Tout commence lorsqu'un démon de second ordre - Isacaron, version beaucoup plus crade, un peu moins sympathique mais tout aussi réjouissante que le Crowley de
Gaiman/
Pratchett - offre une crécelle magique à un gamin particulièrement peu gâté par le sort. Orphelin, laid, puceau, mal aimé, maladroit, pas très futé, mal élevé, pétrifié de mal être, éternel souffre-douleur et amoureux malheureux d'une cruche impitoyable, le pauvre Kevin pourrait désormais, d'un simple tour de poignet, soumettre le monde entier à son bon vouloir. N'est-ce pas là chose diablement tentante ?
Le formidable potentiel de nuisance que semble représenter un tel pouvoir aux mains d'un tel garçon n'est pas, toutefois, le seul but que poursuit Isacaron. Car Kevin a pour protecteur Charles-Honoré Milo, vieil érudit pasionné de sciences occultes, qui au cours de ses recherches a découvert l'existence d'un objet depuis longtemps dissimulé aux mortels et que les Enfers recherchent activement.
Car en réalité, tout a commencé quelques siècles plus tôt, lorsqu'un certain Agrippa de Coscas, soudard parpaillot de la pire engeance, a extirpé du sein d'une lumineuse créature ailée l'embryon de ce qu'il faut bien reconnaitre comme un ange. Au milieu de tout le Mal dont l'existence sur terre, des guerres de Religion aux facéties nazies, des massacres de la Terreur aux dessous malsains des comités d'entreprise, n'est plus à prouver, une preuve de l'existence de l'autre camp subsiste encore peut-être, quelque part.
Pour Milo, sa découverte est un but existentiel en soi. Pour les Enfers, ce serait plutôt question de stratégie. Et en tenailles là au milieu, bien inconscients de ce qui se joue, ce sont toujours les mêmes qui trinquent.
Avec des éléments que ne renieraient ni un
Dan Brown (pour le pire), ni un
Perez-Reverte (pour le meilleur),
Georges-Olivier Châteaureynaud concocte une recette toute personnelle, mélange de réalisme et de magie, d'aventure et d'interrogations existentielles, d'amertume et d'humour, où se pose comme en reflet de la lutte terriblement inégale du Bien contre le Mal, la double tentation du sourire et du désespoir.
Le récit est un peu inégal, avec des parties historiques que j'aurais aimé plus développées, plus abouties, et surtout rattachées au noeud principal de l'intrigue de manière un peu plus travaillée. Ce n'est sans doute pas le meilleur roman de l'auteur, mais cela reste captivant, juste et souvent touchant, avec des thèmes et un style qui me sont chers.
Lien :
http://ys-melmoth.livejourna..