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Critique de CDemassieux


Bien sûr c'est long, très long ! Et à notre époque, où la concentration semble aussi fragile qu'un verre en cristal, voire rare comme un edelweiss, lire les Mémoires d'outre-tombe relève du défi impossible ! Et pourtant…
Ni roman, ni essai, encore moins fidèle autobiographie, cette oeuvre monumentale – celle de toute une vie – vaut pour son souffle épique, ses pauses romantiques et enfin sa prose poétique, qui atteint là des sommets d'excellence.
Ces Mémoires sont le testament d'un homme, qui a traversé l'Histoire autant qu'il a été traversé par elle. Ils oscillent entre le récit des grandes choses et l'introspection mélancolique, laquelle fait de leur auteur un archétype romantique.
Le souhait initial De Chateaubriand était de ne les faire publier que plusieurs années après sa mort. Des complications financières l'obligèrent à céder les droits ; ils seront publiés juste après son décès, survenu le 4 juillet 1848.
Ainsi, au pied de son lit de mort, dans un coffre, se trouvait le manuscrit original de ce pilier de la littérature. Venu lui rendre un dernier hommage, Victor Hugo, qui se voyait en « Chateaubriand ou rien », se souviendra plus tard : « Aux pieds de M. Chateaubriand, dans l'angle que faisait le lit avec le mur de la chambre, il y avait deux caisses de bois blanc posées l'une sur l'autre. La plus grande contenait, me dit-on, le manuscrit complet de ses Mémoires, divisé en quarante-huit cahiers. »
Voilà donc une oeuvre qui ne se lit certes pas sur une plage, mais qui, pour peu qu'on s'y laisse prendre, nous fait accomplir un voyage extraordinaire au cours duquel nous rencontrerons l'une des époques les plus turbulentes de l'Histoire, orchestrée par des personnages tels que Napoléon, auquel Chateaubriand consacre d'ailleurs de nombreuses pages, sans doute quelques-unes des plus remarquables sur ce titan de notre roman national.
Et puisque Chateaubriand a mis si longtemps à écrire ces Mémoires, prenez le temps nécessaire, savourez-les : la lecture est un espace de liberté où l'on a encore le droit d'être lent !
Juste pour le plaisir, écoutons la musique de cet extrait, connu jadis de tous les enfants de France : « le calme morne du château de Combourg était augmenté par l'humeur taciturne et insociable de mon père. Au lieu de resserrer sa famille et ses gens autour de lui, il les avait dispersés à toutes les aires de vent de l'édifice. Sa chambre à coucher était placée dans la petite tour de l'est, et son cabinet dans la petite tour de l'ouest. Les meubles de ce cabinet consistaient en trois chaises de cuir noir et une table couverte de titres et de parchemins. Un arbre généalogique de la famille des Chateaubriand tapissait le manteau de la cheminée, et dans l'embrasure d'une fenêtre on voyait toutes sortes d'armes depuis le pistolet jusqu'à l'espingole. L'appartement de ma mère régnait au-dessus de la grande salle, entre les deux petites tours : il était parqueté et orné de glaces de Venise à facettes. Ma soeur habitait un cabinet dépendant de l'appartement de ma mère. La femme de chambre couchait loin de là, dans le corps de logis des grandes tours. Moi, j'étais niché dans une espèce de cellule isolée, au haut de la tourelle de l'escalier qui communiquait de la cour intérieure aux diverses parties du château. Au bas de cet escalier, le valet de chambre de mon père et le domestique gisaient dans des caveaux voûtés, et la cuisinière tenait garnison dans la grosse tour de l'ouest. »
Mon père se levait à quatre heures du matin, hiver comme été : il venait dans la cour intérieure appeler et éveiller son valet de chambre, à l'entrée de l'escalier de la tourelle. On lui apportait un peu de café à cinq heures ; il travaillait ensuite dans son cabinet jusqu'à midi. Ma mère et ma soeur déjeunaient chacune dans leur chambre, à huit heures du matin. Je n'avais aucune heure fixe, ni pour me lever, ni pour déjeuner ; j'étais censé étudier jusqu'à midi : la plupart du temps je ne faisais rien. »
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