Iago, dont j'espère un cri d'encouragement, jette à peine un regard. Il attend qu'Othello sorte. Après, il me toise. Une flamme, une lueur devrais-je dire, de désir mêlée d'impatience. Comme il paraît me trouver lent à réagir ͂ ! En attendant que je trouve, il passe de longues heures sous la douche, à diluer les résidus d'essence qui ont adhéré à ses fringues à force de séjourner dans des égouts et des citernes. Mars en Scorpion. Il s'abat par terre, apparemment ivre mort. Mais il ne boit que l'eau dont il est fait. Quand il est recroquevillé au sol, il fait monter des éléments de réponses, depuis mes pieds jusqu'à la tête. Il parle trop peu chez Verdi, beaucoup trop chez Shakespeare. Sa vraie nature doit se situer quelque part entre les deux. Quelque part au centre géométrique de moi-même. Dans l'amour excessif que je porte à la musique de l'opéra, j'en viens, en contemplant le corps fatigué d'Iago à mes pieds, à me demander, à voix haute, si le problème n'est pas aussi chez Verdi.
Normand Chaurette (GG 2012, essais) à la conférence de presse du Conseil des arts du Canada annonçant les gagnants des Prix littéraires du Gouverneur général 2012.