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EAN : 9782807002807
232 pages
M.E.O Editions (11/05/2021)
4/5   3 notes
Résumé :
Né dans le Borinage en 1903, Joseph Jumeau est connu comme écrivain sous le nom de Pierre Hubermont. Rédacteur au journal socialiste L'Avenir du Borinage puis au Peuple, il participe à plusieurs revues littéraires progressistes. Très à gauche dans le P. O. B. , mais anticommuniste, il opte pourtant, en 1940, pour l' "âOrdre Nouveauâ" dans la mouvance d'Henri De Man. Il collabore avec l'occupant, d'abord comme journaliste, avant d'animer la Communauté Culturelle Wall... >Voir plus
Que lire après Pierre Hubermont écrivain prolétarien : De l'ascension à la chuteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dans un premier élan, tous mes remerciements à l'éditeur belge M.E.O, ainsi qu'à la dernière Masse Critique-BABELIO-Essais, qui m'ont dévoilé l'existence de cet écrivain belge dont j'ignorais jusqu'au nom ; Un parcours des plus complexes, tant… que trois écrivains ont été interpellés par la personnalité littéraire et politique et se sont lancés dans l'élaboration de cette étude très détaillée tant sur la personnalité ambivalente de cet auteur dit prolétarien que sur l'histoire de la Belgique pendant la seconde guerre…

Fils et petit-fils de mineurs, enfance malheureuse, tentative de suicide à 10 ans alors que sa mère, atteinte de démence est internée…Pierre Hubermont commence à 17 ans son métier de journaliste. de tempérament dépressif, il aura toute sa vie, une tendance à la « persécution »…

Il fut le fondateur de plusieurs revues prolétariennes, dont la première, « Tentatives » (1928-1929) ; Après son succès avec « 13 hommes dans la mine » (1931), il est reconnu, comparé à Zola, ; avec les rentrées d'argent, il voyage un peu, mais pas autant qu'il le souhaiterait trop accaparé par son métier de journaliste politique, tant la crise économique, et les mouvement sociaux s'aggravent… ;Il se bat avec ses articles, ses romans, contre les injustices et les déterminismes sociaux…

Pierre Hubermont acquiert une vraie reconnaissance auprès des autres écrivains dont celle de l'écrivain, Charles Plisnier..
« Première descente---
Cet émouvant récit, publié dans -Tout-, décrit la première journée de fosse d'un gamin de quatorze ans dont le modèle est plus que probablement François, le frère aîné de l'auteur.
Hubermont insiste sur l'atavisme, le poids du déterminisme social et familial:
"Mineurs de père en fils: mineur tu seras. Il faut que tu apprennes, dès aujourd'hui, à boucler ta ceinture.
Tu étais le deuxième de ta classe. le premier, c'était le fils de l'employé qui est un ami de l'instituteur. Ils jouent tous les deux de la musique à la fanfare du charbonnage. le troisième, c'était le fils du porion. C'est décidé: le fils de l'employé va à l'athénée, le fils du porion à l'école moyenne. Finie la dernière partie de cache-cache, ils ne te reconnaissent plus. Ils ont appris à mesurer les distances. Déjà...Toi, si tu peux-et si tu veux- tu iras, ta journée faite, suivre les cours industriels. (p. 63)”

Cet essai est très riche, tant sur l'analyse détaillée des romans et écrits de Pierre Hubermont, de sa personnalité, que sur le contexte historique et économique de l'Europe et de la Belgique annexée, envahie par l'Allemagne… Pierre Hubermont, en sus d'une histoire intime traumatisante, est tombé dans une période, elle –même ambivalente… et tourmentée.
Pourquoi, lui , qui comme Zola, défendait et écrivait pour les ouvriers, fustigeait les classes bourgeoises et dirigeantes, a-t-il dérapé vers la collaboration… ? traumatisé par la première guerre, puis la seconde guerre ayant en partie brisé sa carrière littéraire, l'écrivain avait « la Colère », a dérapé, développé un nationalisme exacerbé, et des propos antisémites !!

« Dans -Germain Péron, chômeur-, Hubermont se livre en quelque sorte à son autocritique. L'auteur de -treize hommes dans la mine- dresse ici un constat lucide de la redoutable responsabilité des intellectuels aux yeux de la classe ouvrière qu'ils prétendent servir. (..)

A la maison, le père Péron menace de chasser Germain si, dans les huit jours, il ne trouve pas de travail. Au cours de la discussion, le vieil ivrogne blesse son fils à la face d'un coup de tisonnier. Germain doit rester quelques jours au repos, le temps pour la plaie de cicatriser. Il lit pour tuer le temps, un hebdomadaire fasciste aussi bien que -L'Humanité- :

"Il y a en moi des tendances contradictoires, communistes ou fascistes ? Je n'en sais encore rien. J'ai lu longtemps un hebdomadaire fasciste et je me suis presque trouvé d'accord avec les articles qu'il contenait. Mais comme je lisais la feuille fasciste qu'une fois par semaine et que l'Humanité achetée à Blanc-Misseron me servait quotidiennement de pâture intellectuelle, j'étais communiste tous les jours de la semaine et fasciste le dimanche. " (p. 98)

Bravo à ces trois écrivains pour cet ouvrage précieux, documenté à l'extrême, nous faisant découvrir cet auteur,avec toute l'objectivité possible, nous signalant combien ce dernier est demeuré « sulfureux », même présentement, au vu de plusieurs refus quant à la consultation d'archives, dont celui du propre fils de l'écrivain, Paul Jumeau…

Je transcris les dernières lignes qui en disent long…sur les difficultés extrêmes de ces procès pour « collaboration »…D'autres exemples d'artistes français se sont trouvés dans des situations détestables ; certains ont bénéficié du fait que le « public » a su séparer l'oeuvre littéraire des opinions « politiques » ...


