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EAN : 9782204091596
253 pages
Le Cerf (01/01/2011)
3.77/5   46 notes
Résumé :
"Le Génie du christianisme faisait essentiellement partie de la décoration de ce Te Deum, de cet alleluia de renaissance auquel répondait le voeu d'alors et ce n'en était la partie ni la moins magnifique, ni la moins touchante."
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La lecture du Génie du Christianisme est en train de redevenir indispensable aujourd'hui. En 1800, la France se relevait d'une violente décennie de destructions anti-chrétiennes, de massacres du clergé et d'interdictions du culte, après cinquante bonnes années de campagnes d'opinion visant à dévaloriser et à ridiculiser cette religion. Aujourd'hui, certes, la persécution n'est plus physique : il n'y a qu'en Orient qu'on massacre des chrétiens*. En France, on se contente d'ignorer cette religion, de la passer sous silence ou de diffuser le plus grand mépris à son égard et à l'égard de ceux qui la pratiquent. Voilà une première raison de lire le Génie, livre de réhabilitation de la religion méprisée.

Le livre est certes théologiquement bien léger. L'amateur de pensée chrétienne aura l'embarras du choix pour trouver de meilleurs ouvrages que celui-ci sur la question. Mais comme les mauvais sont aussi légion, autant lire le Génie, même avec ses défauts. Il faut dire que l'auteur avait moins l'ambition de faire une apologie de la religion, que de ses beautés : il l'aborde sur le plan culturel et esthétique, dans les oeuvres qu'elle a inspirées en Europe depuis la fin de l'Antiquité. le Génie est la plus belle illustration des "racines chrétiennes de l'Europe", et donc le meilleur moyen de faire grincer des dents aux islamo-gauchistes qui colonisent le secteur culturel de l'édition et des médias. A quoi bon ? C'est que leurs préjugés culturels produisent beaucoup d'ignorance, d'indifférence, voire de mépris, pour d'immortels chefs-d'oeuvre de la culture. Lire le Génie, c'est apprendre à comparer la Phèdre de Sénèque avec celle de Racine, c'est regarder une cathédrale gothique comme une forêt, c'est acquérir le sens du mystère et éprouver un profond sentiment d'exotisme comme d'identité spirituels.

Dans cette grande apologie si soigneusement construite, la structure risque de ne plus nous parler, ainsi que de nombreux passages, faute du niveau requis, du nôtre j'entends. Mais même ainsi, le Génie du Christianisme ressemble à ces abbayes gothiques anglaises à-demi ruinées, envahies par l'herbe depuis le XVI°s, qui réservent au promeneur des splendeurs incomparables.

Plus que jamais, la lecture du Génie s'impose aujourd'hui.

