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EAN : 9782917559710
Editions Baker Street (31/08/2021)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Une reconstitution romancée de ce qu'a pu être la vie du soldat J.D.Salinger, qui a débarqué en Normandie, aidé à libérer Paris, a été parmi les premiers américains à découvrir l'horreur d'un camp de concentration nazi, servi dans le contre-espionnage, avec toujours l'ébauche de son futur grand roman sous la main, et sans jamais cesser d'écrire. Le talentueux romancier américain Jérôme Charyn, en abordant Salinger sous cet angle inhabituel peu connu et qui peut avoi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Certains romans occupent une place particulière dans la littérature américaine et dans le cursus des collégiens et lycéens outre-Atlantique : « Tom Sawyer » de Twain, « Ne tirez pas sur l‘oiseau moqueur » d'Harper Lee » et « l'attrape-coeurs » de JD Salinger.

Je connaissais Salinger grâce à ce roman qui a bercé mon adolescence et à quelques-unes de ses nouvelles également. J'avais découvert son premier amour grâce au « Oona et Salinger » de Frédéric Beigbeder mais je n'avais aucune idée du rôle qu'il avait endossé durant la seconde guerre mondiale et ne savais même pas qu'il avait foulé le sol français. « Sergent Salinger » de Jérôme Charyn a comblé ces lacunes.

J'y allais un peu les yeux fermés car j'apprécie énormément le travail de Charyn comme scénariste de bande dessinée et plus particulièrement sa collaboration avec François Boucq dans leur diptyque « Little Tulip » et « American Cannibals ». Je retrouve dans le roman ce qui fait sa patte : une assise sur des faits réels et une documentation soignée, de la fantaisie aussi et presque du fantastique et surtout une galerie de personnages éprouvés par la vie….

C'est une biographie romancée de l'écrivain qui se concentre sur quelques années seulement : 1942 à 1945. Cela commence au Stork Club à New-York où Sonny, jeune nouvelliste prometteur, escorte son amoureuse Oona O'Neill, dîne à la table du cancaneur chroniqueur de New-York Walter Winchell et croise le grand Hemingway. Puis Sonny est appelé sous les drapeaux et on change de continent. Les images sont presque cinématographiques et très prenantes. On y voit certes le jeune Salinger élaborer ce qui sera la pièce maîtresse de son oeuvre et mettre en scène pour la première fois Holden Caufield, mais on assiste surtout aux horreurs de la guerre. Charyn romance des faits connus (le parachutiste de Ste mère Eglise n'est plus seulement accroché au clocher mais abattu par les Allemands et son corps est dissimulé dans la nef de l'église) et met en lumière d'autres faits peu glorieux qu'on jurerait inventés et qui, après vérification, sont tout ce qu'il y a de plus authentiques : le fiasco de Slapton Sands et de l'opération Tigre par exemple. Il parvient surtout à nous transmettre grâce à son écriture nerveuse et acérée le syndrome de stress post traumatique dont souffrent les « boys » et Salinger. Et ses multiples allusions à la nouvelle « un jour parfait pour le poisson banane » prennent ainsi tout leur sens.

Dans ces passages aussi mordants que ceux de « Candide » ou de l'épisode de « boucherie héroïque » du début de « voyage au bout de la nuit », le biographique devient anecdotique et se mue en témoignage d'une génération perdue. La figure d'Hemingway, grotesque Falstaff, celle du lieutenant devenu fou ou de l'officier qui ne se déplace jamais sans son lance-flammes nous montrent crûment les ravages psychologiques engendrés par la guerre. Charyn démonte donc la mythologie héroïque habituelle et témoigne en outre de la monstruosité particulière à la seconde guerre mondiale dans des pages difficilement soutenables quand Salinger, membre du contre-espionnage, fait partie des premiers à découvrir les camps d'extermination. Ceux qui auront vus l'excellente série « Band of Brothers » se souviendront de ces scènes atroces, mais les mots peuvent parfois être plus forts que les images et c'est le cas ici…

La traduction élégante d'Isabelle D– Philippe rend bien l'horreur, la noirceur et l'ironie du roman. Même si vous ne connaissez rien à l'oeuvre de Salinger, ce livre ne vous laissera nullement indifférent. Merci aux éditions Baker Street et à Babelio de m'avoir permis de le découvrir dans le cadre d'une Masse Critique.
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*** Merci à Babelio et aux éditions BakerStreet de m'avoir offert ce livre que j'avais choisi et auquel je tenais. ***