« Joseph Jumeau alias Pierre Hubermont s'éteint le 18 septembre 1989 à Jette, deux semaines après son exact contemporain Georges Simenon. le plus traduit des romanciers belges avait, en 1945, fui la justice française, le Comité national d'épuration des gens de lettres à Paris enquêtant sur ses succès littéraires et cinématographiques sous l'Occupation. Il s'était alors installé au Canada, puis aux Etats-Unis. Si le décès du créateur de Jules Maigret déclencha une sorte de deuil national, on chercherait vainement quelconque notice nécrologique portant sur l'auteur de –Treize hommes dans la mine »[…que je suis curieuse de lire après la lecture très instructive de cette biographie ! ]
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J'ai reçu ce livre dans le cadre de l'événement « Masse Critique » non-fiction. A ce propos, je remercie Babelio et l'éditeur M.E.O. de m'envoyer ce livre intéressant.

En lisant le résumé du livre, j'étais immédiatement intéressé : un écrivant plorétarient, c'est-à-dire progressiste, fait le choix de collaborer avec l'occupant nazi. Comment ? et pourquoi ?

Charneux, Fourmanoit et Duray nous livrent ici une biographie complète, minutieusement recherchée et documentée, de l'écrivain belge controversé Pierre Hubermont. Ils ne négligent pas le contexte politique, économique et sociale dans lequel Hubermont vivait. Un point que j'ai trouvé très fort c'était que ses oeuvres sont présentés autant efficacement que l'on peut constater son évolution idéologique et les caractéristiques fondamentales de son style littéraire.

On trouve, alors, une réponse très claire et détaillée à la première question (comment a-t-il collaboré ?). On voit les changements, parfois subtils et parfois abrupts, dans les articles d'Hubermont et comment il rapproche de « l'Ordre Nouveau ». En revanche, c'est le lecteur qui doit répondre à la deuxième question (pourquoi a-t-il collaboré ?). Il manque d'analyse profond de ce changement, mais il me semble que ce soit fait exprès. Les chercheurs ne veulent pas donner de réponses catégoriques ; c'est évident puisqu'on voit le point d'interrogation souvent dans ce livre. Ce n'est pas nécessairement un point négatif, puisqu'il l'on fait penser et poser des questions. J'avais rencontré cette phénomène plusieurs fois : un écrivain ou un intellectuel progressiste change la peau en face des circonstances qui mettent ses convictions auparavant exprimées à l'épreuve. En lisant sur Hubermont, j'ai développé une idée qui peut donner une partie de la réponse : peut-être est-il le désir d'un auteur, journaliste, acteur, etc. d'être individuellement reconnu, différent, avant-gardiste qui l'empêche d'engager avec les « foules » quand c'est le temps pour le faire. On trouve des traces de cela chez Hubermont même avant la guerre, quand il signe le manifeste du Groupe du lundi.

En retournant vers le livre, je le trouve pertinent à nos jours, puisque l'on trouve des similarités très inquiétantes entre le discours des collaborateurs avec les nazis et ceux des porte-paroles, officiels ou pas, de l'extrême droite et les néo-fascistes.

Encore une fois, je remercie M.E.O. pour le livre et la lettre gentille que j'ai trouvé dedans.
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Une biographie passionnante, reçue grâce à l'opération Masse Critique Babelio non-fiction, sur un écrivain belge aujourd'hui oublié.

Tout y est pour une biographie parfaite : une mise en contexte historique de chaque événement et de chaque oeuvre finement ciselée, des sources de qualité, des analyses relativement poussées de chaque oeuvre littéraire de Pierre Hubermont qui donnent franchement envie de pouvoir les lire (notamment Treize hommes dans la mine qui ressemble à certains égards à Germinal d'Emile Zola) et chaque détail de la vie de Pierre Hubermont et ses revirements de pensée compris, tant sur les questions littéraires que politiques, de son adhésion aux idées du communisme jusqu'à sa chute et la Collaboration, comme d'autres écrivains (français ceux-ci) qui sont davantage restés dans la mémoire collective.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Dans -Germain Péron, chômeur-, Hubermont se livre en quelque sorte à son autocritique. L'auteur de -treize hommes dans la mine- dresse ici un constat lucide de la redoutable responsabilité des intellectuels aux yeux de la classe ouvrière qu'ils prétendent servir. (..)