*écrit en 2016, avant les meurtres de fidèles et les incendies de cathédrales en France.
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Disons-le d'emblée, c'est un texte apologétique sans mesure et sans esprit critique. Il n'y a pas un mot sur ce qui pourrait fâcher les chrétiens ; rien sur les persécutions des hérétiques, sur l'inquisition, sur les guerres de religions ou les basses intrigues de Rome. A l'instar d'un pamphlet on ne lit pas une apologie pour y trouver de la justesse, mais pour la beauté du texte et des mouvements qui l'animent et peut-être aussi pour rétablir une vérité. Et la vérité c'est que la révolution française avait mis à sac la société et qu'au moment où Chateaubriand publiait son livre, les révolutionnaires de 1789 devaient déchanter. Certains entraient peut-être dans une phase de repentance.
Tout est dans le sous-titre : les beautés du christianisme. Plutôt que disputer contre les sophistes (il le fait quand même de temps en temps et c'est là qu'il convainc le moins), Chateaubriand a entrepris de chanter les beautés du christianisme pour contrebalancer les sarcasmes voltairiens. Il chante les beautés éthiques d'abord, mais surtout les beautés poétiques, puisque c'était sa spécialité : « On devait montrer que rien n'est plus divin que la morale chrétienne, rien de plus aimable et de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et son culte ; on devait dire qu'elle favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée, offre des formes nobles à l'écrivain, et des moules parfaits à l'artiste. » Il n'y a donc presque rien de métaphysique ou de théologique dans ce livre, mais il ressemble souvent à un traité d'esthétique ou à un recueil de commentaires des diverses lectures de l'auteur, très précis, avec beaucoup de citations.
Chateaubriand croyait au classicisme : « il y a une beauté de style absolue, et une règle sûre pour juger d'un ouvrage, quelle que soit la diversité des opinions. » Il transforme dans le Génie du Christianisme la querelle des anciens et des modernes en querelle entre les païens et les chrétiens : Homère et Virgile vs Le Tasse et Milton, combat épique s'il en est. Il va sans dire que Chateaubriand donne sa préférence aux chrétiens même s'il connaissait sur le bout des doigts les poètes de l'antiquité et les appréciait. En gros, les auteurs chrétiens seraient plus humains. le Dieu tout-puissant qui s'abaisse à vivre comme un homme, né et mort en misérable, c'est ça le génie du christianisme qui a permis aux chrétiens d'aiguiser leur humanité. Mais ce combat entre l'antique et le chrétien est au fond un faux combat, car « le culte des chrétiens est le seul débris de cette antiquité, qui soit parvenu jusqu'à nous », c'est une suite, un progrès.
La véritable rupture dans l'esprit De Chateaubriand, c'est celle entre le siècle de Louis XIV et le siècle des Lumières avec Voltaire à sa tête, un siècle de renégats fourvoyés. L'ombre de Voltaire plane constamment sur ce livre, Chateaubriand en parle à plusieurs reprises, il l'admirait, il en fait un portrait qui me parait très juste à la fin du chapitre consacré à la Henriade et le trouve « bien ingrat d'avoir cherché à renverser un culte qui lui a fourni les plus beaux traits de ses ouvrages ». Pour finir, il cite donc Montesquieu, Voltaire et Rousseau, tous les trois affirmant qu'une société avec une religion éclairée est préférable qu'une société sans religion. le plus vindicatif est Rousseau : « Fuyez ceux qui, sous prétexte d'expliquer la nature, sèment dans les coeurs des hommes de désolantes doctrines, et dont le scepticisme apparent est cent fois plus affirmatif et plus dogmatique que le ton décidé de leurs adversaires. Sous le hautain prétexte qu'eux seuls sont éclairés, vrais, de bonne-foi, ils nous soumettent impérieusement à leurs décisions tranchantes, et prétendent nous donner, pour les vrais principes des choses, les intelligibles systèmes qu'ils ont bâtis dans leur imagination. du reste, renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent, ils ôtent aux affligés la dernière consolation de leur misère, aux puissant et aux riches le seul frein de leurs passions ; ils arrachent au fond des coeurs le remords du crime, l'espoir de la vertu, et se vantent encore d'être les bienfaiteurs du genre humain. Jamais, disent-ils, la vérité n'est nuisible aux hommes : je le crois comme eux ; et c'est, à mon avis, une grande preuve que ce qu'ils enseignent n'est pas la vérité. »
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Il y a de moments où Chateaubriand s'éloigne de façon spectaculaire de la vérité dans cette apologie extraordinaire du christianisme. Par exemple, j'ai été bouche-bé de lire ce passage sur le Satan du Paradis Perdu du John Milton :
« Milton a fait entrer dans le caractère de son Satan les perversités de ces hommes qui vers le commencement du dix-septième siècle couvrirent l'Angleterre de deuil : on y sent la même obstination, le même enthousiasme, le même orgueil, le même esprit de rébellion et d'indépendance; on retrouve dans le monarque infernal ces fameux niveleurs qui se séparant de la religion de leurs pays avaient secoué le jour joug de tout gouvernement légitime et s'étaient révoltés à la fois contre Dieu et contre les hommes. »
En fait Milton a été un niveleur fier. Il a écrit un pamphlet qui défendait le régicide du Charles I et il a été mis en prison après la restauration. Néanmoins Chateaubriand avait raison de signaler le portrait magistral du Satan que Milton nous a donnés.
Chateaubriand a écrit « le génie du Christianisme » en Angleterre entre 1795 et 1799. Il avait décidé que c'était le temps de répliquer aux philosophes qu'il tenait responsable pour la révolution, la terreur et la tyrannie de Napoléon. En plus, la France révolutionnaire avait fermé les églises et remplacé le calendrier chrétien avec un nouveau calendrier dont la semaine était de dix jours. Il a décidé de servir du style et du langage des philosophes car le public ne comprenait plus la théologie.