Quand j'étais snob et menteuse (il y a fort longtemps)... je disais que mon livre préféré, c'était L'Attrape-Coeurs de J. D. Salinger.
Depuis j'ai presque tout oublié de l'errance d'Holden Caulfield dans Manhattan ; par contre j'ai conservé le souvenir du pincement au coeur que m'avaient laissé les dernières lignes d'Un jour rêvé pour le poisson-banane (dans le recueil intitulé Nouvelles).
Dans une interview récente qu'on trouve sur YouTube, Jerome Charyn dit que L'Attrape-Coeurs n'est pas son titre préféré de Salinger, qu'il vient bien après les Nine Stories. Comme moi ! ai-je pensé (moins snob, peut-être, mais pas plus modeste !).

Sergent Salinger est un roman biographique qui couvre la période 1942 à 1947 de la longue vie de Salinger
Il est mort à 91 ans en 2010. le succès mondial de L'Attrape-Coeurs et de ses recueils de nouvelles lui ont assuré une vie confortable. Il n'a plus rien publié après 1965 et vivait retiré (on parle souvent de réclusion, mais ça se discute) dans le New Hampshire. Marié trois fois, il a eu deux enfants.

Avant d'être mobilisé à 23 ans pour servir dans le contre-espionnage militaire et préparer le débarquement sur les côtes françaises, Salinger avait déjà connu un certain succès avec des nouvelles publiées dans diverses revues. Il fréquentait les cercles mondains, intellectuels et littéraires, de New York ; une carrière, une vie, selon ses voeux semblaient s'ouvrir devant lui, mais l'entrée en guerre des États-Unis a tout remis en question ; pas que pour lui, comme on sait.
Tous ceux qui aiment Salinger et ses livres connaissent déjà tout ça, mais moi je ne le savais pas dans tous les détails que révèle Charyn.

En 2014, Frédéric Beigbeder a publié un joli roman intitulé Oona et Salinger à partir de l'idylle de Salinger avec Oona O'Neill (fille de prix Nobel de littérature, future dernière Mrs Chaplin, mère de huit des enfants de Sir Charles) ; je l'avais lu et il m'en était restée l'impression que l'auteur germanopratain était plus amoureux de Oona que de Sonny (ou Jerry, ou Djèdi, les petits noms de J. D. Salinger).
Dans le prélude new-yorkais de Sergent Salinger, Charyn est un peu moqueur vis-à-vis de la toute jeune fille étourdie par son statut de Débutante de l'année 1942 et par les talents de danseur de rumba d'un beau gosse qui voulait devenir écrivain ; ça rétablit l'équilibre avec la version romantique qui voudrait que Salinger se soit enrôlé par dépit amoureux. Avantage Charyn !

Je ne connaissais rien à l'opération Tigre (avril-mai 1944), menée dans le Devonshire parce que les plages de Slapton Sands y offraient un plateau de manoeuvres préparatoires idéal grâce à leur ressemblance avec celles du Cotentin. Une “foirade” épouvantable : 750 morts anglais et américains (peu de civils, Thanks God, ils avaient été “déplacés” pour l'occasion).
Le tableau qu'en fait Charyn est inédit et glaçant.
Salinger a commencé à morfler psychologiquement dès ce moment là, il y avait de quoi.

Suit le vrai débarquement en Normandie... Salinger est de la “deuxième vague” sur Utah Beach.
Juste après intervient — d'après Charyn — un épisode qui m'a laissée perplexe et fait douter un moment du sérieux de l'auteur et de sa fidélité à la bio de Salinger.
Ce qu'il reste de la compagnie de Salinger traverse péniblement les marais qui bordent le littoral ; ils arrivent dans un village : Sainte-Mère-Ménilmontant (“ ou quelque chose comme ça ” : sic) !
Même sans être spécialiste du D-Day, on a vu le Jour le plus long !
De plus, au même moment, ma mère et mes grands-parents vivaient sous les bombardements alliés sur Caen ; leurs souvenirs sont encore dans mon histoire familiale. L'épisode du parachutiste américain accroché au clocher de Sainte-Mère-Église, est bien connu (mais peut-être pas des lecteurs américains qui sursauteront moins haut que moi...).
Dans son roman, Charyn réutilise ce fait historique en le transformant : les allemands ont fui après avoir abattu le parachutiste pendu au clocher (le vrai avait été récupéré vivant : John Steele décèdera en 1969), et miné le village abandonné aux collabos.
Après ce simili-scandale qui avait interrompu brièvement ma lecture (comment ? quoi ! un romancier de renom pris en flagrant délit de fictionner la réalité historique ! est-ce bien pardonnable ?), j'ai effectivement lâché prise et accepté sans plus broncher les belles inventions de Charyn, comme le sauvetage de la petite polonaise suppliciée de Dachau, ou le beau final entre rêve et réalité à Bloomingsdale (où j'ai retrouvé avec gratitude et émotion mon cher poisson-banane !). C'est un roman !!!

