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Critique de claudine42



C'est souvent l'appréhension qui fait basculer la préhension en renoncement. le Général de Gaulle les a saisies à pleines paluches, lui, ces mémoires, et tout agrippé qu'il était, a déclaré résolument , en 1947 : « Tout m'est égal, je suis plongé dans les « Mémoires d'outre-tombe » (…). C'est une oeuvre prodigieuse. »


Alors oui, se plonger dans ces mémoires là, ne fût-ce que dans le premier tome, c'est accepter d'y passer un laps de temps conséquent. Je suis courageuse, mais pas téméraire, je me suis limitée à la lecture de ce premier tome, croyez-moi c'est déjà un nombre de pages considérable, d'une infinie richesse je l'avoue !


Oui la lecture peut être par moments un peu fastidieuse, du fait des innombrables notes (pratiquement en bas de chaque page, quand ça ne mange pas une bonne moitié de page..) sur lesquelles on ne peut pas toujours faire l'impasse, quoique l'on passe finalement assez souvent dessus quand même sans que ça n'entrave la compréhension du texte (et tant pis si on passe outre l'historique d'un vague cousin).

Oui la structure narrative est parfois ambiguë, avec des va-et-vient entre le temps de la narration et le temps raconté.

Oui la structure même du livre est complexe, puisqu'on découvre dans un premier temps l'ébauche d'une première version (« Histoire de ma vie », vite avortée puisque Chateaubriand, par soucis d'argent, a été contraint d'étoffer sa petite histoire personnelle en la diluant dans la grande), et que dans la version définitive, qui débute juste après, on retrouve certains passages déjà lus.

Doit-on pour autant reposer cette main qui s'était peut-être tendue un jour ?

Non. Non parce que c'est un témoignage immensément riche sur une époque, sur cette transition « entre deux siècles, comme au confluent de deux fleuves » qui est dressé ici, à coups d'anecdotes (la présentation à la Cour et à Louis XVI est cocasse) et de grands faits marquants (la Terreur).
Un monde s'effondre (« je suis comme le dernier témoin des moeurs féodales »), un autre naît, péniblement, Chateaubriand s'exile à Londres, revient, repart, cahin caha dans le tumulte des grands bouleversements, et on tangue avec lui, tant cette instabilité est palpable.

Non parce que le tempérament De Chateaubriand, souvent décrié, est terriblement attachant.
Sombre, complexé, avec la désillusion comme alter ego, il n'en est pas moins volontaire et déterminé.
Il est mélancolique sans être pleurnichard.
Son enfance dans le château de Combourg ne peut qu'engendrer l'empathie de la part du lecteur tant elle est sombre et solitaire.
Rêveur, il s'est inventé une femme idéale, la Sylphide, dans laquelle s'incarneraient toutes les autres.
le temps qui passe le terrorise : « Je n'avais vécu que quelques heures, et la pesanteur du temps était déjà marqué sur mon front. »

Non, enfin et surtout, pour la richesse de la langue, pour cette prose poétique qui donne au livre une vraie musicalité et une envie irrépressible de relire encore et toujours certains passages.
Les aphorismes foisonnent , les archaïsmes aussi : on « balle », on se fait « gourmander », quand les mots ne sont pas carrément inventés (« déshabité » par exemple).

Ce premier tome couvre les années 1774/1799, soit la jeunesse, la carrière de soldat et de voyageur De Chateaubriand.

Pour celles et ceux qui ne les connaissent pas et qui sont tentés par "Ces mémoires .... " offrez-vous ce vrai moment de plaisir.


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