« Les autres genres d'apologies sont épuisés, et peut-être seraient-ils inutiles aujourd'hui. Qui est-ce qui lirait maintenant un ouvrage de théologie? Quelques hommes pieux qui n'ont pas besoin d'être convaincus, quelques vrais chrétiens persuadés. … Une grande preuve de sa céleste origine, c'est qu'elle souffre l'examen le plus sévère et le plus minutieux de la raison. »
« le génie du Christianisme » se divise en quatre parties. Dans la première partie, Chateaubriand rappelle que le Christianisme s'accorde très bien avec la thèse d'Aristote et Platon selon laquelle que l'univers a été créé par un premier mobile et se dirigeait vers une cause finale, le bien. La reproche De Chateaubriand envers les philosophes n'est pas qu'ils réfutaient Aristote et Platon mais qu'ils faisait semblant que Aristote et Platon n'existaient pas. Aux yeux De Chateaubriand, Voltaire et les philosophes français se servent uniquement des « contes licencieux » pour attaquer le Christianisme.
Dans la deuxième partie Chateaubriand présente les grandes qualités des auteurs chrétiens tels que Tasse, Arioste, Racine, Fénelon, Bossuet et Milton. Chateaubriand rappelle les grands écrivains païens tels que Homère et Virgile produisaient une littérature mythologique avec des grands héros amoraux. La bible en revanche est pleine de récits qui nous offrent « les préceptes moraux applicables à la prospérité et à l'infortune, aux rangs les plus élevés comme aux rangs les plus humbles de la vie. ». Chateaubriand cite l'histoire de Job et celle de la réconciliation de Joseph avec ces frères. Les auteurs de la renaissance (Racine, Arioste, etc.) continue la tradition biblique parce la moralité et la foi des individus est toujours au coeur de leurs intrigues. Comme, j'ai déjà mentionné Chateaubriand admire énormément la manière dont Milton présente Satan comme un pécheur avec un caractère humaine.
Ça va sans le dire, que Chateaubriand déteste les auteurs libertins du dix-huitième siècle.
« Un écrivain qui refuse de croire en un Dieu auteur de l'univers et juge des hommes dont il a fait l'âme immortelle bannit d'abord l'infini de ses ouvrages. Il renferme sa pensée dans un cercle de boue, ont il ne pleut plus sortir. »
Dans la troisième partie Chateaubriand traite de la peinture et de la sculpture. Il réitère sa thèse que l'art chrétien n'est pas mythologique. Il traite de l'humanité et glorifie la pauvreté :
« le christianisme est plus favorable à la peinture qu'une autre religion. Or il est aisé de prouver trois choses : 1o la religion chrétienne, étant d'une nature spirituelle et mystique, fournit à la peinture un bel idéal plus parfait et divin que celui qui nait d'un culte matériel. 2o que, corrigeant la laideur des passions ou les combattant avec force, elle donne des tons sublimes à la figure humaine et fait mieux sentir l'âme dans les muscles, let les liens de la matière; 3o enfin qu'elle a fourni aux arts des sujets plus beaux, plus riches, plus dramatiques, plus touchants que les sujets mythologiques. »
« le christianisme nous montre partout la vertu et l'infortune, et le polythéisme est un culte de crimes et de prospérité. »
Dans la quatrième partie Chateaubriand essaie de démontrer que le Christianisme a fait des grandes contributions à la vie politique, sociale et économique de la société. L'église catholique a fondé les universités et les hôpitaux d'Europe. L'ordres monastique ont défriché des terres et ont fait avancer les techniques agricoles. Les évêques et cardinaux ont joué un rôle majeur dans la politique.
« La charité vertu absolument chrétienne et inconnue des anciens a pris nature dans Jésus Christ. … Les premiers fidèles instruits dans cette grande vertu, mettaient en commun leurs biens pour secourir les nécessiteux, les malades et les voyageurs : ainsi commencèrent les hôpitaux. »
À mon avis, c'est la quatrième partie qui est la moins bien réussie. le problème est que Chateaubriand accepte trop souvent une version mensongère des faits. Par exemple, il parle en termes élogieuses des Chevaliers Teutoniques : « Dans le nord, l'Ordre Teutonique en subjuguant les peuples errants sur les bords de la Baltique, a éteint le foyer de ces terribles éruptions qui ont tant de fois désolé l'Europe. Il a donné le temps à la civilisation de faire des progrès. »
En fait les Chevaliers Teutoniques ont été des envahisseurs cruels. Ils ont effectué le génocide des Vieux-Prussiens (ou les Borusses). En plus ils ont fait des nombreuses atrocités chez les Polonais et les Russes. Chateaubriand ne se trompe pas toujours dans la quatrième partie, mais il y a bel et bien des passages où il présente une version défectueuse des faits. Ce qui est le plus curieux est que Chateaubriand finit par sous-estimer plutôt que sur estimer la contribution du Christianisme à notre société et à nos institutions sociales.
« le génie du Christianisme » est un grand livre qui a, pourtant, il le défaut d'être basé sur les des auteurs et des oeuvres qui sont peu lus. On ne lit pas Racine, Bossuet, Fénelon et La Bruyère en dehors du monde Francophone. Arioste and Tasse sont lus principalement en Italie. Chez les Anglais on connait le nom de Milton mais ce sont surtout les gens qui étudient la littérature anglaise à l'université qui vont le lire. Si on ne connait pas bien ces auteurs que je viens mentionner on aurait beaucoup de mal à suivre les arguments De Chateaubriand qui sont finalement très solides.
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Chose terrifiante de se dire qu'un jour ce livre a eu du succès, et même de l'influence dans l'histoire politique et littéraire française.

