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Pierre Alien (Traducteur)Marie-France Basselier (Traducteur)Elisabeth Lesne-Springer (Traducteur)
EAN : 9782253052302
477 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.48/5   62 notes
Résumé :
La grande sultane, après La Virginienne qui a connu un immense succès international, nous amène à nouveau dans le monde de l'esclavage, mais cette fois de l'esclavage blanc.
L'aventure singulière et grandiose d'une jeune Créole qui devint la mère de Mahmud II, Ombre d'Allah sur Terre et sultan de l'Empire ottoman au XIXe siècle, rejoint ici celle d'une des institutions les plus mal connues de toute l'histoire de la condition féminine : le harem, à la fois li... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
"La Grande Sultane" est une étonnante galerie de personnages historiques et romancés. On a l'impression de suivre les portraits de plusieurs protagonistes. Portraits qui tout en s'entremêlant propulsent le personnage principal d'un moment au-dessus de l'histoire avant qu'il ne disparaisse pour réapparaître plus tard. Ainsi nous découvrons comme dans de petites nouvelles imbriquées l'univers particulier de plusieurs figures du roman : La Validé, Catherine II, l'eunuque noir, Ishak Bey, le docteur Lerenzo, la sultane Hadidgé, Zorich…

Nous sommes à cheval sur le dix-huitième et le dix-neuvième siècle. Une Française de quatorze ans, fraîche émoulue d'un couvent, est capturée en mer par des pirates de l'Etat vassal d'Alger. Elle est offerte en compagnie d'autres biens au tout puissant sultan de l'empire ottoman, Abdul-Hamid , qui règne sur le un huitième de la surface du globe. Comme toute captive, elle est présentée au sultan, qui lui donne un nom, Naksh-i-dil, langue brodée. Ensuite, elle est remise à la Kiaya Kadine, l'intendante du harem, qui l'introduit et l'interne dans ce monde « étonnement érotique ». Cette prison qui ne dit pas son nom.

Le harem, cet univers particulier et étrange autour duquel tourne l'action du livre, est dépeint avec force images et poésie. C'est le lieu d'une « vie communautaire dans la plus grande solitude ». L'ennui, le chagrin, la mélancolie est le lot quotidien des centaines d'esclaves qui y séjournent. Elles rêvent toutes désespérément d'être remarquées et possédées par le sultan. Car en fait c'est l'unique moyen d'échapper à cette prison. Mais comme le dévolu du sultan ne tombe que sur quelques-unes d'entre elles, la très grande majorité restante moisissent dans la solitude. Pour la tromper, elles vaquent à des activités aussi inutiles que nécessaires. Elles se vautrent chaque jour dans les bains, s'épilent, se coiffent, se recoiffent, jacassent, prient, fument, s'insultent, se battent, se droguent et même s'empoisonnent entre rivales. Mais le monstre de l'ennui ne les quitte jamais. Aussi s'offrent-elles parfois quelque plaisir solitaire et éphémère en se masturbant ou en s'accouplant entre femmes. « C'est difficile d'éviter les amours illicites entre femmes enfermées, c'est comme dans [les] couvents et monastères », regrette l'Eunuque noir.

La principale tâche de l'intendante est en effet d'apprendre aux pensionnaires du harem l'amour : comment faire plaisir d'abord à soi-même, par onanisme, et singulièrement comment faire plaisir au sultan, cette « Ombre d'Allah sur terre ». Naksh-i-dil, la dévote, fut profondément choquée par sa première leçon d'esclavage sexuel quoiqu'elle ait découvert des plaisirs inconnus et intenses. Toutefois sa grande beauté va lui conférer rapidement le statut de Gözdé, fille remarquée, d'Ikbal, femme préférée, et surtout de kadine, l'épouse officielle admise à donner naissance à un prince ou une princesse. Elle ne tarde pas d'ailleurs pas à mettre au monde un garçon, Mahamud.

Grâce à son don d'ubiquité, l'auteure nous fait voyager ensuite dans une autre partie de l'Europe, la Russie, où la vieille Tzarine Catherine II possède elle aussi une espèce de harem. En effet, elle change constamment d'amants entretenus dispendieusement. « Les femmes simples se servent du sexe pour obtenir le pouvoir. Moi, je me sers du pouvoir pour obtenir le sexe», confie-t-elle à un de ses favoris officiels.

