Vous aviez aimé
L'empire du léopard et son univers atypique, ses élans de noirceur et d'horreur, son incroyable et ô combien charismatique colonel Cérès Orkatz ? Moi oui. Et c'est pour cette raison que j'attendais depuis plus d'un an la sortie du nouveau roman d'
Emmanuel Chastellière, suite qui n'en n'est pas une,
La piste des cendres. Seconde incursion dans les terres du Nouveau-Coronado qui, même si elle m'a plu, n'a pas réussi à me toucher avec la même intensité que le précédent roman.
La piste des cendres n'est donc pas une suite directe de
L'empire du léopard. Vingt-cinq ans séparent les deux récits et la première chose qui frappe le lecteur est le changement d'atmosphère entre cette fatidique année 1870, chargée d'humidité, de jungle et de manque de moyens et ce nouvel Nouveau-Coronado dont les frontières ont été repoussées jusqu'au Nord, paysage de montagnes et de plaines démesurées. Cette entrée en matière est particulièrement convaincante et trouvera un écho certain chez les lecteurs de
L'empire du léopard.
Nous découvrons alors les personnages principaux : Azel, habitant du Nord, dont le métissage est regardé comme une particularité peu enviée dans cette société dans laquelle vous existez soit en tant que colon, soit en tant que colonisé. le flamboyant Artemis Cortellan, que les «anciens» connaissent déjà, mercenaire puis homme politique à la retraite (forcée) et passablement cousin de la Reine Constance. Ou encore Andelo Calider, journaliste qui ne goûte qu'avec peu d'entrain la propagande qu'on lui sert afin de légitimer les actions d'un gouvernement centralisateur.
Si j'ai immédiatement accroché au personnage d'Azel, tourmenté comme pouvait l'être Cérès, je me suis montré plus sceptique en découvrant la situation de ce second puis troisième narrateur.
Et cette crainte s'est malheureusement avérée fondée.
Alors que
L'empire du léopard offrait un sentiment de continuité, une narration plus cadrée,
La piste des cendres a pris le parti de diversifier son intrigue, aussi bien sur le plan géographique que thématique. Et cela joue, je trouve, en défaveur de l'intrigue d'Azel.
Autant la première partie est incroyablement bien maîtrisée, avec une découverte du personnage d'Azel qui marque, une relation avec Ombeline d'une grande justesse (sans aucun doute l'un des gros points forts du roman) et un final dont je me souviendrai longtemps... Autant la suite m'a donnée l'impression que l'intrigue d'Artemis et de Calider non seulement diluait l'intensité de celle d'Azel mais existait en grande partie dans le simple but d'illustrer les problèmes politiques, un peu convenus, du Nouveau-Coronado.
Le meilleur exemple pour illustrer mon propos est le personnage de Zuhaitza, que l'on découvre une fois le récit bien installé. C'est un bon personnage, mais on ne la voit tout simplement pas assez. Ou du moins pas suffisamment pour que je puisse comprendre ou ressentir l'intensité de sa relation avec Azel. Et à choisir, j'aurais échangé certains chapitres de Calider contre plus de temps pour approfondir Zuhaitza et, par extension, l'intrigue d'Azel.
C'est donc un sentiment assez frustrant car j'ai l'impression qu'Azel, qui porte en très grande partie le récit sur ses épaules, s'efface un peu trop à partir d'un certain point.
Reste que j'ai apprécié le roman : la relation entre Azel et Ombeline est vraiment magnifique, aussi bien dans ce qui est dit que dans ce qui ne l'est pas, et la fin de la partie 1 est d'une incroyable puissance. Cette relation, profonde et touchante, qui consumera Azel dans sa terrible fuite avant lors de la deuxième partie. Ce sont vraiment dans ces moments que j'adore le travail d'
Emmanuel Chastellière.
Constance, également, est à ranger dans ce fonctionne très bien dans roman. Plus nuancée qu'elle ne le laisse paraître, on ne la voit pas beaucoup et pourtant, l'une de ses interactions, aussi brève que touchante lorsqu'elle évoque sa Salamandre (j'évite le spoil !), m'a plus marquée que l'ensemble des atermoiements de Calider.
Enfin, la très faible présence de fantasy joue clairement en faveur de la fin. Je n'en dirai pas plus afin de vous laisser le plaisir de découvrir cela par vous-même mais cette quasi-absence d'éléments magiques donne aux rares démonstrations surnaturelles des allures cauchemardesques qui ne sont pas sans rappeler ce qu'une certaine Cérès a pu subir.
Est-ce que j'ai aimé
La piste des cendres ? Oui. Est-ce que je le conseille au nouveau venu comme au connaisseur ? Absolument.
Car si, pris dans son ensemble, j'ai moins aimé ce bouquin, certains moments viennent me rappeler pourquoi j'aime tant le travail d'
Emmanuel Chastellière. Je n'ai malheureusement pas accroché autant que je l'aurais souhaité à la narration de Cortellan et de Calider mais la première chose qui m'est venue à l'esprit en terminant
La piste des cendres c'est : à quand la suite !