On pourrait sans doute mettre à son crédit qu'il fait partie du corpus d'un précurseur du romantisme, mouvement artistique crucial. Ce serait faire abstraction des précurseurs antérieurs que furent Rousseau ou Schiller, par exemple. Et on aurait pu se passer De Châteaubriand, dont les apports stylistiques ne sont guère exaltants.

Il développe sur le fond sur le plan scientifique des niaiseries que même de son temps les géologues et Lamarck avaient déjà remis en cause. Pour d'autres, il n'a pas eu de chance: elles ne seront réfutées que quelques années plus tard.

Il a une opinion sur les sciences, et les mathématiques en particulier, qui rejoignent celles du héros de "American Psycho": comme ils ne sont plus guère connus, les mathématiciens, c'est donc qu'ils sont inférieurs (voir Partie 3, livre 2, chapitre 1). Avec des arguments pareils, la postérité ne devrait retenir aucun nom en dehors du Top 50.

Son argumentaire théologique - tout le monde qui a un peu de jugeotte le reconnait - est terriblement faible, et je passerai au-dessus.
Mais ses appropriations artistiques sont autant de contre-sens avec son propos. Il prend par exemple à témoin régulièrement Voltaire ou Cicéron pour défendre le christianisme comme supérieur.

D'un autre côté, il assoit des jugements sans autre forme de procès, comme autant de vérités, alors que ce ne sont que des subjectivités, certes dignes du mouvement romantique, mais sans aucune force objective.
Une partie non-négligeable de cette argumentation repose d'ailleurs sur l'Ancien Testament, d'ailleurs, ce qui n'est pas sans faire sourire.
Ce ne serait rien, si son livre n'avait les prétentions d'établir un génie qu'on ne peut s'empêcher de trouver biscornu.

Alors, on se doit de mettre toute de même une étoile et une raouette, parce que l'homme sait écrire. Mais même au niveau stylistique, je ne peux m'empêcher de le trouver souvent ennuyeux. Sans compter qu'il multiplie les citations par paquets - et qu'au fond le substantiel de ce livre n'est tout simplement pas de lui.

On peut lui pardonner ses approximations historiques, par exemple quand il parle de chevalerie -encore que... Peut-on vraiment les lui pardonner? Après tout, l'Ancien Régime dont il est issu était encore plein de chevaliers, tenus d'en respecter les valeurs... Autrement dit, par simple déduction logique, il devait se douter que les chevaliers médiévaux n'étaient pas plus nobles, plus charitables, plus chrétiens en un mot, que ceux de son époque.

Enfin, bien sûr, il y a ses positions conservatrices, passéistes, surtout à l'égard des femmes, des athées, des païens.