Après la mort d'Abdul-Hamid et l'avènement de Selim au pouvoir, Naksh-i-Idil est exilée dans l'Eski Serai, le palais des larmes où sont emprisonnées les femmes et les esclaves de l'ancien sultan. Ce deuxième harem de la cour impériale est plus le triste, car sans sultan, à l'instar d'« un couvent sans Dieu ». En outre son fils de quatre ans lui est, comme de coutume, retiré et enfermé dans la Cases des princes en attendant son tour de monter au trône. Et deux règnes plus tard, Mahmud, à la suite d'un coup de force, est couronné et sa génitrice accède d'office au statut de reine-mère, de Validée Sultane, celle qui coiffe tout le harem. D'abord souveraine éclairée et moderne, elle fait brusquement volte-face en suppliant son fils d'assassiner ses rivaux politiques et de réprimer les révoltes qui secouent l'empire. Calculatrice et fin stratège, elle pousse ce dernier à signer un accord de paix avec la Russie dans le secret dessein de voir celle-ci et l'armée napoléonienne s'écraser mutuellement et s'affaiblir militairement. Ainsi l'empire ottoman gagnera-t-elle une guerre sans verser une seule goutte de sang. Mais le succès est mitigé après la sanglante confrontation entre ces deux puissances, car Mahmud aurait pu obtenir une victoire militaire sur son ennemi juré, l'empire russe, en s'alliant notamment avec la France.

Prise d'une passion amoureuse et impossible pour un très jeune homme, Ali Effendi, La Validé Sultane meurt solitaire et chagrine dans son palais imaginé dans les bras de cet amant et construit au bord du Bosphore.

Si le roman est bâti sur un fond historique vrai, l'auteure a eu le talent de ne pas laisser son imagination s'enliser par trop dans les nasses de l'histoire vraie. Certes parfois celle-ci prend le dessus et le lecteur a envie de parcourir rapidement certains passages. Mais la précision des dates, la netteté des descriptions, souvent époustouflantes, l'utilisation de termes turcs appropriés pour rendre plus réalistes le décor et les personnages, montrent que Barbara Chase-Riboud maîtrise extraordinairement le sujet de son livre.

Le roman est aussi une fresque des agitations politiques et sociales qui ont secoué l'Europe à la charnière du dix-huit et du dix-neuvième siècle. Des guerres de la Russie pour élargir sans cesse son empire à la révolution française de 1789, en passant par le lent et inexorable déclin de l'empire ottoman. Un vaste tour d'horizon européen permettant à l'auteure d'évoquer l'éternelle pomme de discorde entre l'Occident chrétien, « civilisé », « moderne », au goût artistique élevé à l'Orient musulman, « barbare », « fanatique », « incapable de pondre une civilisation moderne et des beaux-arts ». Une tare, une plaie inguérissable qui le voue inéluctablement à la décadence.

La langue de Barbara est juste, chatoyante, brodée d'images et presque aussi fascinante que la ville de Constantinople elle-même qui a longtemps fait rêver les grandes Cours européennes.


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L'écriture de Barbara Chase-Riboud dans "La Virginienne"m'ayant séduit,c'est donc naturellement que "La grande Sultane"est arrivée dans ma PAL via un site de livres d'occasion.
Que de découvertes!
D'abord le harem ou un système malin de castes fait régner la peur dans un univers de mélancolie et d'ennui.Mais il n'y a pas de harem sans ennuques qui eux, créent une harmonie de haine entre eux et les femmes et l'amour entre les hommes et les femmes.
Redoutable.
J'ai aussi découvert une période historique fort interessante, vu de l'empire ottoman à l'époque de Louis XVI, Napoleon et Catherine II de Russie.Elle permet de mieux comprendre l'avènement des guerres mondiales et la carte géopolitique d'aujourd'hui.
Même si la Validé (mère du Sultan et position la plus haute du harem),les sultanats reste un système dictatorial ,sanguinaire où la vie humaine n'a que peu d'importance.
Petit bémol cependant, beaucoup de personnages, avec leurs fonctions très hiérarchisées gravitent confusément autour de l'héroïne.
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Une jeune créole est capturée dans les années 1780 et offerte au sultan. Elle est enfermée dans un harem à Istanbul, devient Naksh-i-dil. Sa beauté aidant, elle est vite repérée et devient l'une des préférées du Sultan. Elle met d'ailleurs au monde un Prince. Quand le Sultan meurt, son neveu prend la relève. C'est un despote et Naksh-i-dil qui croit aux prévisions entendues, ne vit plus que dans l'espoir de voir son fils lui succéder en tant que sultan. Pour cela, elle renonce à sa religion et devient musulmane et s'instruit en lisant beaucoup pour préparer au mieux son fils. Pour contexte, beaucoup de guerres de part et d'autres : la France, L'Angleterre, la Russie, ... tout le monde veut s'emparer de cet Empire Ottoman.
Un roman instructif du point de vue historique et de la vie au harem à cette époque mais je n'ai pas accroché. Beaucoup de personnages qui voyagent et qu'il faut raccrocher à Naksh-i-dil ou au Sultan. J'avais des difficultés à m'y retrouver.
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Après l'immense succès international de la Virginienne, Barbara Chase-Riboud nous donne avec La Grande Sultane un autre prodigieux destin de femme.






