, de la terre - rouge - et de la variole ;
- Gou, dieu de la forge et de la guerre ;
- Dan, le serpent passeur de mondes ;
- Drou, protecteur des récoltes ;
- Aguin, la guide des forêts pour la chasse ;
- Mami Wata, divinité marine du changement ;
- Legba, messager et médiateur entre les humains et les autres dieux, intervenant dans la divination...
Les rites, si étranges qu'ils nous paraissent, sont cette manière d'entrer en contact avec cette force incompréhensible, de l'amadouer, d'en éviter les mauvais effets ou d'en attirer les bons (comme autant de petits
rituels pour s'attirer la chance). La bizarrerie des procédés répond à la l'illisibilité du pouvoir divin pour un oeil humain : la mise en transe, l'attention particulière donnée à l'anormalité, aux handicapés, aux jumeaux... le musée des horreurs des offrandes et des fétiches activées par arrosage de sang frais (assemblages qui font étrangement penser à la créature du docteur Frankenstein...). Autant de tentatives de regarder au-delà de l'ordinaire et de parler le langage codé de l'extra-ordinaire proprement divin. Si dans la majorité des cas on peut croire à de simples arnaques de prêtres (pour éviter la foudre, ne pas tromper son mari…), dans d'autres, on peut deviner une recommandation pratique - venue de la sagesse populaire ou d'un savoir scientifique méconnu - visant à éviter certains problèmes majeurs (pour apaiser Zakpata, dieu des maladies, il faut accomplir des rites, faire des offrandes, entrer dans la croyance et dans la confiance du prêtre, et ensuite obéir aux recommandations de bon sens qu'on n'aurait peut-être pas acceptées ou suivies à la lettre sans cette aura du prêtre-médecin...). Les rites et offrandes sont la garantie et l'entretien d'un lien de confiance entre le peuple et sa culture, entre le peuple et le savoir de ses élites.
Loin d'être en passe de disparaître, le
Vaudou semble se vivifier comme un fétiche arrosé de sang, à mesure que les populations sont déçues et rejetées, maltraitées par une modernité destructrice sous ses habits de grand prêtre : costume-cravate et blouse blanche. le
Vaudou est-il plus grotesque ou irrationnel, ou satanique, qu'une des ces religions impérialistes et universalistes qui ont tant provoqué de tueries ? La procession des Egungun met en scène des hommes masqués en costumes (qui rappelleront aisément les costumes d'indien des processions du Carnaval de la Nouvelle Orléans, clairement d'inspiration
Vaudou, faisant le lien entre les cultures ancestrales d'Amérique et d'Afrique, tout autant écrasées et méprisées), hommes possédés par les esprits de revenants et parcourant les villages. Qu'on y voit une danse macabre qui rappelle aux vivants que la barrière entre les mondes n'est pas si épaisse, ou un défilé funèbre d'Halloween, jeu de fête et de plaisir de se faire peur pour éloigner la vraie peur et rappeler d'honorer les morts, cette procession exige comme les rites d'initiation que les populations "jouent le jeu". Celui qui ne se plie pas au jeu de la peur est symboliquement tué puis ressuscité. Les populations maintiennent en vie leurs religions et leurs dieux non par croyance aux mythes, mais pour leur propre besoin d'équilibre, par volonté de raccorder leur comportement moral à la longue chaîne des ancêtres. Aussi, ces hommes vendus comme esclaves, déracinés, détachés de leur tradition et de leurs parents, sont appelés "
zombis".
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