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Critique de Marie987654321



Intéressante lecture que ce simple récit et recueil de témoignages sur la banlieue nord et le célèbre 9-3 ! L'auteur, qui a fait les « grands concours » et Sciences Po, est né en Seine-Saint-Denis, au Blanc–Mesnil, fils d'un médecin antillais arrivé dans les années 60. Vivant à Paris, interloqué par l'évolution de sa ville natale, devenue Blancock dans les médias, bien loin de l'image qu'il en gardait ; il a décidé de recueillir les témoignages de ses proches sur leur arrivée , leur vie en Seine-Saint-Denis et son évolution. Les témoins sont ses parents, voisins et amis d'enfance.

Et ils nous racontent comment était cette banlieue dans les années 60, quasi rurale mais peuplé d'ouvriers et d'employé qui travaillaient, pour certains, à Paris ; des gens simples qui ont bien accueilli son père médecin et n'ont jamais, apparemment, eu de problèmes avec sa couleur de peau. Ils nous racontent leurs histoires personnelles, comment la vie les a conduit dans ce drôle de département tout tarabiscoté et qui ne ressemblait à rien : ni la ville, ni la campagne ; avec des fermes, des usines et des entrepôts posés n'importe comment ; pas encore de trottoirs et de routes partout. D'ailleurs, le père de l'auteur explique comment il a failli faire demi-tour la première fois qu'il est venu faire un remplacement à Bobigny.
Mais il est resté et il s'est bien plu…

Quelques anecdotes, pas si lointaine, paraissent surréalistes aujourd'hui , comme l'histoire de Robert et Raymonde qui débarquent à la gare de Blanc Mesnil et tombe sur un vieux monsieur dans une cabane en bois qui leur vend un terrain pour 150000 francs : voilà comment ils ont pu construire leur pavillon…

L'auteur met beaucoup en évidence le fatalisme des habitants : leur capacité d'accepter et de s'adapter et de vivre quand même sans se plaindre ; mais aussi la capacité de vivre avec les autres même lorsqu'ils sont différents. Déjà, on arrivait en Seine Saint Denis de partout.

Il montre aussi un monde où tout le monde travaillait, où le médecin partait en visite la nuit et laissait la porte du garage ouverte pour n'avoir pas à descendre de la voiture en rentrant, où la question de la religion n'en était pas une, où il y avait une vie communautaire…

Enfin, est venu le basculement, fin des années 70 et début des années 80, avec la drogue comme premier signal d'alerte de la fin de ce monde. A l'époque, ce fut d'abord l'héroïne et les morts par overdose bien avant l'arrivée du shit, identifié par certains des témoins comment étant le marqueur du début de la véritable violence qui explose dans les années 90.
La population change de plus en plus vite, avec l'urbanisation de plus en plus importante, l'arrivée des ménages immigrés et le départ des classes moyennes, souvent très rapide. le chômage augmente. L'école se dégrade. La violence s'installe. La spirale est lancée.

Malgré tout, le vieux médecin antillais reste optimiste. Cela mérite d'être souligné. Il trouve que beaucoup de choses se sont améliorées, que la discrimination n'est plus acceptée mais qu'elle serait moins forte que dans les années 80. « J'ai l'impression qu'il y a eu des fluctuations, dans ce système. Mais je crois que dans l'ensemble, on a tendance à s'en approcher, dans la mesure où tout le monde prend conscience qu'il y a un problème et qu'il faut faire quelque chose pour essayer de résoudre ces difficultés. Désormais, tous ces gens sont là, il y a des populations immigrées d'origines diverses, et il faut faire quelque chose pour tout le monde se supporte » (page 150)
En revanche, il est très critique des médias et de la façon dont ils parlent de la Seine Saint Denis : « J'ai l'impression que les médias ont construit toute une espèce de mythologie à propos du 93… Ils en font un roman, ça leur permet d'écrire beaucoup de choses. Mais c'est surfait. Ils ont recréé ce qu'on appelait la Zone dans le temps ».(page 170)

Au final, un témoignage attachant sur un monde perdu, ou simplement un monde qui a changé, un regard qui rappelle l‘épaisseur humaine et historique de ce territoire singulier, qui ne se résume pas à ce qu'en dise les médias aujourd'hui.
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