Citations sur L'appel du néant (200)
Mettre le nez dans le monde des islamistes ce n’est pas une sinécure, rien n’est rarement tout noir ou tout blanc, il faut s’adapter, être flexible, parfois tolérer l’odieux pour atteindre l’insupportable au-dessus.
Un papillon nocturne ne finit pas brûlé vif sur une ampoule incandescente par hasard. Il grille parce qu’il a trop tourné autour, fasciné, attiré malgré le danger, parce que c’est plus fort que lui. Ludivine était ce papillon. Elle s’était approchée trop près. Elle, ce n’était pas la lumière qui l’avait fascinée, mais les ténèbres.
[...] elle réalisa à quel point nos vies étaient dépendantes de la technologie. Ce n’était plus un artifice ou une option, les portables étaient la clé d’accès permanente au monde virtuel parallèle au nôtre, celui d’internet, des e-mails, des réseaux sociaux, devenus en peu de temps aussi indispensables et naturels qu’une ombre à sa silhouette. Elle trouva aussitôt cette analogie parlante. Cela voulait-il dire que pour elle la vie était la lumière, le virtuel les ténèbres? Il était toutefois cocasse de constater à quel point tout le monde était accro à son portable. Même les criminels. Ne pas en avoir sur soi, ne pas être joignable était déjà presque suspect, la preuve d’une préméditation.
Ludivine savait qu’un tueur qui avait le temps d'étudier sa victime s’en prenait à une femme qui reflétait son propre degré de confiance. Les pervers introvertis, qui doutent d’eux, visent des proies faciles, qui n’opposent pas ou peu de résistance. À l’inverse, un prédateur égocentrique et prétentieux pouvait oser s’attaquer à une victime, avec une personnalité affirmée. Au-delà même du profil de la victime c’étaient les circonstances qui en racontaient le plus. Si le tueur agissait par impulsion, loin de tous, sur une cible facile, alors cela confirmait une personnalité fragile, tandis qu’un enlèvement en plein jour ou dans un lieu public, a fortiori sur une femme au caractère bien trempé, témoignait d’une assurance frôlant la provocation. Il s’agissait là de grandes lignes, de généralités, mais qui faisaient sens et s'avéraient la plupart du temps.
C’est la liberté d’expression et de culte qui prévaut. Tant que le discours n’incite pas à la haine ou à la rébellion. Les catholiques intégristes qui prônent une société sans avortement, sans droits pour les homosexuels, où la place de la femme serait rétrograde et où l’homme ne descendrait pas du singe mais d’Adam et Ève ne sont pas interdits non plus, que je sache. Environ cinq pour cent des lieux de culte musulmans en France sont salafistes, soit très peu en réalité.
Un vrai pervers répond à des tiraillements profonds et intimes, il est l’esclave de ses perversions, certainement pas capable de les manipuler pour rendre service ou gagner de l’argent !
Mosquées ou lieux de prière, on les estimes à environ deux mille cinq cents sur tout le territoire. En comparaison des cinquante mille édifices catholiques environ, vous pouvez tout de suite relativiser le discours de ceux qui racontent que la religion en France est en train de basculer!
Les ténèbres ne sont pas que le témoin du vide, le révélateur d’une absence, non, elles ont leur propre consistance, leur matière. Un corps bien réel. Elles sont l’antimatière, la substance noire qui comble le cosmos, la terreur qui donne de la profondeur à nos psychés. Plus encore, elles étaient la preuve concrète que ce monde est mauvais et que la souillure pointe à la lisière de nos regards à tout moment, à chaque coin de rue, prête à nous avaler pour répandre le pire.
Un papillon nocturne ne finit pas brûlé vif sur une ampoule incandescente par hasard. Il grille parce qu'il a trop tourné autour, fasciné, attiré malgré le danger, parce que c'est plus fort que lui.
Un lecteur est un esquif qui se livre au courant des phrases et aux tourbillons des pages. Ludivine, elle, se sentait arrimée à son corps, comme vissée à la réalité, étanche à toute immersion dans l'imaginaire. (p171)