Bref, après avoir lu les Mémoires d'Outre-Tombe, acte d'auto-glorification que les historiens, les ayant passé au peigne fin, n'ont pu que discréditer, je ne peux que déconseiller la lecture d'un ensemble qui ne mérite pas d'avoir survécu à son auteur.
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Chateaubriand a été un ardent défenseur du christianisme, et c'est ainsi qu'il rend hommage à Bonaparte dans la 2ème édition. Un an auparavant, celui-ci s'était en effet rallié les catholiques en signant un Concordat avec le pape Pie VII. Dans cette apologie de la foi chrétienne, Chateaubriand a englobé deux récits avec les scènes de la nature et les passions du coeur humain.Atala une jeune indienne élevée dans la religion chrétienne et vouée par sa mère à la virginité. Elle choisira la mort pour ne pas succomber à son amour pour Chactas, puis au chapitre du vague des passions, le lecteur découvre René. Ce jeune homme explique à Chactas les raisons de son incurable mélancolie, après une enfance remplie de rêverie auprès de sa soeur Amélie, il s'est embarqué pour l'Amérique tandis qu'Amélie se retirait au couvent. Chateaubriand dénonce son mal. Peine perdue, toute une génération va se reconnaître en René.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Dans le sermon sur La Vérité d'un Avenir, Massillon presse ainsi l'incrédule :
"Que dirai-je encore, si tout meurt avec tous ; les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles ; l'honneur qu'on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu'il est ridicule d'honorer ce qui n'est plus ; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire ; les cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu'il faut jeter au vent, et qui n'appartient à personne ; les dernières intentions des mourants, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son d'une machine qui se dissout ; et pour tout dire, en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée ; les rois et les souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples à élevés ; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes ; la loi des mariages, un vain scrupule ; la pudeur, un préjugé ; l'honneur et la probité, des chimères ; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés.
Voilà où se réduit la philosophie sublime des impies ; voilà cette force, cette raison, cette sagesse qu'ils nous vantent éternellement. Convenez de leurs maximes, et l'Univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s'évanouissent ; et la discipline des moeurs périt ; et le gouvernement des Etats et des Empires n'a plus de règle ; et toute l'harmonie des corps politiques s'écroule ; et le genre humain n'est plus qu'un assemblage d'insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n'ont plus d'autres lois que la force ; plus d'autre frein que leurs passions et la crainte de l'autorité ; plus d'autres liens que l'irréligion et l'indépendance ; plus d'autres Dieux qu'eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux, tout ce qui nous reste à vous dire, c'est que vous êtes dignes d'y occuper une place."
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On a peine à concevoir le déchaînement du siècle contre le christianisme. S’il est vrai que les religions soient nécessaires aux hommes, comme l’ont cru tous les philosophes, par quel culte veut-on remplacer celui de nos pères ? On se rappellera longtemps ces jours où des hommes de sang prétendirent élever des autels aux vertus, sur les ruines du christianisme. D’une main ils dressaient des échafauds ; de l’autre, ils garantissaient à Dieu l’éternité, et à l’homme la mort, sur le frontispice de nos temples. Et ces mêmes temples, où l’on voyait autrefois ce Dieu qui est connu de l’univers, et ces images de vierges qui consolaient tant d’infortunés, ces temples étaient dédiés à la Vérité, qu’aucun homme ne connait, et à la Raison, qui n’a jamais séché une larme !
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Il y avait un homme qui,à douze ans, avec des barres et des ronds,avait crée les mathématiques,qui à seize avait fait le plus savant traité des coniques qu,on eut vu depuis l'antiquité, qui à dix neuf réduisit en machine une science qui réside toute entière dans l'entendement,qui à vingt deux démontra les phénomènes de la pesanteur de l'air et détruit une des grades erreurs de la physique ancienne ; qui à cet âge où les autres hommes commencent à peine de naître ,ayant parcouru le cercle des sciences humaines,s'aperçut de leur néant et tourna ses pensées vers la religion,qui depuis ce moment jusqu'à sa mort ,survenue dans sa trente cinquième année ,toujours infirme et souffrant ,fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine,donna l'exemple de la plus parfaite plaisantarie comme du raisonnement le plus fort; enfin qui ,dans le court intervalle dee ses maux , résolut un des plus hauts problèmes de géométrie et jeta sur le papier des des Pensées qui tiennent autant de Dieu que des hommes. Cet effayant génie c'est Blaise Pascal.