A la maison, le père Péron menace de chasser Germain si, dans les huit jours, il ne trouve pas de travail. Au cours de la discussion, le vieil ivrogne blesse son fils à la face d'un coup de tisonnier. Germain doit rester quelques jours au repos, le temps pour la plaie de cicatriser. Il lit pour tuer le temps, un hebdomadaire fasciste aussi bien que -L'Humanité- :

"Il y a en moi des tendances contradictoires, communistes ou fascistes ? Je n'en sais encore rien. J'ai lu longtemps un hebdomadaire fasciste et je me suis presque trouvé d'accord avec les articles qu'il contenait. Mais comme je lisais la feuille fasciste qu'une fois par semaine et que l'Humanité achetée à Blanc-Misseron me servait quotidiennement de pâture intellectuelle, j'étais communiste tous les jours de la semaine et fasciste le dimanche. " (p. 98)
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[A propos de son texte "Marie des Pauvres " ]

A treize ans, la petite Marie des Pauvres joue le rôle de Sainte-Thérèse à la procession. Elle est heureuse. (...) Soeur Geneviève freine son enthousiasme : la robe de bonne soeur, c'est juste pour la cérémonie. Elle assure ce rôle parce qu'elle est en sixième et première de la classe.

" On m'appelle Marie des Pauvres parce que j'habite sur le Trieu, là où il n'y a que des ouvriers, et beaucoup d'enfants ml nourris, mal vêtus, avec des traces de doigts noirs sur les joues toutes pâles. Ils vont tous à l'école publique, à l'école de la basse classe, et je suis la seule du Trieu à venir au couvent"

L'école publique, c'est donc -l'école de la basse classe". L'année précédente, -Misère au Borinage-, un documentaire militant qui demeura longtemps interdit, a dressé un tableau chirurgical de cette classe opprimée, ces enfants sacrifiés. Nous songeons aussi au témoignage de Simenon à qui le directeur de l'école des Frères parlait des - "petits voyous de l'école publique" (p. 82)
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"Les Cordonniers"

Dès les premiers mots, nous plongeons dans le coeur du récit: "En rentrant de sa journée de travail à la mine, noir comme un méchant homme, le père déposa sur la table sa mallette de toile bleue encore pleine. Il avait à peine touché aux tartines enduites de fromage blanc. Les trois petits garçons, qui venaient de rentrer de l'école et qui avaien faim, s'écrièrent à l'envi: Du pain d'alouette ! du pain d'alouette !

Cette expression locale employée par les mineurs du Nord et du Borinage désigne le reste des tartines laissées par un ouvrier dans sa mallette après sa journée de travail. Si ce festin n'est pas perdu pour les trois gamins, la mère interroge le père d'une voix inquiète et résignée.- Il n'est pas normal qu'un travailleur de force manque d'appétit. Le père répond : -On travaille dur et on ne gagne pas sa journée.- Une phrase apparemment banale, mais dont la triste réalité n'est pas sans évoquer la découverte de l'absurde dans le Caligula de Camus: -Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux.- L'engagement social de pierre Hubermont est immédiatement perceptible. (p. 44)
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En 1937, dans sa -Défense des lettres-, Georges Duhamel ne manque pas d'évoquer la mésaventure survenue à Pierre Hubermont : (...)

Pierre Hubermont, romancier robuste, a publié naguère un récit de très bonne encre et qui s'intitule plaisamment -Hardi ! Montarchain.- C'est un tableau de la bataille électorale dans un petit bourg de province. pas de fiel, pas de venin, mais du rire et du plus clair. Une peinture franche, de pleine pâte. Bref, un de ces livres qu'on aime pour leur parfum de terroir, pour leur saveur vive et chaude.
A sa grande stupeur, le romancier s'est vu citer en justice. Cinq personnes prétendaient se reconnaître dans l'ouvrage. (...)
aussi bien, une telle chicane est-elle notre affaire à tous. Il nous faudra peut-être, demain, comme à Hubermont, comme à tant d'autres, défendre contre la fureur d'obsédés ou de maniaques, défendre devant les juges nos oeuvres, nos créatures, les enfants de notre souffrance et de notre méditation. Il nous faudra peut-être renier, sous la contrainte, les principes même d'un art qui se nourrit de vérité. (p. 72)
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L'année 1940, qui se termine dans un froid intense, a été pour tous particulièrement éprouvante. Pour beaucoup, l'incertitude , l'inquiétude et un certain fatalisme prédominent. Les Allemands prétendent être installés "pour mille ans".
Si l'on n'est pas partisan convaincu de l'"Ordre Nouveau", que faire ? Partir ? se résigner ? s'accommoder ? espérer quoi ? Pour le commun des mortels, il faut se ravitailler, vivre, que l'Allemand soit présent ou pas. On n'a pas vraiment le choix de dire -Je ne travaille pas pour lui-, car il est omniprésent, dans tous les domaines de la société. Hitler, dans sa proclamation de Nouvel An à son peuple, déclare: -Nous sommes résolus à conquérir pour ceux qui n'ont rien les droits élémentaires de l'homme-. Chez nous, certains (naïfs ? inconscients ?), même à gauche et à l'extrême gauche, vont y croire ! (p. 149)
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