Ce que Salinger a vécu très jeune en quelques années, est complètement fou, dévastateur et douloureux....
Charyn nous le fait parfaitement comprendre par sa narration énergique des opérations militaires qui jalonnent les tribulations dramatiques de Sonny en Europe, les dialogues (inventés, donc), les descriptions des comportements et des états d'esprit borderline de tous ceux qui se sont retrouvés embarqués avec Sonny dans la lessiveuse émotionnelle et absurde de la deuxième guerre mondiale.

À part les grands noms (Hemingway, Eisenhower, Theodore Roosevelt Junior...) je ne suis pas sûre d'avoir toujours su distinguer les personnalités historiques des personnages fictifs (ou développés à partir d'une base réelle) par Charyn. Peu importe, ce sont de beaux portraits de soldats qui complètent ou développent celui de Sonny.

Juste un mot, à propos d'Hemingway et Salinger. Ils se connaissaient, c'est avéré. Il y a plusieurs rencontres savoureuses ou touchantes (réelles ou pas, peu importe) entre les deux écrivains dans Sergent Salinger (au Stork Club de New York en 42, au Ritz à Paris en 44, à la clinique psychiatrique de Nuremberg où Sonny se fait soigner volontairement pour dépression en 45).
Dans son rapport aux combats, à la guerre, l'aîné Hemingway est l'opposé du jeune Salinger. Charyn montre bien que si Salinger admirait Hem (mais lui préférait de beaucoup Fitzgerald sur le plan littéraire), il n'était pas dupe de ses rodomontades et effets de muscles qui à leur manière camouflaient mal eux-aussi des traumatismes durables (Hemingway, gravement blessé pendant la Grande Guerre).

Dans une interview qu'on peut trouver sur YouTube, Jerome Charyn (né en 1937) dit sa fierté d'avoir écrit sur la campagne de libération du joug nazi menée par les américains en Europe et à laquelle participait Salinger ; il rend en même temps un magnifique hommage à un homme détruit, hanté, qui pour simplement rester vivant, traduira ce qu'il a vu, vécu, et ressenti, dans des textes déchirants publiés à son retour, sans jamais y parler directement des combats, ni des horreurs des camps ; et une fois cela fait, il se taira...

[sur mon blog (lien infra), j'ai complété cette note de lecture, avec une note de relecture de la nouvelle Pour Esmé, avec amour et abjection de J. D. Salinger, dans le recueil Nouvelles]