Livre III - chapitre 26
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Il reste à parler d'un état de l'âme qui, ce nous semble, n'a pas encore été bien observé : c'est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés, jeunes, actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague des passions augmente ; car il arrive alors une chose fort triste : le grand nombre d'exemples qu'on a sous les yeux, la multitude de livres qui traitent de l'homme et de ses sentiments rendent habile sans expérience. On est détrompé sans avoir joui ; il reste encore des désirs, et l'on n'a plus d'illusions. L'imagination est riche, abondante et merveilleuse ; l'existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite avec un cœur plein un monde vide et sans avoir usé de rien on est désabusé de tout.
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Dieu des chrétiens ! c’est surtout dans les eaux de l’abyme, et dans les profondeurs des cieux, que tu as imprimé bien fortement les traits de ta toute-puissance ! Des millions d’étoiles rayonnant dans le sombre azur du dôme céleste ! la lune au milieu du firmament ! une mer sans rivage ! l’infini dans le ciel et dans les flots !... Jamais tu ne m’as plus troublé de ta grandeur que dans ces nuits, où suspendu entre les astres et l’Océan, j’avais l’immensité sur ma tête, et l’immensité sous mes pieds.
Je ne suis rien ; je ne suis qu’un simple solitaire ; j’ai souvent entendu les savants disputer sur le premier Etre, et je ne les ai point compris ; mais j’ai toujours remarqué que c’est à la vue des grandes scènes de la nature, que cet être inconnu se manifeste au cœur de l’homme.
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Vidéo de François-René de Chateaubriand
INTRODUCTION : « Il est assez probable que les pages intitulées Pensées, Réflexions et Maximes seront une révélation pour bien des gens, — même pour ceux qui connaissent très suffisamment leur Chateaubriand [1768-1848]. de cela il y a de fort bonnes raisons. Ces pages sont assez courtes ; elles n'ont jamais été publiées, que je sache, séparément ; elles ont paru, pour la première fois, très tardivement, entre 1826 et 1831, quand l'auteur donna chez le libraire Ladvocat, la première édition de ses Oeuvres complètes. […] Et cependant, ces Pensées, — dont l'origine exacte nous échappe, — sont pour la plupart fort remarquables ; et il est évident, pour qui sait lire, qu'il n'eût tenu qu'à Chateaubriand d'en grossir considérablement le nombre, et de se faire une juste place, à côté, et probablement au-dessus de son ami Joubert [1754-1824], parmi les Moralistes français. […] » (Victor Giraud.)
« Le chant naturel de l'homme est triste, lors même qu'il exprime le bonheur. Notre coeur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs. » (Oeuvres complètes de M. le Vicomte de Chateaubriand, tome XVIII, Paris, Pourrat frères, 1836, p. 119.)
CHAPITRES : 0:00 — 1. ; 0:45 — Introduction ; 1:09 — 7. ; 2:11 — 18. ; 2:46 — 20. ; 3:10 — 27. ; 3:23 — 30. ; 3:38 — 31. ; 3:51 — 36. ; 4:06 — 38. ; 4:25 — 49. ; 5:09 — 62. ; 5:40 — 64. ; 5:55 — 68. ; 6:48 — 69. ; 7:05 — Générique.
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Chateaubriand, Pensées, réflexions et maximes, suivies du Livre XVI des Martyrs, édition nouvelle par Victor Giraud, Paris, Bloud & Cie, 1908, 68 p.
IMAGE D'ILLUSTRATION : https://ia800109.us.archive.org/23/items/EST95RES_P8B/BSG_EST95RES_P8B.jpg
BANDE SONORE ORIGINALE : Carlos Viola — Immortal Beloved Immortal Beloved by Carlos Viola is licensed under an Attribution-NonCommercial 3.0 Unported (CC BY-NC 3.0) license. https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/immortal-beloved
LIVRES DU VEILLEUR DES LIVRES :
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#Chateaubriand #Pensées #LittératureFrançaise
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