L'aventure singulière et grandiose d'une jeune esclave blanche qui devint la mère de Mahmud II, Ombre d'Allah sur Terre et sultan des Ottomans au XIXe siècle, rejoint ici celle d'une des institutions les plus mal connues de toute l'histoire de la condition féminine : le harem, à la fois lieu sacré et lieu de servitude, où les femmes complotent pour le pouvoir et tuent pour survivre.






Pendant les quarante années de guerres avec la Russie et la France napoléonienne, Naksh-i-dil, Reine des Têtes voilées, va présider aux destinées de l'Empire et gouverner cette société de femmes qu'est le Grand Harem de Topkapi, aussi strictement régie qu'un couvent, sous la surveillance de l'Ombre du sultan, l'ambigu et terrifiant Grand Eunuque noir.
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Ce roman m'a surtout intéressée pour ses reflexions sur le thème de l'esclavage, et du destin cruel des femmes de serail, dont le destin est si lié à leur "propriétaire", et qui sont menacées de mort violente si elles prennent du pouvoir, d'exil une fois veuves, ou de vie de misère ou de folie si elles ne sont pas remarquées par le sultan... Même l'héroïne de ce roman n'échappera pas à tous ces dangers.

Pour le reste la véracité de l'histoire est douteuse. Il y a eu effectivement une sultane validée créole, mais son identité n'a jamais été établie avec certitude. Alors on oublie et on en profite pour en apprendre un peu plus sur cette époque chargée d'histoire (de Louis XVI à Napoléon ) vu depuis l'Empire ottoman, ce qui est souvent instructif.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Et Euphémia s'est enfin adressée à moi, Mlle de S, poursuivit Naksh-i-dil en parlant aussi bas que dans un confessionnal. J'avais dix ans. Soudain l'Ikbal prit la même voix rauque que l'Obeah.
"Votre nouveau tuteur va bientôt vous envoyer en Europe parfaire votre éducation. Votre bateau sera capturé par des pirates algériens. Vous serez faite prisonnière et rapidement enfermée dans un couvent pour femmes d'une autre nation que la vôtre, ou dans une prison... Là, vous aurez un fils. Ce fils régnera glorieusement sur un empire, mais un régicide ensanglantera les marches de son trône. Quant à vous, vous ne jouirez jamais d'honneur public ni de gloire, mais vous régnerez, Reine voilée, invisible, vous vivrez dans un vaste palais où chacun de vos souhaits sera un ordre, et des esclaves innombrables, par milliers, vous serviront. Au moment même où vous vous sentirez la plus heureuse des femmes, votre bonheur s'évanouira comme un rêve, et une longue maladie vous conduira jusqu'à la tombe."
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"Elle s'appelait Euphémia David, expliqua Naksh-i-dil à l'Eunuque noir et à la Kiaya étonnés. C'était l'Obeah la plus connue de la Martinique. C'est elle qui m'a prédit mon destin. Elle détenait le secret de la vie, de la médecine, des poisons, des remèdes contre le mauvais oeil. Elle savait lire le futur, le passé et le présent. Tous la craignaient, les Noirs comme les Blancs. Tuer un homme blanc était aussi facile pour elle que de briser un fétu de paille... avec sa magie noire..."
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"Elle s'appelait Euphémia David, expliqua Naksh-i-dil à l'Eunuque noir et à la Kiaya étonnés. C'était l'Obeah la plus connue de la Martinique. C'est elle qui m'a prédit mon destin. Elle détenait le secret de la vie, de la médecine, des poisons, des remèdes contre le mauvais oeil. Elle savait lire le futur, le passé et le présent. Tous la craignaient, les Noirs comme les Blancs. Tuer un homme blanc était aussi facile pour elle que de briser un fétu de paille... avec sa magie noire..."
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Alors qu'elles recouraient sans cesse à la loi, à l'ordre, à la propreté, à des questions de légitimité, les femmes se servaient en même temps de toutes sortes de tactiques, faisant appel à leur raison, à leur intuition ou à leur imagination, pour aller en permanence à l'encontre de cette puissance et tout cela conduisait à un paradoxe surprenant au harem : une vie communautaire dans la plus grande des solitudes.
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Mon beau Turc, les femmes simples se servent du sexe pour obtenir le pouvoir.Moi, je me sers du pouvoir pour obtenir le sexe.
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Video de Barbara Chase-Riboud (1) Voir plusAjouter une vidéo

L'histoire et le roman font bon ménage
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