Le Quartier Latin, ce n'est plus ça !
On ne sait plus s'y amuser !
Octave Charpentier prévient le lecteur.
Il ne faut pas compter sur lui pour jouer le rôle du "laudator temporis acti".
Pourtant, à la parution de son livre, en 1923, les derniers compagnons de la Bohême sont morts.
Plus d'un quart de siècle s'est écoulé depuis la triste disparition de Verlaine.
La Grande Guerre a creusé un sillon sanglant à travers l'Europe.
Et la vie, devenue trop chère à l'impécunieux étudiant, a livré le quartier aux gentlemen de la livre sterling et du dollar ...
Octave Charpentier nous offre une splendide visite guidée "à travers le Quartier Latin".
Pour nous, il va y débusquer L Histoire sous chaque vieille pierre.
Et, comme pour rendre la visite plus attrayante encore, son propos s'appuie sur une galerie de plus de 200 superbes dessins à la plume.
L'auteur dit emprunter, pour l'anecdote, au beau livre de Frédéric-Auguste Cazal et de Gustave le Rouge, "Les derniers jours de Paul Verlaine".
Mais c'est un autre ouvrage, signé du même Gustave le Rouge et de Georges Renault, qui est encore dans toutes les têtes : "Le Quartier Latin", paru en 1899.
Octave Charpentier ne compte pas y tremper l'encre de sa plume.
Les deux livres ne sont semblables ni dans l'esprit, ni dans la lettre.
Le premier, contemporain de la Bohême, est traversé par le souffle de sa folie.
Le second, devenu un précis d'archéologie historique, entend dédaigner le pittoresque.
Charpentier n'accorde pas aux personnages chantés par le Rouge une importance considérable.
Pour lui, la mère Casimir, Bibi-la-Purée, la mère Souris et le roi de la Bohême, dans son livre tout juste évoqués, ne furent que de "malheureux parasites d'allure assez singulière, que les étudiants traitèrent avec indulgence, voire avec quelque générosité".
"A travers le Quartier Latin" est un bon livre.
Mais en dédaignant l'âme du quartier pour n'en soulever que les vieilles pierres, il en a malheureusement perdu le souffle ...
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On aime à rappeler cette inscription, placée dans la porte du passage qui menait à la rue de la Parcheminerie, près du cimetière :
Passant, penses-tu passer par ce passage
Où passant j'ai passé ;
Si tu n'y penses pas, passant, tu n'es pas sage,
Car, en n'y pensant pas, tu te verras passé.
Et sur la porte du cimetière, ces deux vers composés par l'imprimeur Vitré, à l'époque marguillier de Saint-Séverin :
Tous ces morts ont vécu ; toi qui vis, tu mourras !
L'instant fatal approche et tu n'y penses pas ! ...
Le Quartier Latin ! ... Que d'évocations à ces seuls mots !
Quiconque y a vécu des années de jeunesse, de labeur intellectuel, de camaraderie franche et joyeuse, ne peut les entendre sans émoi.
Et combien ont passé par le Quartier Latin, depuis les générations lointaines sur lesquelles la neige des ans a semé ses blancheurs, jusqu'à la génération qui y fait actuellement ses études ? ...
La pierre tombale est celle de Julien de Ravelet et de la belle Chlotilde, saints personnages d'une étrange qualité.
La famille Ravelet, au moyen-âge, répandait dans la région de Tourlaville, près de Cherbourg, une terreur comparable à celle que causait Gilles de Rais, "Barbe-Bleue" de sinistre mémoire, que l'on s'efforce aujourd'hui de réhabiliter.
Julien de Ravelet, épris de sa soeur Marguerite, vécut avec elle, en époux, jusqu'en 1603, époque où on les exécuta l'un et l'autre en place de Grèves.
Ils furent inhumés à Saint-Julien-le-Pauvre où leurs têtes, croit-on, se trouveraient encore.
Leur épitaphe ne mentionne pas les hauts faits de leur édifiante carrière ...
Là, chaque pierre est un souvenir, chaque rue, une page d'Histoire ...