Lien : https://tillybayardrichard.t..
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J.D Salinger a fasciné, et fascine encore, des générations de lecteurs par son seul roman l'Attrape-Coeurs.
Ce que l'on sait moins c'est qu'il était membre du CIC, le Counter Intelligence Corps, le contre-espionnage américain.
"Il connaissait toutes les astuces de l'espionnage et des interrogatoires, il était capable d'arracher la mâchoire d'un homme avec deux doigts, d'en éventrer un autre à l'aide d'une fourchette"..
Jérôme Charyn raconte comment le jeune Sergent Salinger de 23 ans, prépare le débarquement sur les côtes françaises (avec notamment l'épisode tragique de Slapton Sands et l'opération Tiger) et fait parti des premiers américains à découvrir les camps d'extermination..
On découvre les horreurs de la guerre endurées par Salinger et comment celles-ci ont imprégné son oeuvre. ( Je comprends mieux maintenant certaines nouvelles, comme notamment, Pour Esmée avec amour et abjection, que je vais m'empresser de relire!)
Salinger, le héros de guerre, qui a trimballé sa machine à écrire Royal et son roman dans son paquetage, envers et contre tout. Des plages de débarquement jusqu'à la libération des camps. Il restera hospitalisé pendant plusieurs semaines dans un hôpital psychiatrique à Nuremberg, pour une dépression nerveuse, ou selon la formule clinique usuelle, "la psychose post-traumatique du soldat". C'est à ce moment là que sort une épouse sortit de nulle part.. Une française, ou une allemande, le mystère plane.. Sylvia.. Une grande brune mince au teint pâle, avec une bouche et des ongles rouge-vif" le mariage ne durera que quelques mois.
Il mettra ensuite dix ans à façonner Holden Caulfield, son alter-égo de dix-sept ans, dans l'attrape-coeurs.
Je remercie chaleureusement @babelio et les éditions @bakerstreet de m'avoir permis de découvrir ce roman dans le cadre d'une masse critique. J'avais hâte de découvrir cette facette de mon auteur favori. Merci pour cette belle découverte!
(Ce roman peut se lire sans pour autant être un admirateur, une admiratrice, comme moi de Salinger!)
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J'ai découvert l'existence de ce livre grâce à une opération Masse Critique. Je n'ai pas eu la chance d'être sélectionnée mais qu'à cela ne tienne, je l'ai trouvé dans ma librairie préférée (difficilement, car rangé au rayon littérature française ce qui n'était pas forcément intuitif).
Avant toute chose je tiens à préciser que je n'ai pas la culture des personnes qui ont publié les deux précédentes critiques. Je ne connaissais pas du tout Charyn. Et bien que j'adore l'oeuvre de Salinger, que je connaisse aussi un peu son parcours, je ne connaissais absolument pas cette période de sa vie.
Ce manque de culture explique peut-être mon manque d'enthousiasme par rapport au Sergent Salinger.
Je n'ai pas pu faire la part des choses entre la biographie et la romance, et j'ai été très frustrée par ça. Je n'ai pas non plus aimé le style de l'auteur, parfois trop « rapide », syncopé. J'aurais voulu qu'il détaille plus certains aspects, et qu'il en résume d'autres. Bref, pas un coup de coeur pour moi.
Le point positif quand même c'est que cette découverte d'un aspect de la vie de Salinger fait résonner autrement ses écrits. Cela m'a donné envie de tout relire avec ce nouvel angle de vue, et pour ça je dis merci à l'auteur !
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Un bon cru ! Nous plongeons dans la préparation du débarquement et de la reconquête de la France. On s'immerge par la lecture dans de nombreux films sur le sujet, mais cela reste haletant, car nous sommes à hauteur humaine afin de saisir les failles du futur auteur. C'est de la fiction, mais tellement bien ressenti qu'on ne doute jamais d'une possible vérité ! Un petit défaut : un peu trop de redites.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
18 janvier 2022
Par Jerome Charyn, les années de guerre de l’auteur de "L’attrape-cœur", entre déception amoureuse et confrontation au pire.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Sonny avait un gilet de sauvetage proche du noeud coulant, plus un barda de combat sur les épaules qui le martelait autant que les flots. Il ne pouvait se permettre de mouiller ses manuscrits. Il gardait la mélodie des mots sous son crâne tout en entendant le terrible gémissement des balles autour de lui.
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L'esprit de Sonny s'évada. II imagina tous ces dissimulateurs dans une prochaine nouvelle. C'était là le don d'un agent du contre-espionnage. Sonny était un dissimulateur né.
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Mais Sonny n'avait pas le sentiment d'être un conquérant, plutôt une ombre vivante — dangereuse comme jamais — qui était entrée dans une petite ville et un pays coincé entre des nations plus grandes et plus importantes avec une armée de tueurs et de machines à tuer. Sonny aussi était un tueur, à contrecœur peut-être, mais un tueur néanmoins. Il n'avait pas le sentiment de participer à une croisade religieuse comme le major Oliver. Il haïssait les Boches autant que les Boches le haïssaient. Mais il pleurait les garçons morts à quinze ans qui gisaient tout recroquevillés sur des monceaux de gravats le long de la rue de la Montagne, dans leurs tenues de combat blanches comme neige souillées, même si ils avaient été aussi féroces que n'importe quel soldat et auraient étripé Sonny s'ils en avaient eu la moitié d'une chance.
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L'écriture de Sonny n'était pas indéchiffrable, elle s'était évanouie avec son psychisme. Le Sergent Salinger n'était plus là, ni nulle part.
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Jerome Charyn nous lit un passage de son livre Johnny Bel-Oeil.
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Mon pote Daniel Pennac dirait qu'il a le cul bordé de nouilles, moi je préfère dire que j'ai le cul............?...................

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